Fin de vie : connaître la réalité avant de se prononcer

Deux sondages sur la fin de vie viennent d’être publiés. L’un commandité par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), l’autre par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Le premier, réalisé par l’IFOP [1], se veut le reflet de la société. Selon ces résultats, 78 % des Français attendraient de la convention citoyenne qu’elle légalise l’”aide active à mourir”. Plus précisément, selon les termes du sondage, ils « encouragent un changement de la loi avec la légalisation de l’euthanasie ou du suicide médicalement assisté ». Mais est-ce bien étonnant ?

« Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? », c’est la question qui sera posée aux citoyens qui seront tirés au sort [2]. Une question « biaisée », pointe Erwan Le Morhedec, auteur de Fin de vie en République. Ce que ne nie pas le président d’honneur de l’ADMD, Jean-Luc Romero-Michel : « Il faut reconnaître qu’en demandant si la loi actuelle répond à toutes les situations, on induit la réponse » (cf. Euthanasie : « ne pas se laisser enfermer dans le piège du choix truqué entre mourir ou souffrir » ; Fin de vie : les sondages « ne procurent jamais une vérité de l’opinion »).

« Pour avoir une idée de ce qui se passe dans ces [les services de soins palliatifs], l’important est que l’on puisse entendre non seulement les patients, mais aussi ceux qui les soignent », interpelle Claire Fourcade, présidente de la SFAP. Les sondés ont-ils été informés ?

Le refus des soignants #

Le second sondage, réalisé par OpinionWay, a interrogé les personnes exerçant au sein des services de soins palliatifs [3]. Les premiers concernés. 90% d’entre eux ne sont pas favorables à un changement de la loi. « J’ai pour habitude de dire que, sur la fin de vie, on ne manque pas de lois, mais de moyens », souligne Claire Fourcade [4].

En effet, « le cadre législatif actuel ne demande pas au corps médical d’aller à l’encontre du serment d’Hippocrate, explique Nadia Auzanneau, directrice adjointe d’OpinionWay. On remarque que l’évocation de l’euthanasie provoque spontanément une majorité de réactions négatives chez les soignants ». Un tiers des soignants irait jusqu’à démissionner. Car donner la mort n’est pas un soin (cf. Claire Fourcade : « Je suis médecin, la mort n’est pas mon métier ») et les médecins pas des « couteaux suisses, bons à tout : bons à soigner et bons à achever » [5].

 

[1] Le Généraliste, 78 % des Français attendent de la convention citoyenne qu’elle légalise l’aide active à mourir, Léo Juanole (12/10/2022)

[2] Le Monde, Débat sur la fin de vie : Matignon clarifie la question posée à la convention citoyenne et le rôle des ministres, Béatrice Jérôme (10/10/2022).

[3] Marianne, Sondage exclusif : la majorité des professionnels en soins palliatifs sont opposés à l’euthanasie, Emilien Hertement et Margot Brunet (12/10/2022)

[4] Marianne, Claire Fourcade : « sur la fin de vie, on ne manque pas de lois, mais de moyens », Emilien Hertement et Margot Brunet (13/10/2022)

[5] Egora, Fin de vie : « les médecins ne sont pas des couteaux suisses, bons à soigner et bons à achever », Sandy Bonin,(12/10/2022)

Source : Gènéthique magazine (14/10/2022)