L’Organisation mondiale de la santé fait de la solitude « une priorité de santé publique mondiale », a-t-elle annoncé mercredi dernier, en lançant une nouvelle « Commission sur la connexion sociale ».
Une menace « sous-estimée »
Au cours des trois prochaines années, la commission se concentrera sur les moyens de faire face à la « menace pressante pour la santé » que représente « l’épidémie mondiale de solitude », en examinant les données scientifiques les plus récentes et en élaborant « des stratégies pour aider les gens à approfondir leurs liens sociaux ». Elle est coprésidée par l’envoyé de l’Union africaine pour la jeunesse, Chido Mpemba, et par le Dr Vivek Murthy, médecin-chef des Etats-Unis, qui a fait de cette question l’une de ses principales préoccupations pendant qu’il était en fonction.
Pour le Dr Murthy, il s’agit d’une menace « sous-estimée » pour la santé, qui s’est désormais généralisée. « Pendant trop longtemps, la solitude a existé dans l’ombre, invisible et sous-estimée, et a été à l’origine de maladies mentales et physiques », a-t-il déclaré (cf. En fin de vie, la solitude aggrave les symptômes des patients).
Des risques pour la santé mentale, et physique
Les recherches montrent que l’absence de certains types de liens sociaux est liée à une mauvaise santé mentale et augmente le risque d’anxiété, de dépression et de suicide. « La déconnexion sociale est devenue un facteur clé de la crise de la santé mentale que nous observons dans le monde », juge le Dr Murthy. Environ un milliard de personnes, soit une sur huit, vivent avec un problème de santé mentale, dont un quart d’adolescents.
La solitude et l’isolement social peuvent également être à l’origine d’une mauvaise santé physique. Les personnes qui manquent de liens sociaux courent un plus grand risque de mourir prématurément (cf. Isolement social : un risque accru de mortalité prématurée). La solitude et l’isolement social sont « depuis longtemps » associés à une mauvaise fonction immunitaire et à des problèmes cardiovasculaires tels que l’hypertension artérielle, et ils augmentent de 30 % le risque d’accident vasculaire cérébral. Ils contribuent également au déclin cognitif, et sont associés à une augmentation de 50 % des cas de démence. Les personnes isolées ont également tendance à avoir des habitudes plus néfastes pour la santé, telles que le tabagisme, la consommation excessive d’alcool et la sédentarité.
Les personnes âgées premières concernées
Selon les centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), les personnes âgées sont plus exposées au risque de solitude, car elles vivent plus souvent seules, ont perdu plus de membres de leur famille ou d’amis et sont plus susceptibles de souffrir de problèmes physiques tels qu’une perte d’audition, ce qui peut les empêcher d’avoir des relations sociales (cf. Ehpad : « des ruptures anthropologiques inédites » lors de la crise du Covid-19).
Mais les personnes âgées ne sont pas les seules à souffrir de la solitude. Selon une enquête menée dans 142 pays et publiée le mois dernier, près d’un adulte sur quatre déclare se sentir très ou assez seul. Les jeunes ne sont pas non plus épargnés, l’impact de la crise du Covid-19 se fait encore sentir.
En effet, selon le Dr Ryan Patel, psychiatre à l’Ohio State University Office of Student Life Counseling and Consultation Services, après avoir été isolé, il peut être anxiogène de se retrouver dans des environnements générant de nombreuses interactions sociales. En outre, l’hyperconnectivité des jeunes rétrécit aussi leur façon d’appréhender le monde : « lorsqu’ils interagissent avec d’autres personnes qui ne partagent pas leur point de vue, cela peut s’avérer difficile », analyse-t-il.
Sources : CNN, Jen Christensen (15/11/2023) ; The Guardian, Sarah Johnson (16/11/2023) – Photo : Pixabay
