« La mort ne sera jamais la solution. La solution c’est la relation »

7 Fév, 2023

Handicapée moteur de naissance à cause d’une maladie génétique orpheline, Marie-Caroline Schürr n’a jamais marché. Elle est totalement dépendante, mais elle ose la vie. Après avoir enseigné l’anglais, elle est désormais consultante en inclusion sociale et développement personnel, conférencière et formatrice. Elle est aussi l’auteur du livre Out of the box, la joie à roulettes (Editions du Jubilé, 2016). Elle a pris la parole pour témoigner lors de la 17e édition de la Marche pour la vie. Gènéthique reproduit ici son intervention.

Pour moi, l’euthanasie c’est supprimer, volontairement et en conscience, la vie d’une personne humaine.

L’euthanasie vise d’abord les personnes vulnérables : les personnes malades, en fin de vie, âgées, handicapées… Les personnes qui dérangent et qui sont sources de contraintes. Ainsi, sous prétexte de nous simplifier la vie, et donc de supprimer les contraintes, on nous supprime ?  (cf. Philippe Pozzo di Borgo : “Il faut aider à vivre, pas à mourir”) Mais simplifier la vie de qui ? La mienne, qui suis une personne vulnérable ? Celle de mon entourage ? De l’hôpital ? De la société ? C’est en apparence si simple de se débarrasser de ce qui « dérange ». Où s’arrête le droit de tuer ? Que dit ma conscience ? Que disent en vérité nos consciences ?

L’euthanasie est un « mensonge »

Notre conscience nous dit que l’euthanasie est un mensonge. Ce n’est pas la vérité, non ce n’est pas une « bonne mort ». Je ne sais pas quand je vais mourir, personne ne le sait. C’est un mensonge de croire que je peux maîtriser ma vie et ma mort. Actrice de ma vie, oui, mais pas toute puissante. Décider du jour de ma mort n’est pas conforme à mon désir profond qui est de vivre jusqu’au bout de ma vie.

C’est un mensonge de faire croire que c’est un soulagement. Cette perversion crée une culpabilisation chez le malade ou la personne en fin de vie : je suis de trop, je suis un poids pour les autres, il faut me supprimer, je coûte cher, voire même j’ai une empreinte CO2 trop élevée. Ma vie devient une marchandise, à prendre ou à laisser (cf. « Ton corps aussi est recyclable ! »).

L’euthanasie, « c’est de l’égocentrisme »

Notre conscience nous dit que l’euthanasie, c’est de l’égocentrisme et de l’idéologie. Supprimer les enfants, supprimer les malades ou les personnes âgées pour ne m’intéresser qu’à moi seul.

Une loi n’est pas la vérité. Une loi ne serait que le reflet d’une société qui anesthésie mon esprit, m’expliquant que pour le bien de la société il faut alléger le poids de ma vie (cf. Euthanasie : « Ce prétendu droit m’enlève ma dignité, et tôt ou tard, me désigne la porte »). Au nom de l’amour et du soi-disant bien qui me sera apporté, je tombe dans cette culture de mort. Une culture de la perfection, sans le moindre grain de sable, désagrément ou contrariété.

Une « idéologie » « déconnectée du réel »

A quel moment y-a-t-il un « carton rouge » pour prévenir le danger et empêcher le médecin de me proposer l’euthanasie s’il considère que je ne suis plus digne de vivre ? Qui me garantira la sécurité contre un système de calcul qui dictera le « seuil d’indignité » en deçà duquel je devrais être supprimée ? Qui protégera les plus vulnérables ? Qu’allons-nous transmettre à nos enfants ?

Cette idéologie est déconnectée du réel. J’entends son désir légitime de diminuer la souffrance mais, si je peux tout désirer, tout n’est pas souhaitable.

Le besoin d’être entouré

Quand allons-nous nous réveiller ? Concrètement qu’est-ce que je fais ?

Quand je souffre et que je veux mourir, je dis mon besoin d’être entourée (cf. Personnes âgées : l’isolement plus mortel que le Covid ?). La douleur physique et la souffrance morale n’empêchent pas le bonheur. Moi qui souffre quotidiennement dans mon corps, il m’est évidemment arrivé de m’interroger de manière légitime sur la mort. Quand j’ai trop mal, il est normal de me scandaliser, mais sans souhaiter mourir. Oui souffrir est terrible, la douleur, la solitude, la perte de sens poussent à se demander : pourquoi tout ça ? Ça ne sert à rien.

C’est alors que ma souffrance, accompagnée silencieusement et humblement, me redonne dignité et vie.

« Soyons puissance de vie »

La mort ne vient pas tant supprimer la souffrance que supprimer la vie. Elle n’est pas la solution. Elle ne sera jamais la solution. La solution c’est la relation.

Soyons puissance de vie, soyons cette force de relation, lâchons notre confort, notre colère et nos banderoles. Courons au chevet de ceux dont personne ne veut. Nous protégerons ainsi la dignité de chacun, loin de la promotion d’une société normative, rentable et matérialiste. Nous serons alors dignes de nous regarder chaque matin dans le miroir, en chemin dans le sillage de la vérité.

DERNIERES ACTUALITES
Partager cet article

Toute l’actualité bioéthique
chez vous, gratuitement

Cochez vos choix :

En validant ce formulaire, j’accepte de recevoir les informations du site Gènéthique par email et accepte la politique de confidentialité