Handicap, dépression, pauvreté: l’aide médicale à mourir se généralise au Canada

Le Canada est un des pays les plus libéraux en matière d’accès à « l’aide médicale à mourir ». Les exemples de demandes d’euthanasie pour dépression ou même pauvreté, acceptées par les médecins, se multiplient.

L’aide médicale à mourir pour cause de handicap #

Alors qu’elle veut vivre, Kat, une trentenaire atteinte d’une maladie chronique, a obtenu l’”aide médicale à mourir” (AMM) dans l’Etat de Colombie Britannique au Canada.[1]

Atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos, et ne parvenant pas à trouver un « suivi adapté », sa demande d’“aide médicale à mourir” auprès du Fraser Health a été acceptée sans difficulté. Les documents lui confirment qu’elle peut « programmer sa mort à tout moment ».

En proie à des difficultés financières, elle constate qu’il est « beaucoup plus facile de laisser tomber que de continuer à se battre ». Pourtant, en faisant cette demande, elle espérait avoir accès à des soins palliatifs ou à d’autres soutiens. Or sa « souffrance a été entérinée jusqu’à obtenir l’AMM, mais aucune ressource supplémentaire n’a été débloquée ». Pour le Fraser Health, « il n’y avait pas d’autres recommandations de traitement ou d’interventions adaptées aux besoins de la patiente ou à ses contraintes financières » (cf. Canada : 1200 euthanasies en plus, 149 millions de dollars de frais de santé en moins).

L’histoire de Kat n’est pas isolée.

Dans l’Etat de la Colombie-Britannique au Canada, un homme qui luttait contre la dépression et ne montrait aucun signe de mort imminente, a reçu une aide médicale à mourir malgré les supplications de ses proches. Dans cet Etat, la société médicale estime que si un patient n’est pas admissible à l’euthanasie, il peut se laisser mourir de faim jusqu’à être assez faible pour pourvoir y recourir. Alan Nichols a été admis à l’hôpital général de Chilliwack en juin, à l’âge de 61 ans, après avoir été trouvé déshydraté et sous-alimenté. Un mois plus tard, il est mort par injection.

L’aide médicale à mourir pour cause de pauvreté ? #

L’”aide médicale à mourir” est autorisée pour des patients qui, loin d’être en fin de vie, vivent une détresse souvent financière (cf. Canada : après des années d’attente pour une chirurgie, elle envisage l’‘aide médicale à mourir’, Elle trouve un logement adapté : une femme handicapée suspend sa demande d’’aide médicale à mourir’). L’Etat aurait-il renoncé à les accompagner ?

La loi C-7 votée en mars 2021 a supprimé le critère de “mort raisonnablement prévisible” (cf. Au Canada, nouvel assouplissement des conditions d’accès à l’aide médicale à mourir). Rendant les personnes handicapées ou souffrant d’une maladie chronique éligibles à l’AMM (cf. Euthanasie de personnes handicapées : des experts des Nations unies inquiets). Par ailleurs, il n’est plus nécessaire que la personne soit apte à donner son consentement juste avant l’acte d’euthanasie, dès lors qu’elle avait formulé des directives anticipées en ce sens (cf. L’Impasse de l’euthanasie – Henri de Soos). Un changement qui a failli être entériné par le Québec cette année (cf. Québec : l’élargissement de l’”aide médicale à mourir” reporté).

La démission de la société #

Ainsi, en cinq ans seulement, le “cadre” initial de l’”aide médicale à mourir” a volé en éclats. Comme le souligne Erwan le Morhedec, avec l’euthanasie, en renvoyant les personnes à leur autodétermination, à leur liberté, « d’une certaine manière, elles sont abandonnées à leur sort, la société s’estimant déliée de sa responsabilité dès lors que les personnes concernées auront posé un choix dit libre » (cf. Euthanasie : « la ligne d’arrivée de cette course à l’émancipation, c’est l’isolement et la solitude »).

 

[1] CTV, ‘Easier to let go’ without support: B.C. woman approved for medically assisted death speaks out, Penny Daflos (08/06/22)