Avortement, fin de vie : des projets de lois « hors sujet et hors sol »

Publié le 23 Jan, 2024

A l’occasion de la Marche pour la vie, Lucie Pacherie, titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, spécialiste en droit de la santé et responsable du plaidoyer France de la Fondation Jérôme Lejeune, alerte sur les deux projets de lois qui vont marquer l’année 2024 : celui qui vise à inscrire l’IVG dans la Constitution (cf. IVG dans la Constitution : le projet de loi adopté en Commission à l’Assemblée nationale), et celui qui vise à légaliser le suicide assisté et l’« exception d’euthanasie » (cf. Fin de vie : des pistes « pires que le mal contre lequel elles entendent lutter »). Ces textes sont l’un et l’autre « hors sujet » et « hors sol » explique-t-elle. Face à ces projets de loi, il convient de rationaliser les débats et de protéger toute vie humaine.

Intégrer l’IVG dans la Constitution est « hors sujet » parce que la Constitution est la norme suprême qui a pour objet d’organiser la société française. La Constitution française fixe des règles institutionnelles, elle n’est pas une liste de libertés individuelles (cf. Constitutionnalisation de l’avortement : « On ne joue pas avec la norme constitutionnelle ») .

Intégrer l’IVG dans la Constitution est aussi « hors sujet » car inutile. Depuis 49 ans, le Conseil Constitutionnel dispose d’une jurisprudence constante. Il a toujours jugé l’IVG conforme à la Constitution [1], et lui a donné une valeur constitutionnelle en considérant qu’elle découlait de l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC)[2] (cf. IVG : une révision constitutionnelle dépourvue de sens).

« Une revendication idéologique »

Intégrer l’IVG dans la Constitution est par ailleurs « hors sol ». C’est une revendication idéologique, « fantasmatique », qui consiste à laisser penser qu’une menace pèse sur l’avortement en France. Où est la menace quand on voit que les chiffres sur l’avortement sont en constante augmentation (cf. France : 234 300 avortements en 2022), que les conditions d’accès sont facilitées, que les délais s’allongent (cf. Avortement : Les députés adoptent définitivement la PPL Gaillot), que la prise en charge par la Sécurité Sociale est totale ? La menace, ce serait des stickers sur des vélos, des opinions exprimées sur les réseaux sociaux ?

Parce que nous refusons la « totémisation » de l’avortement, on cherche à nous discréditer, comme si nous étions nous aussi une « menace ». Pourtant, une société démocratique doit pouvoir s’interroger sur les « tabous » de l’avortement : l’impact sur les femmes, la considération collective de l’enfant à naître, les avortements eugéniques qui discriminent dès avant la naissance les personnes porteuses de trisomie 21 (cf. « Deuil caché » : « une réhabilitation de la souffrance » des femmes qui ont avorté).

 Dénaturer la médecine ?

Légaliser le suicide assisté et l’« exception d’euthanasie » est tout autant « hors sujet » dans une société qui repose sur l’interdit de tuer (cf. « Nous refusons l’idée de remettre en cause l’interdit fondamental de toute société qu’est l’interdit de tuer »). On veut nous faire croire que ce qui est un homicide volontaire [3] aujourd’hui, sera un soin demain. Dépénaliser le meurtre pour un motif « médical » rompt le contrat social, et dénature la médecine (cf. Fin de vie : « c’est le soin qui doit d’abord s’exprimer »).

Légaliser le suicide assisté et l’« exception » d’euthanasie est aussi « hors sujet » dans une société qui déplore 9 000 suicides pas an [4], qui agit pour la prévention du suicide et lutte contre la « contagion suicidaire » (cf. « Le suicide ne peut être que médicalement évité et non assisté »). On le sait, le taux de suicide augmente dans les pays qui ont légalisé le suicide assisté (cf. Vermont : les demandes d’accès au suicide assisté multipliées par 5 en 2 ans). L’Etat de Victoria en Australie en est l’exemple le plus récent avec une hausse de 50 % des suicides des personnes âgées [5] (cf. Victoria : le suicide en hausse de 50 % depuis la légalisation du suicide assisté).

Défendre « les êtres humains les plus dépendants »

Légaliser le suicide assisté et l’« exception » d’euthanasie est enfin « hors sol », car ce projet de loi ne répond pas à la demande des Français, et ne prend pas en compte les réalités des plus dépendants (cf. « La mort ne sera jamais la solution. La solution c’est la relation »).

La Fondation Jérôme Lejeune a réalisé un « tour de France » de soirées « ciné-débat » autour du documentaire Mourir n’est pas tuer produit par Bernard de la Villardière et réalisé par Géraud Burin des Roziers (cf. Géraud Burin des Roziers enquête au cœur de la fin de vie dans son nouveau documentaire). Les Français rencontrés ne demandent pas à mourir. Ils craignent de souffrir, d’être seuls et de devenir à charge (cf. La solitude, « une priorité de santé publique » pour l’OMS).

La Fondation Lejeune s’inquiète particulièrement pour les personnes en situation de dépendance, dont celles porteuses de trisomie 21 qui sont sujettes à un Alzheimer précoce (cf. Trisomie 21 et maladie d’Alzheimer : des chercheurs précisent l’interaction de deux protéines). Ces personnes, malades, en fin de vie, handicapées ont porté le « Manifeste des 110 », publié dans le Figaro (cf.  « Manifeste des 110 » :  « laissez-nous le droit d’exister, d’exister tels que nous sommes »). « Légaliser l’euthanasie, c’est suggérer que nos vies, parce qu’elles sont limitées physiquement et souvent douloureuses, sont un poids, inutile » dénoncent-elles. « Nous refusons la légalisation d’un droit de mourir à la demande, parce qu’il finira par s’imposer à nous comme un devoir de mourir » alertent-elles (cf. « Etre regardés, soulagés, accompagnés, mais pas tués »).

Entre les projets de loi « politiciens » et les réels besoins humains, la Fondation Lejeune n’hésite pas, elle défend les êtres humains les plus dépendants (cf. Fin de vie : attention au message envoyé aux personnes vulnérables).

 

[1]  Décision DC n° 2001-446 du 27 juin 2001

[2] Article 2 de la DDHC de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ».

[3] Article 221-2 du code pénal

[4] Chiffre au 4 février 2022 – Un taux les plus élevé d’Europe

[5] Journal Ethics in Mental Health 21 décembre 2023

 

Lucie Pacherie

Lucie Pacherie

Expert

Lucie Pacherie est titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Elle s’est spécialisée en droit de la santé et responsabilité médicale et est juriste de la fondation Jérôme Lejeune depuis 2010. Elle est co-auteur du livre Les sacrifiés de la recherche publié en 2020.

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