Confusion, malentendus et méfiance : les conséquences de la loi Claeys-Leonetti

Le Docteur Thomas Le Taillandier, spécialiste en médecine générale et docteur en philosophie, livre son analyse de la loi Claeys Leonetti un an après sa promulgation en 2016. Cette « nouvelle loi fin de vie » est « source de grande confusion au sujet de la ‘sédation profonde et continue provoquant une altération de conscience maintenue jusqu’à la mort’ », et elle pose problème, explique ce médecin qui a exercé en service de cancérologie, elle ne facilite pas le dialogue et la discussion, ni ne favorise la confiance.

Depuis sa promulgation, le nombre des demandes de sédation de la part des patients ou de leurs familles a largement augmenté, en dehors des circonstances exigées par la loi[1]. Ces demandes « apparaissent comme des revendications : ‘Je le veux, j’y ai droit’». Cette situation entrainée par la loi Claeys Leonetti est « regrettable » : « la loi sert désormais de prétexte, car elle donne un droit » que les patients et parfois leur famille revendiquent comme un « faire-valoir ». Cette attitude « risque de fermer tout dialogue et toute concertation avec les équipes soignantes ».

Le Monde rapporte qu’à la maison médicale Jeanne Garnier (Paris 15ème), « où sont accueillis environ 1200 patients en fin de vie chaque année, aucune sédation profonde et continue jusqu’au décès n’a été mise en place depuis août[2] ». Frédéric Guirimand, responsable du pôle recherche, explique qu’une demande a été formulée, par « une personne dont la douleur était insuffisamment soulagée » : « On a traité cette douleur, et, au bout de trente-six heures, la personne avait changé d’avis. Il faut toujours un temps pour évaluer la demande et les moyens mis en place pour affirmer que la souffrance est réfractaire ».

Pour le Docteur Le Taillandier, la loi Claeys-Leonetti « a fait évoluer l’expression de sédation, passant d’une ‘sédation en phase terminale’ à une sédation profonde et continue provoquant une altération de conscience maintenue jusqu’au décès ». Un changement sémantique, qui s’est imposé au fil des rapports parlementaires, qui est problématique « et révèle une modification de la pensée de fond » :

  • « Alors que la sédation en phase terminale peut-être temporaire, la sédation profonde et continue est nécessairement maintenue jusqu’au décès ;
  • Alors que la sédation en phase terminale vise le soulagement des douleurs, le but recherché intentionnellement lors d’une sédation profonde et continue peut être différent ».

Ainsi, la sédation profonde et continue « pourrait devenir une euthanasie si dans l’intention de celui qui prescrit, la mort devient le but recherché (la mort devient fin et moyen de soulager les souffrances) ». Pour le Docteur Le Taillandier, « clairement, le risque est de voir un jour une évolution naturelle de la loi vers une aide active à mourir ».

 

[1] Affection grave et incurable ; pronostic vital engagé à court terme ; souffrances réfractaires aux traitements. Ces « critères sont parfois flous » constate le docteur le Taillandier.

[2] Date de publication des décrets d’application.

Sources : Bioéthique.com, Dr Thomas Le Taillandier (23/02/2017); Le Monde, François Beguin (20/02/2017)