Mercredi 29 mai, les débats sur le projet de loi fin de vie se sont déroulés dans une atmosphère tendue. Les députés, toujours peu nombreux, avancent peu sur le texte. Au terme de la journée, ils ont adopté 14 amendements ainsi que l’article 1bis, par 111 voix contre 70, instaurant un « droit opposable » aux soins palliatifs et une loi de programmation, en dépit de l’opposition du Gouvernement.
Soins d’accompagnement et, ou soins palliatifs ?
Alors que le texte introduit la notion de « soins d’accompagnement », plusieurs députés demandent qu’il soit clarifié. Olivier Falorni, rapporteur général du projet de loi (Démocrate), affirme que soins palliatifs et soins d’accompagnement sont complémentaires. Selon lui, les soins d’accompagnement sont moins médicalisés, et se concentrent davantage sur des aspects sociaux. Ignore-t-il ou feint-il de ne pas savoir que les soins palliatifs accompagnent déjà le patient dans toutes ses dimensions, pour tous ses besoins ? (cf. Soins palliatifs : La SFAP lance une campagne d’information)
Tous les amendements visant à préciser, supprimer ou remplacer le terme « soins d’accompagnement » sont rejetés. Mais les députés ne désarment pas. Dans la soirée, de nombreux amendements visent à nouveau à substituer le terme « soins palliatifs » au terme « soins d’accompagnement ». En vain. Pourtant, le terme « soins palliatifs » a tout bonnement disparu de l’alinéa 4 de l’article 1er bis. Emmanuelle Ménard (NI) et Annie Genevard (LR) s’en étonnent : « Comment expliquez-vous que les soins palliatifs aient disparu de cet alinéa ? », s’est ainsi offusquée la députée LR (cf. Soins palliatifs, soins d’accompagnement : que retenir du premier jour de débats ?).
Vers des directives anticipées obligatoires ?
Avec l’amendement 1905 qui a été adopté, Sébastien Peytavie (Ecologiste – NUPES) et ses collègues entendent inscrire dans les droits des patients la possibilité de bénéficier d’une « information claire et accessible », via la remise d’un « livret d’information facile à lire et à comprendre et accessible aux personnes en situation de handicap » et d’un « accompagnement dans la rédaction de leurs directives anticipées ».
L’amendement évoque une information en la matière, mais ses motifs précisent qu’il vise aussi à « généraliser l’enregistrement des directives anticipées pour tous les patients, quel que soit leur âge, lors d’une hospitalisation ». Un moment probablement propice pour recevoir une information, mais dispose-t-on alors d’un discernement suffisant pour rédiger des directives si engageantes ? D’autant plus qu’elles pourraient inclure des dispositions relatives à l’« aide à mourir ».
L’Exécutif mis face à ses promesses
Le Gouvernement, comme certains députés ont dû défendre à plusieurs reprises l’investissement de l’Etat dans les soins palliatifs. La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, assure que le Gouvernement a déjà beaucoup investi, et continuera d’investir dans les soins palliatifs.
Mais les députés refusent de se satisfaire de belles promesses (cf. Des soins palliatifs en crise, et les belles promesses de l’Exécutif). Le projet de loi « n’offre aucune garantie de l’offre effective de soins palliatifs dans notre pays », dénonce Thibault Bazin (LR). Pour y remédier, il fait adopter avec l’amendement 30, une « loi de programmation pour les soins palliatifs ». Le texte aura pour objet de « développer l’offre de soins palliatifs, placée au rang de priorité nationale, dans une logique pluriannuelle de programmation des objectifs et des moyens ».
Jérôme Guedj (Socialistes et apparentés) fait également adopter l’amendement 2076 qui a le même objectif. « Avec deux amendements adoptés pour une loi de programmation, on sera peut-être certains de l’avoir le moment venu », ironise-t-il.
Les élus ont en effet en tête la loi de programmation sur le grand âge. Son principe avait été inscrit dans la loi « Bien vieillir » (cf. « Bien vieillir » : le texte adopté par les députés, à quand la loi « grand âge » ?), mais le Gouvernement avait annoncé saisir le Conseil d’Etat pour se prononcer sur sa constitutionnalité. De belles promesses une nouvelle fois ? La ministre de la Santé, tout en se défendant d’avoir respecté la procédure, indique qu’elle a interrogé le Gouvernement cette semaine. En réponse, il lui a expliqué ne pas avoir saisi le Conseil d’Etat. « Ca fait donc quatre mois que vous baladez l’Assemblée nationale », tempête Jérôme Guedj, s’insurgeant devant ce « scandale démocratique ».
L’adoption d’un « droit opposable » aux soins palliatifs
Philippe Juvin (LR) propose que des proches puissent saisir le tribunal pour un patient afin qu’il obtienne une prise en charge palliative effective. Il est rejoint par Marc le Fur (LR), qui le demande pour la personne de confiance. Néanmoins, ces amendements sont rejetés. Didier Martin, rapporteur (Renaissance), le justifie en refusant une « judiciarisation de la médecine ».
« Rendre le droit opposable sur ce sujet ce n’est pas raisonnable », estime Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la Commission spéciale (Renaissance). « Nous attendons tous au-delà des clivages partisans, un égal accès aux soins palliatifs. Ça aurait pu faire consensus : vous n’arrivez pas à faire consensus », souligne Julien Odoul (RN).
Nicolas Turquois (Démocrate) tente, avec l’amendement 3399, de faire supprimer l’article 1er bis, qui instaure un « droit de bénéficier de soins palliatifs » « garanti à toute personne dont l’état de santé le requiert ». Cet article fait suite à l’adoption d’un amendement de Thibault Bazin par la Commission spéciale. L’amendement de Nicolas Turquois est rejeté.
Qui plus est, deux sous-amendements, le 3441 de Sandrine Rousseau (Ecologistes – NUPES), et le 3440 de Jérôme Guedj, instaurent explicitement la notion de « droit opposable ».
Philippe Gosselin se réjouit de l’adoption de l’article 1bis, « une vraie victoire » selon lui, et « un message : les soins palliatifs ne seront pas la 5ème roue du carrosse ». « Ce n’est pas parce qu’un droit opposable est compliqué à mettre en œuvre qu’il faut y renoncer. » Mais est-ce une question de difficulté de mise en œuvre ou simplement de volonté politique ? Le droit aux soins palliatifs est inscrit dans le droit français depuis 1999 (cf. Euthanasie : “la ligne d’arrivée de cette course à l’émancipation, c’est l’isolement et la solitude”).