La première semaine des auditions de la Commission spéciale fin de vie s’est achevée le 26 avril avec les organisateurs et les participants de la Convention citoyenne, que le président de la République rencontrait ensuite en fin d’après-midi. Un acteur clé de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté (cf. Convention citoyenne : l’« aide active à mourir » monopolise le programme).
Un rapport à 5 millions d’euros
La Commission, présidée par Agnès Firmin Le Bodo, entendait le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Thierry Beaudet, et Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Deux conventionnels étaient aussi présents pour témoigner et échanger sur la réflexion née de la Convention : Soline Castel, une mère de famille qui travaille dans le milieu du handicap, et Jean-Michel Poncet, en fin de carrière.
Un bref rappel sur l’organisation et l’historique de la Convention citoyenne a permis de découvrir qu’elle a coûté plus de 5 millions d’euros. Les conclusions du rapport voté par la Convention en avril 2023 ont ensuite été rappelées, des conclusions sans surprise (cf. Fin de vie : La Convention citoyenne rend sa copie). S’en dégagent des convictions communes comme le développement de l’accompagnement à domicile et la garantie des budgets nécessaires à cet accompagnement, la formation des professionnels de santé, ou l’amélioration du parcours de soin. Les conventionnels avaient aussi recommandé d’inscrire dans la loi « un droit opposable et universel à l’accompagnement à la fin de vie et aux soins palliatifs ». Une proposition reprise par des députés LR, mais pas par le Gouvernement en revanche (cf. Une nouvelle proposition de loi en faveur des soins palliatifs) .
L’« aide active à mourir », quant à elle, avait obtenu une large majorité de votes, mais pas l’unanimité. 75,6 % des conventionnels ont voté pour, insiste Olivier Falorni, rapporteur général de la commission (cf. Fin de vie : une commission orientée vers l’euthanasie ?). Les citoyens n’avaient en revanche pas tranché sur les modalités. Bien que mise en avant par beaucoup, l’« aide à mourir » n’est qu’une partie du rapport. « La vrai unanimité était sur le nécessaire développement des soins palliatifs et la meilleure connaissance de la loi sur la fin de vie » avait ainsi indiqué Volcy, un des fondateurs de l’association Faim2Vie et ancien conventionnel (cf. Fin de vie : une convention mais deux associations).
« Tour de force démocratique » ou débat orienté ?
Rapporteurs et députés ont vivement salué la réussite de l’exercice démocratique, tant sur le fond que sur la forme. L’ambition n’était pas de trancher la question posée par Elisabeth Borne, mais de « faire société et d’éclairer le législateur ». Objectif atteint, se félicite Claire Thoury, qui juge que « la fin de vie est un sujet de rassemblement » et que le CESE a fait son travail.
Un travail qui « nous oblige » déclare solennellement Gilles Le Gendre, député Renaissance. « Vous êtes un des points de départ de nos travaux après l’avis 139 du CCNE » affirme quant à lui Didier Martin, l’un des rapporteurs de la commission. Après la caution éthique du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), la caution sociétale de la convention citoyenne (cf. Audition du CCNE : la caution des promoteurs de l’euthanasie) .
Malgré les éloges, Marine Hamelet, député RN, n’hésite pas à questionner l’utilité de la Convention citoyenne, rappelant l’allocution du président de la République avant même le début de la Convention, ainsi que les positions de Thierry Beaudet, président du CESE et organisateur de la Convention (cf. Convention citoyenne : un parti pris qui ne se cache pas). Un débat orienté pour aboutir à ses fins : changer la loi à tout prix. L’élu évoque même la manipulation du CESE à l’égard des conventionnels, se souvenant du manifeste des 40 conventionnels publié dans Le Figaro (cf. Fin de vie : une convention manipulée ?). Piquée au vif, Claire Thoury s’en défend : « On a fait des erreurs, mais manipuler : jamais de la vie ».
Des points de divergences
Des questions, des divergences demeurent face au rapport de la Convention citoyenne. Elles ont été soulevées par Soline Castel, comme par certains députés présents.
La conventionnelle a voté contre l’ouverture de l’« aide active à mourir », et fait partie de « l’écrasante minorité » comme elle la nomme. Elle explique les raisons de ce vote. La loi Claeys-Leonetti n’est pas connue et pas appliquée, le cadre de l’« aide à mourir » sera difficilement respecté, et le consentement de la personne n’est pas vraiment libre pointe-t-elle. « L’aide active à mourir représente un risque pour les personnes vulnérables » souligne également la conventionnelle (cf. Fin de vie : « l’euthanasie ne soignera jamais la solitude, ni le désespoir, ni la souffrance »). L« ’aide à mourir » permettrait d’arrêter les souffrances, « mais quelle souffrance veut-on arrêter ? Celle de la personne ou celle de la famille ? » poursuit-elle. « Il faut apprendre à vivre avec la souffrance » (cf. La rencontre de notre vulnérabilité : première étape, pour devenir humain !). Annie Vidal, député Renaissance, l’a rejoint dans ce questionnement.
Soline Castel relève aussi les dispositions manquantes du projet de loi, appuyée par certains députés comme Philippe Juvin (LR) et Patrick Hetzel (LR). Bien que soulignés par le rapport de la Convention citoyenne, l’importance de la collégialité, des termes utilisés, du suivi psychologique des soignants, ou le consentement aux soins ont été « oubliés » du texte. « Ce projet n’est pas annoncé comme une loi sur l’euthanasie » alors que « le rapport cite 200 fois le terme “euthanasie” » pointe en outre Christophe Bentz, député RN, dénonçant ainsi les choix sémantiques du projet de loi. « Les conventionnels ont utilisé les mots qui étaient utilisés dans la société » reconnait Thierry Beaudet. « Il faut appeler un chat un chat » relève Soline Castel. Un réalisme que ne semble pas avoir le Gouvernement (cf. Fin de vie : un texte qui « s’est résigné aux mensonges »).
Alors que Catherine Vautrin a insisté en début de semaine sur l’équilibre trouvé par le projet de loi entre soins palliatifs et « aide à mourir », dans le respect de la liberté de tous (cf. Fin de vie : Catherine Vautrin, première auditionnée de la commission spéciale), Soline Castel dénonce la différence de prise en charge prévue dans le texte entre le remboursement total de l’« aide à mourir » et le reste à charge dans les maisons d’accompagnement. « La symbolique n’est pas très bonne » ironise-t-elle. Le projet de loi n’est peut-être pas si égalitaire qu’il ne voudrait y paraître (cf. Projet de loi sur la fin de vie : un texte truffé de contre-vérités et déconnecté de la réalité).