Les robots d’assistance ne sont pas un remède à la solitude

Publié le 31 Mar, 2021

En Espagne, la municipalité de Barcelone vient de lancer un programme pilote de grande ampleur, déployant des « carebots », ou robots d’assistance, pour les personnes âgées. Dans cette ville on dénombre environ 90.000 personnes âgées isolées, pour seulement 13.000 places en institution. 40.000 foyers nécessitent des visites régulières des services sociaux, « déjà débordés », et les services de téléassistance « ont franchi le seuil des 100.000 utilisateurs ». Dans le cadre de ce programme pilote, « le bien-être général des personnes âgées sera étroitement surveillé avant, pendant et après le séjour des robots », et les résultats « seront utilisés pour affiner la programmation et l’utilisation des robots ».

Les carebots sont une « combinaison de diverses technologies de pointe ». Ils permettent les appels vidéos pour faciliter le contact avec amis, famille et personnel médical ou d’urgence, diffusent les émissions de télé préférées, gèrent les playlists musicales, lisent les journaux à voix haute, ou coachent les exercices physiques. Equipés de capteurs de diagnostic et d’applications santé, ils permettent également « la détection précoce et la gestion d’un large éventail d’affections ». Ils peuvent aussi représenter une aide à la mobilité, et tenir des « conversations intelligentes ». « Le jouet parfait pour les adultes » commente Alejo José G. Sison, professeur d’éthique à l’université de Navarre et à Georgetown.

Pourtant le professeur pointe « de sérieux inconvénients », lorsque ces carebots commencent à remplacer les soins humains. Il remarque un « risque d’attachement émotionnel malsain » créant une dépendance, car les carebots sont là « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, obéissant à tout ce qu’on leur dit et ne se plaignant jamais ». Le professeur compare avec l’utilisation des smartphones et tablettes auprès des enfants pour les « garder » : les enfants « deviennent dépendants » et « sujets à la dépression ». Il ajoute qu’il y a « quelque chose d’erroné et de faux de se fier à une machine pour satisfaire des besoins sociaux émotionnels et supérieurs ». Car dès leur plus jeune âge, les enfants apprennent à distinguer les objets et les êtres vivants. « Pourquoi, alors, devrions-nous être complaisants en entendant grand-père engager une conversation animée avec le carebot (…) ? Est-il devenu normal de l’infantiliser ? Est-ce qu’il ne mérite rien de moins qu’un être humain ? ». Alejo Sison parle d’un traitement « déshumanisant, voire carrément inhumain ».

Croire que les carebots sont un remède à la solitude et l’isolement n’est qu’une « illusion collective » poursuit Alejo Sison, car « rien ne remplace la chaleur que seuls les autres êtres humains peuvent offrir pour ces maux ». Quelques animaux, comme les chiens, « peuvent aider » car ils sont capables de partager certaines émotions, mais ils ne peuvent pas non plus se substituer à la présence humaine. Malgré leur nom, les carebots ne prendront jamais soin de nous, « parce qu’ils ne le peuvent pas ». Prendre soin, « c’est éprouver certains sentiments et émotions envers les autres, c’est vouloir et désirer ce qui est bon pour eux ». Pour en être capable, « il faut être vivant et incarné », aucune programmation ni technologie robotisée ne remplacera jamais cela. « Les responsables de la ville de Barcelone devraient en prendre note » conclut le professeur d’éthique.

 

Source : Mercator, Alejo Jose G. Sison (30/03/2021) – Photo : Pixabay\DR

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