Fin de vie : dernière audition sur le sujet au Sénat

8 Juin, 2023

Mercredi matin, les membres de la Commission des affaires sociales du Sénat ont auditionné Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la convention citoyenne (cf. Convention citoyenne sur la fin de vie : le CESE se dote d’un “comité de gouvernance”) et quatre membres de cette convention, Clothilde Audiber, Antonin de Bernard, Nathalie Berriau et Micha Jovanovic. Une audition qui intervient au lendemain de celle d’Agnès Firmin le Bodo qui a réaffirmé hier les trois priorités du gouvernement sur la fin de vie : « le développement des soins palliatifs, l’ouverture de l’aide active à mourir et la protection des personnes et du droit des personnes ».

Une question orientée ?

Comme l’a rappelé Claire Thoury, ce sont 184 citoyens, tirés au sort, qui ont réfléchi à la question suivante pendant 9 week-ends : « le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »

Une question orientée pour certains car comme le souligne le seul conventionnel auditionné opposé à l’« aide active à mourir », Micha Jovanovic, « la réponse naturelle est “non” ». Concernant l’orientation des débats, « le problème » venait de la « formulation des questions et de l’ordre d’exposition » explique-t-il (cf. Convention citoyenne : l’« aide active à mourir » monopolise le programme). Ce que dément Claire Thoury. « Insinuer que les citoyens ont été manipulés, je ne peux pas le laisser dire, c’est faux. La proportion des points de vue a été respectée » s’est-elle indignée (cf. Fin de vie : une convention manipulée ?).

 « Aider à construire une décision »

L’objectif de cette convention n’était pas d’écrire une loi même si « sur certains points, [les conclusions de la convention] peuvent aider à construire une décision » argumente Claire Thoury (cf. « Convention citoyenne » sur la fin de vie : une consultation en trompe l’œil ?). Le but était de montrer « la complexité et la nuance » de la question, affirme-t-elle. Et « même si la nuance existe cela n’empêche pas d’aboutir à une majorité qui se dégage sans alimenter ni les polarisations, ni les humiliations », poursuit Claire Thoury. Pourtant Micha Jovanovic estime que les conventionnels qui se sont positionné « contre » ont « galéré » pour trouver leur place.

Une « mort solidaire » ?

Selon le rapport de la convention citoyenne, 75% des conventionnels étaient en faveur de l’« aide active à mourir » (cf. Fin de vie : La Convention citoyenne rend sa copie). Et parmi les différents « modèles » proposés, « le modèle suicide assisté et euthanasie au choix a remporté 40% des suffrages » indique Nathalie Berriau, tout en estimant qu’une nouvelle loi mettrait « fin aux situations d’hyprocrisie ». Elle ajoute par ailleurs que « l’aide active à mourir (…) est un gage de fraternité et de solidarité ». « C’est proposer une mort solidaire au lieu d’une mort solitaire ». Un avis partagé par Antonin de Bernard pour qui « la volonté de la personne doit être respectée et prime quoiqu’il arrive ».

« L’aide médicale à mourir nous est parfois présentée comme une forme de solidarité suprême à l’égard de ceux qui sont en fin de vie, relève en effet le chroniqueur québécois Jean-François Nadeau [1]. Mais est-ce bien le cas, quand on y songe, dans un système où tout craque, faute de moyens, au nom d’impératifs économiques qu’illustrent à l’infini les promesses inaccomplies des multiples réformes du réseau de la santé ? » « Ainsi, peut-être que ce qui nous apparaît comme libérateur n’est en fait qu’une soumission de plus à un système général qui carbure uniquement aux accomplissements de la productivité, de la rentabilité, de la consommation », analyse le journaliste.

Un « modèle de civilisation » remis en cause

Toutefois, comme le souligne Clothilde Audiber, « la réflexion commune a mis en exergue la nécessité de développer la culture palliative et les soins palliatifs en octroyant des droits aux gens sur leur fin de vie ».

Une nécessité rappelée par Micha Jovanovic qui s’est inquiété d’une ouverture à l’« aide active à mourir » car « le modèle de civilisation qui consistait à soigner coûte que coûte, à prendre soin du patient pourrait évoluer vers un libéralisme d’opinion où chacun pourrait demander à la carte ce qui l’arrangerait ». « Le centre des débats est plus sur la question de l’hôpital et des soins palliatifs. Ça doit être un préalable à toute autre discussion » affirme-t-il (cf. Plan décennal pour les soins palliatifs : encore des promesses ?).

L’intérêt de développer les conventions citoyennes

Selon Clothilde Audiber, membre de la convention citoyenne, « le dialogue a permis d’esquisser des perspectives en prenant en compte les différentes sensibilités exprimées par les Français ». L’intérêt de développer les conventions citoyennes a été abordé lors de l’audition. « On pense vraiment qu’on peut être un soutien pour les parlementaires » a témoigné Nathalie Berriau.

Pour Claire Thoury, « faire une convention citoyenne sur la fin de vie est une forme de courage politique ». « C’est faire un pas de côté et demander à des gens qui ne représentent qu’eux-mêmes d’aider les décideurs à construire une réponse politique exigeante. » « Courage politique » ? « Pas de côté » ? Ou plutôt pierre supplémentaire à un édifice savamment construit ? (cf. Fin de vie : un processus construit pour aboutir à légaliser l’euthanasie ?)

Le 28 juin, la Commission des affaires sociales du Sénat examinera le rapport d’information sur la fin de vie, fruit de ces auditions par les Sages. Après la multiplication des avis similaires (cf. Avis du CCNE : en marche vers l'”aide active à mourir” ?Un rapport orienté vers l’« aide active à mourir » ?Fin de vie : La Convention citoyenne rend sa copie ; Fin de vie : nouvel avis du CESE en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté), leur voix sera-t-elle dissonante ? Et entendue ?

 

[1] Le Devoir, Morts comme des chiens, Jean-François Nadeau (23/05/2023)

Photo : Pixabay

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