Fin de vie : les sondages « ne procurent jamais une vérité de l’opinion »

Publié le 11 Juil, 2022

Alors qu’un sondage Ifop paru le 10 juillet annonce que 92% des Français seraient favorables à l’euthanasie, des experts rappellent que ce type d’enquête « renvoie un miroir déformé de l’opinion ».

Le dernier sondage en date, mené pour la MGEN[1], posait la question suivante[2] : « En cas de maladie grave et incurable, seriez-vous favorable à ce que soit reconnu au malade qui le demanderait le droit d’être aidé à mourir ? ». Sur les 88% de sondés ayant répondu, 92 % y sont favorables conclut l’Ifop. Matthias Savignac, président du groupe MGEN, explique avoir commandé ce sondage « pour que le droit évolue », ne laissant aucun doute sur son issue.

Plusieurs spécialistes dénoncent ces chiffres, qui « prennent une place démesurée dans le débat ». S’ils peuvent « être très utiles pour tester une idée, soutenir une réflexion, alimenter le débat, ils ne procurent jamais une vérité de l’opinion », concède Luc Barthélémy, directeur général de l’Institut Stéthos, spécialisé sur les questions de santé. En outre, « on peut en partie induire une réponse par l’usage de termes subjectifs, émotionnels, qui suscitent des réponses polarisées », poursuit-il.

En regardant les chiffres plus avant, on s’aperçoit que les réponses des sondés reflètent « une méconnaissance du sujet de la fin de vie », 94% ayant répondu favorablement à la question pour « se rassurer quant à la possibilité pour soi-même de ne pas mourir dans la douleur ». « On est tous d’accord pour ne pas souffrir, c’est consensuel. Mais il faut veiller à ne pas trancher de façon binaire une question très complexe », pointe Vincent Morel, chef du service de soins palliatifs du CHU de Rennes. « La population ignore ce qui est déjà dans la législation datant de 2016 : le refus de l’obstination déraisonnable, le droit d’être sédaté, l’obligation de soulager même si ça doit raccourcir la vie », complète Claire Fourcade, présidente de la SFAP[3].

En outre, ce type d’enquête ne peut « être recoupée par d’autres données » : en France, les derniers travaux de l’Ined sur la question datent de 2012, et aucune étude quantitative sur la fin de vie[4] n’a été réalisée. La SFAP travaille à y remédier, à l’aide d’un « baromètre de la fin de vie » révisé annuellement, basé sur « l’expérience de ceux qui vivent [la fin de vie], qu’ils soient patients, familles ou médecins ». Une mission qui pourrait également revenir à la convention citoyenne évoquée par Emmanuel Macron « à condition qu’elle prenne le temps de comprendre les enjeux, de former les participants, pour poser le problème autrement (…) loin des solutions toutes faites ».

[1] Mutuelle générale de l’Éducation nationale

[2] « A un panel de Français représentatif de l’ensemble de la population en termes d’âge, de sexe, de catégorie socioprofessionnelle, etc. »

[3] Société française d’accompagnement et de soins palliatifs

[4] Fondée sur une méthode employée en sociologie

Sources : Le journal du dimanche (9/07/2022) ; La Croix, Emmanuelle Lucas (10/07/2022)

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