Wolfgang Peti, professeur au département de chimie et de biochimie de l’université d’Arizona, « étudie depuis près de 10 ans l’interaction entre deux protéines impliquées dans la trisomie 21 et la maladie d’Alzheimer ». Mais les limitations technologiques avaient jusqu’alors empêché les chercheurs « de déterminer la relation physique précise entre les deux protéines ». Le Pr Peti a développé une nouvelle approche avec Rebecca Page, professeur du département de chimie et de biochimie. Leurs résultats, publiés dans Science Advances[1], « fournissent une base pour mieux comprendre et traiter plusieurs troubles neurologiques ».
Les actions du corps humain requièrent que les interactions protéiques se déroulent « harmonieusement ». Ainsi, « il est essentiel de découvrir comment les protéines interagissent les unes avec les autres dans des conditions idéales pour comprendre ce qui se passe dans les états pathologiques et pour élaborer de nouvelles stratégies de prévention et de traitement. »
La calcineurine, ou CN, est « un régulateur clé de plusieurs processus biologiques, dont le développement humain ». La sur-inhibition de cette protéine joue un rôle essentiel dans la trisomie 21. « On sait depuis près de 20 ans qu’une autre protéine, RCAN1, inhibe normalement la CN pour maintenir l’équilibre dans l’organisme. Comme RCAN1 est codée par un gène sur le chromosome 21, les patients porteurs de trisomie 21 ont des taux élevés de RCAN1, ce qui perturbe l’équilibre et entraîne une sur-inhibition de la CN. »
Par ailleurs, « selon le National Institute on Aging, de nombreuses personnes atteintes de trisomie 21 sont diagnostiquées pour la maladie d’Alzheimer précoce avant l’âge de 40 ans ». Et « une étude publiée dans les Archives of Neurology, aujourd’hui JAMA Neurology, a révélé que près des trois quarts des personnes trisomiques avaient développé une démence avant l’âge de 60 ans ». Le RCAN1 est également « hyperactif dans cette maladie neurodégénérative ».
En mettant en œuvre « deux techniques avancées : la cristallographie et la spectroscopie à résonance magnétique nucléaire », les chercheurs ont déterminé « l’interaction précise de RCAN1 et de CN ». Et découvert que « RCAN1 inhibe CN en altérant sa capacité de signalisation vers d’autres protéines et en bloquant le site actif ainsi que les sites de recrutement du substrat de la protéine ». Ainsi, « en inhibant l’activité de CN de deux manières différentes, RCAN1 empêche CN de permettre un développement et une fonction cognitive corrects ». Une interaction qui permet également d’expliquer « comment la suractivité de RCAN1 contribue à la trisomie 21 et à la maladie d’Alzheimer ».
« Grâce à ces nouvelles informations, les chercheurs pourraient maintenant être en mesure de développer des médicaments ciblés pour perturber l’interaction déséquilibrée entre RCAN1 et CN ». « Nous espérons que les résultats de cette étude renseigneront de nouvelles thérapies pour traiter ou prévenir entièrement ces troubles neurologiques », a déclaré le professeur Peti.
Pour aller plus loin :
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[1] Yang Li et al. The structure of the RCAN1:CN complex explains the inhibition of and substrate recruitment by calcineurin, Science Advances (2020). DOI: 10.1126/sciadv.aba3681
Medical Xpress, Brittany Uhlorn, University of Arizona (29/07/2020)