Une mutation génétique qui protège de la maladie d’Alzheimer

Publié le 16 Mai, 2023

Des chercheurs ont identifié un homme porteur d’une « mutation génétique rare » qui l’a « protégé » contre le développement d’une démence à un âge précoce. Les chercheurs espèrent que cette découverte les aidera à mieux comprendre les causes de la maladie d’Alzheimer et à déboucher sur de nouveaux traitements. Ils ont publié leurs travaux dans la revue Nature medicine [1].

Une mutation problématique et une protectrice

Depuis près de 40 ans, le neurologue Francisco Lopera, de l’université d’Antioquia à Medellín, en Colombie, suit une famille élargie dont les membres développent la maladie d’Alzheimer vers 40 ans, voire plus tôt. Parmi les quelque 6 000 membres de la famille, beaucoup sont porteurs d’une variante génétique appelée « mutation Paisa »[2], qui conduit « inévitablement » à une démence précoce. Pourtant, le Pr Lopera et son équipe ont identifié[3] un membre de la famille porteur d’une seconde mutation génétique qui l’a protégé de la démence jusqu’à l’âge de 67 ans. Cet homme présente en effet seulement une « légère déficience cognitive »[4].

Un scanner de son cerveau a révélé des niveaux élevés de plaques amyloïdes, à l’origine de la démence, ainsi que de protéine tau qui s’accumule au fur et à mesure de l’évolution de la maladie (cf. Alzheimer : essai d’un traitement pour « réduire au silence » la protéine tau). Son cerveau ressemblait à celui d’une personne atteinte de démence sévère, analyse Joseph Arboleda, médecin à la Harvard Medical School de Boston et co-auteur de l’étude. Mais une petite zone du cerveau, appelée cortex entorhinal, siège de fonctions telles que la mémoire et l’orientation, présentait de faibles niveaux de protéine tau.

Les chercheurs ont découvert que l’homme présentait une mutation dans un gène codant pour une protéine appelée reeline, qui est associée à des troubles tels que la schizophrénie et l’autisme. Ils ont alors créé des souris génétiquement modifiées présentant la même mutation, et observé que la forme mutée de la reeline a entraîné une modification chimique de la protéine tau, limitant sa capacité à s’agglomérer autour des neurones.

Vers un nouveau traitement ?

Cette étude remet en question la théorie selon laquelle la maladie d’Alzheimer est principalement due aux plaques amyloïdes, qui sont la cible de plusieurs médicaments récemment approuvés par la Food and Drug Administration aux Etats-Unis. Ces traitements éliminent « efficacement » les plaques, mais n’entraînent qu’une « amélioration modérée » au niveau cognitif.

Ainsi, il pourrait y avoir plusieurs sous-types de la maladie d’Alzheimer, dont certains seulement seraient dus aux plaques amyloïdes, analyse Yadong Huang, neurologue aux Gladstone Institutes de San Francisco.

En outre, le Dr Arboleda note que la reeline se lie aux mêmes récepteurs qu’une protéine appelée APOE, qui est également associée à la maladie d’Alzheimer chez les personnes dépourvue de la mutation Paisa. En 2019, les chercheurs avaient identifié une femme porteuse de la mutation Paisa qui avait développé une démence 30 ans plus tard que la moyenne, en raison d’une mutation de l’APOE[5]. Comme l’homme de la dernière étude, le cerveau de cette femme contenait des niveaux de plaques amyloïdes beaucoup plus élevés que ce que l’on pourrait attendre d’une personne présentant si peu de symptômes de la maladie d’Alzheimer. Ce qui indique des « mécanismes communs » : « une protéine reeline plus forte ou une protéine APOE plus faible peut protéger le cerveau contre la maladie », interprète Catherine Kaczorowski, neuroscientifique à l’université du Michigan à Ann Arbor.

Selon elle, « il s’agit d’une nouvelle voie très importante pour la recherche de nouvelles thérapies pour la maladie d’Alzheimer ».

 

 

[1] Lopera, F., et al. (2023). Resilience to autosomal dominant Alzheimer’s disease in a Reelin-COLBOS heterozygous man. Nature Medicine. doi.org/10.1038/s41591-023-02318-3.

[2] Du nom d’une population de Colombie

[3] En analysant les génomes et les antécédents médicaux de 1200 Colombiens

[4] La sœur de l’homme identifié était également porteuse des deux mutations. Ses troubles cognitifs ont débuté à 58 ans pour devenir une démence sévère à 64 ans. Le fait d’avoir subi des traumatismes crâniens et d’être atteinte d’autres troubles pourrait avoir contribué à l’apparition de la démence plus tôt que chez son frère.

[5] Arboleda-Velasquez, J.F., Lopera, F., O’Hare, M. et al. Resistance to autosomal dominant Alzheimer’s disease in an APOE3 Christchurch homozygote: a case report. Nat Med 25, 1680–1683 (2019). https://doi.org/10.1038/s41591-019-0611-3

Source : Nature, Sara Reardon (15/05/2023)

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