La prévention de l’avortement : garantir le droit de ne pas avorter

Publié le 24 Juin, 2021

Chaque année, l’avortement met un terme à un cinquième des grossesses françaises et à un tiers des grossesses européennes, avec 4,5 millions d’avortements contre 8,5 millions de naissances dans l’Europe des 47 États membres du Conseil de l’Europe.

Au regard de l’ampleur du phénomène, de ses causes et de ses conséquences, l’avortement n’est pas plus une liberté qu’une fatalité, mais un problème social de santé publique auquel la société peut et doit répondre par une politique de prévention.

La société peut, par le biais de politiques publiques, prévenir et réduire le recours à l’avortement. Ainsi, aux États-Unis, la baisse de 17,4 % du nombre d’avortements pratiqués entre 1990 et 1999 résulte des changements législatifs opérés dans la majorité des États[1] fédérés. En Europe, certains gouvernements sont également parvenus à réduire le taux d’avortement[2] par des modifications législatives et des campagnes de sensibilisation[3]. En Hongrie, ce taux, qui s’établissait à 19,4 ‰ en 2010, est descendu à 17,5 ‰ en 2012[4]. La Pologne fournit un exemple encore plus radical de l’effet possible de la loi : alors que plus de 100.000 avortements y étaient pratiqués chaque année dans les années 1980[5], ils sont devenus aujourd’hui rarissimes. En France, à l’inverse, la valorisation publique de l’avortement comme « droit » s’est accompagnée d’une augmentation de sa pratique. Ainsi, le nombre d’IVG en 2013 a augmenté de 4,7 % par rapport à 2012, passant de 207 000 à 217 000[6], suite à la décision du gouvernement de rembourser l’IVG à 100 %[7].

L’avortement n’est donc pas une fatalité : la majorité des avortements a une cause de nature économique et sociale et pourrait être évitée. 75 % des femmes qui ont avorté indiquent y avoir été poussées par des contraintes sociales ou économiques[8]. Ce constat met en cause l’efficacité de la prévention de l’avortement ainsi que le respect des droits sociaux des femmes et des familles. Dans divers instruments internationaux, les États se sont pourtant engagés formellement à prévenir l’avortement.

Comme le soulignait le Professeur Israël Nisand[9]« Tout le monde peut s’accorder sur l’idée qu’il vaut mieux prévenir les IVG chez les jeunes plutôt que d’avoir à les réaliser, que ce soit du point de vue éthique, psychologique ou économique ». Un sondage IFOP réalisé en 2010[10] est particulièrement révélateur de l’ambivalence qui entoure la perception de l’avortement. Si 85 % des personnes interrogées se disaient favorables à l’avortement, 61 % estimaient qu’il y en avait trop en France et 83 % qu’il avait des conséquences psychologiques difficiles à vivre.

Pour prévenir l’avortement, deux moyens étaient présentés comme souverains : l’éducation sexuelle et la contraception[11]. Pourtant, alors que, quarante ans après la légalisation de l’avortement, la contraception s’est généralisée et que l’éducation sexuelle fait partie des programmes scolaires dès l’école primaire, le nombre d’avortements ne baisse pas, en particulier chez les mineures.

Il est donc urgent de réfléchir à une véritable prévention de l’avortement, pour réduire l’avortement chez les jeunes, pour que les femmes n’y soient plus contraintes par leur situation économique ou sociale. Cette politique de prévention doit être renouvelée jusque dans ses prémisses et être élargie : comme toute véritable prévention, elle doit être fondée sur un progrès de la responsabilité personnelle.

Une politique publique de prévention peut s’appuyer sur des principes juridiques bien établis et contribuerait à leur mise en œuvre. Sur la base de ces principes, les États ont pris l’engagement conventionnel de mener une telle politique de prévention afin de « réduire le recours à l’avortement ». Ces principes sont la protection de la famille, de la maternité, et de la vie humaine. À cette obligation pesant sur les États correspond un droit corrélatif pour toute femme de ne pas être contrainte d’avorter (I).

Dans les pays démocratiques, la garantie de ce droit est souvent plus théorique qu’effective. En fait, l’avortement est plus souvent subi que choisi par la femme et le couple. De nombreux facteurs peuvent mener, voire contraindre, une femme à avorter. Il s’agit d’abord de circonstances sociales et culturelles qui favorisent les grossesses non désirées et le recours à l’avortement. Il s’agit aussi de contraintes matérielles liées notamment à l’emploi ou au logement. Une politique de prévention devrait viser ces contraintes et pourrait s’appuyer en particulier sur les « droits sociaux » correspondants que l’État s’est engagé à garantir (II).

 

Partie I : Les fondements du devoir de prévention et du droit de ne pas avorter

Le devoir qui pèse sur la société de prévenir l’avortement et de garantir le droit de ne pas avorter est fondé sur trois principes généraux (A) : le devoir de protéger la famille, le devoir de protéger la maternité et le devoir de protéger la vie humaine. Ce devoir a été formalisé en droit international et européen et constitue une obligation positive pesant sur les États (B).

A. Les principes généraux fondant l’obligation de prévenir l’avortement

1. Protection de la famille : le droit de fonder une famille

Les États ont pris de nombreux engagements internationaux visant à garantir le droit de fonder une famille. Ils ont non seulement l’obligation négative de ne pas faire obstacle au droit de se marier et de fonder une famille, mais aussi l’obligation positive de soutenir et de faciliter l’exercice de ce droit fondamental.

L’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme indique qu’à « partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction (…), ont le droit de se marier et de fonder une famille ». De même, l’article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la Convention) et l’article 23, paragraphe 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques garantissent à l’homme et la femme « le droit de se marier et de fonder une famille ». Le Comité des droits de l’homme précise que « le droit de fonder une famille implique, par principe, la possibilité de procréer et de vivre ensemble »[12]. Ainsi, la protection due par l’État porte aussi sur la procréation qui est le moyen de la fondation d’une famille. La famille mérite ainsi protection en tant qu’« élément naturel et fondamental de la société »[13], « unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants »[14]. Dans le même sens, la Charte sociale européenne garantit à « la famille, en tant que cellule fondamentale de la société, [le] droit à une protection sociale, juridique et économique appropriée pour assurer son plein développement » (article 16)Ce « développement » porte en premier lieu sur la procréation d’enfants.

Le droit international affirme qu’une « protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille »[15]. Cette protection ne vise pas tant le couple que la famille qui « a droit à la protection de la société et de l’État »[16] « aussi longtemps qu’elle a la responsabilité de l’entretien et de l’éducation d’enfants à charge »[17]. La reconnaissance accordée au couple par la société au moyen du mariage résulte en fait de sa contribution au bien commun par la fondation d’une famille, c’est-à-dire par la procréation et l’éducation.

Ces obligations ont été déclinées dans divers instruments, notamment la Déclaration et le Programme d’action de Vienne de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme de 1993 qui a réaffirmé la nécessaire protection de la famille pour le bon développement de l’enfant (§ 21). De même, les conférences sur la population et le développement au Caire en 1994 et sur les femmes à Pékin en 1995 ont reconnu la nécessité de protéger la famille. Le programme d’action de Pékin[18] affirme que « La famille est l’unité fondamentale de la société et doit en tant que telle être renforcée. Elle est en droit de recevoir une protection et un appui dans tous les domaines » (§ 29). Dans le même sens, cinq ans après le Sommet mondial pour le développement social de 1995 qui affirmait que « la famille constitue l’unité de base de la société, qu’elle joue un rôle clef dans le développement social, et qu’à ce titre, elle doit être renforcée »[19]les États membres des Nations unies se sont engagés à prendre de nouvelles initiatives de développement social[20], notamment renforcer les familles « et favoriser l’adoption de mesures appropriées visant à répondre aux besoins des familles et de chacun de leurs membres, notamment en matière d’aide économique et de prestation de services sociaux ». Les États ont aussi reconnu qu’il « conviendrait d’aider davantage les familles à assumer leur rôle de soutien et d’éducation, de prêter davantage attention aux causes et aux conséquences de la désintégration de la famille et d’adopter des mesures permettant aux hommes et aux femmes de concilier le travail et la vie familiale ».

L’obligation de protection de la famille constitue ainsi un fondement du devoir de prévenir l’avortement.

2. Protection de la maternité

L’avortement est une violence au cœur même de la maternité ; le plus souvent, il résulte d’une situation de détresse. (Voir les chapitres sur les facteurs socio économiques de risque face à l’avortement et sur ses conséquences). Bien souvent, l’avortement résulte d’un manque de protection de la maternité face aux multiples pressions et contraintes auxquelles peuvent être confrontées les femmes enceintes, surtout lorsqu’elles vivent dans la précarité affective, professionnelle ou sociale.

Les États se sont engagés à protéger les femmes durant leur maternité sous divers aspects, tant au titre des droits de l’homme, notamment les droits économiques et sociaux.

Ainsi, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[21] dispose ainsi qu’« [u]ne protection spéciale doit être accordée aux mères pendant une période de temps raisonnable avant et après la naissance des enfants » (article 10.2)La protection de la maternité est une composante essentielle de la protection spéciale dont doivent bénéficier les femmes dans la société. Le Programme d’action de la Conférence de Pékin[22] souligne que « Les femmes jouent un rôle critique dans la famille. […] On ne mesure pas encore toute l’importance de la contribution que les femmes apportent au bien-être de la famille et au développement de la société. Il convient de reconnaître l’importance sociale de la maternité et le rôle des parents au sein de la famille et dans l’éducation des enfants. […] La maternité, la tâche des parents et le rôle des femmes en matière de procréation ne doivent pas être une source de discrimination ni limiter la pleine participation des femmes dans la société ». La situation spécifique de la femme, à raison de la maternité, doit donc être reconnue et recevoir la protection de la société. Dans le même sens, les États signataires de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ont reconnu « l’importance sociale de la maternité et du rôle des parents dans la famille et dans l’éducation des enfants et [se sont dits] conscients du fait que le rôle de la femme dans la procréation ne doit pas être une cause de discrimination »[23].

Enfin, outre que la Charte sociale européenne garantit également aux femmes enceintes et à leurs familles des droits concrets tels qu’un nombre de semaines de congés minimum ou encore des pauses d’allaitement, les États membres de l’Organisation internationale du travail ont, en 2000, adopté la Convention (révisée) sur la protection de la maternité (n° 183), « prenant acte de la nécessité d’assurer la protection de la grossesse, en tant que responsabilité partagée des pouvoirs publics et de la société » (préambule). Ainsi, la protection de la grossesse ne saurait être la seule responsabilité des individus mais engage la société et l’État.

3. Protection de la vie humaine

L’avortement heurte aussi la vie d’un être humain en formation. Il est de fait scientifique qu’une nouvelle vie humaine individuelle commence dès la conception. Chaque vie humaine est un continuum qui commence à la conception et qui avance par étapes jusqu’à la mort[24]. C’est aussi sur la protection de la vie humaine que se fonde l’obligation pour la société de prévenir les avortements et le droit des femmes de ne pas avorter. Cette protection commence dès avant la naissance. Ainsi, la Déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959 reconnaît dans son préambule que « l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance ». Cette affirmation a été renouvelée trente ans plus tard dans le préambule de la Convention relative aux droits de l’enfant. L’un des dix principes de cette déclaration invite à la protection prénatale de la santé de l’enfant et de sa mère : « L’enfant doit bénéficier de la sécurité sociale, il doit pouvoir grandir et se développer d’une façon saine ; à cette fin, une aide et une protection spéciales doivent lui être assurées ainsi qu’à sa mère, notamment des soins prénatals et postnatals adéquats ».

Ces textes internationaux ne font pas de distinction selon que l’enfant est encore à naître ou déjà né, parlant simplement d’enfant. La nécessité d’une telle protection spéciale avait déjà été énoncée dans la Déclaration de Genève de 1924 sur les droits de l’enfant.

Dans le même sens, le Plan d’action adopté à la Conférence de Rio de Janeiro de 1992, communément appelé Agenda 21, déclare qu’il « faudrait accorder une attention particulière à la prestation de soins prénatals dans l’intérêt de la santé des nourrissons »[25]Ainsi, les États doivent veiller à la santé du futur nourrisson dès avant sa naissance.

La Convention internationale relative aux droits de l’enfant[26] de 1989 réaffirme à l’identique le besoin spécial de protection de l’enfant dès avant sa naissance et dispose en outre à son article 6 que « 1. Les États parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie » et que « 2. Les États parties assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant ». La Convention n’exclut pas l’enfant à naître du champ d’application de cette disposition[27].

Les grands instruments régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme garantissent tous le droit à la vie, sans référence à la naissance. Ainsi par exemple, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques[28] indique que « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine » (art. 6). Le Comité des droits de l’homme précise que ce droit « est le droit suprême pour lequel aucune dérogation n’est autorisée, même dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation[29] ».

La loi française reconnaît aussi une valeur à la vie prénatale. Ainsi, l’article 16 du code civil dispose que « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ». L’article 1er de la Loi Veil garantissait « le respect de tout être humain dès le commencement de la vie » ajoutant que « Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi ».

Alors que le droit à la vie est énoncé avec force, il n’existe pas, à l’opposé, de droit à l’avortement et les textes ne prévoient aucune exception au droit à la vie susceptible de justifier l’avortement, si ce n’est le respect du droit à la vie de la mère elle-même. La Cour européenne des droits de l’homme n’a jamais exclu l’enfant à naître du champ d’application du droit à la vie (cf. le chapitre sur L’avortement et la Cour européenne des droits de l’homme), ni énoncé un droit conventionnel à l’avortement. Au contraire, la protection de la vie humaine justifie les limitations légales à l’avortement et donc aussi sa prévention.

4. Protection de la société

Il est également de l’intérêt de la société de protéger les familles, la maternité et la vie humaine, même si cet intérêt se réalise à travers des cas particuliers. La société a aussi un intérêt direct à la limitation, et donc à la prévention de l’avortement, en ce que l’avortement peut menacer son équilibre, notamment démographique.

Selon l’Institut Guttmacher, plus de 40 millions d’avortements sont pratiqués chaque année dans le monde. En Europe, 30 % des grossesses s’achèvent en avortement[30]. Les États-Unis[31], avec 1,2 millions d’avortements par an, ont totalisé 50 millions d’avortements depuis 1973, alors que leur population actuelle est légèrement supérieure à 300 millions ; cela représente un sixième de la population américaine, sans compter les enfants qu’ils auraient eus une fois adultes. De même, il y a eu en France plus de huit millions d’avortements depuis 1975, avec une moyenne supérieure à 200 000 d’avortements par an pour une population actuelle de 65 millions de personnes.

Au 1er janvier 2014, selon Eurostat, la population de l’Union européenne était de 507,4 millions habitants. Le taux de fécondité a chuté de 45 % des années 1960 à nos jours[32], pour atteindre 1,58 enfant par femme en 2012. En 2013, l’UE a compté 5,1 millions de naissances contre 3,5 millions de décès. Le taux de croissance de la population européenne est l’un des plus faibles du monde. Dans un futur proche, de nombreux États membres vont voir leur population décliner en raison d’un faible taux de natalité. Simultanément, l’UE reçoit un important afflux de population immigrée extra-européenne. En 2011, 68 % de l’augmentation de la population de l’UE provenaient du solde migratoire avec près d’un million de personnes. Au total, la population née à l’étranger comptait pour 9,4 % de la population totale de l’UE. Les pays de l’UE ont accueilli des ressortissants extérieurs à l’UE à un rythme de 1 à 2 millions de personnes par an. Enfin, la population européenne vieillit, en particulier la population autochtone, ce qui pourrait conduire à un déclassement de l’Europe et de son importance dans le monde, notamment par la baisse relative de sa population en âge de travailler. Une telle perte de population a un impact sur la culture, mais aussi sur l’équilibre démographique et le développement économique des pays. Elle est l’une des principales causes du vieillissement de la population occidentale, et des problèmes générés par ce vieillissement en termes de dynamisme culturel et économique, de financement des systèmes de santé et de retraite et de renouvellement de la population par l’immigration.

L’intérêt de la société à limiter le nombre d’avortements est reconnu par la Cour européenne[33] comme pouvant légitimement justifier des limitations à l’accès à l’avortement, de même en est-il de son intérêt à protéger la morale publique[34].

Les États n’ont pas seulement une obligation générale à prévenir le recours à l’avortement, mais aussi une obligation explicite, contractée en droit international et européen.

B. L’obligation positive de prévenir le recours à l’avortement 

Les États se sont mutuellement engagés à prévenir le recours à l’avortement. Lors de la Conférence du Caire de 1994, les gouvernements ont pris l’engagement de « prendre des mesures appropriées pour aider les femmes à éviter l’avortement, qui ne devrait en aucun cas être encouragé comme une méthode de planification familiale » (7.24) et à « réduire le recours à l’avortement » (8.25). De même, lors de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, dite Conférence de Pékin (1995), les États ont renouvelé cet engagement pris au Caire de « réduire le recours à l’avortement », affirmant que « tout devrait être fait pour éliminer la nécessité de recourir à l’avortement. » (§160.k).

Les États membres des Nations Unies se sont ainsi engagés à mener des politiques de prévention de l’avortement. Cet engagement fait consensus. En Europe, dans la Résolution 1607 (2008), Accès à un avortement sans risque et légal en Europe, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) « réaffirme que l’avortement ne peut en aucun cas être considéré comme un moyen de planification familiale. L’avortement doit être évité, autant que possible. Tous les moyens compatibles avec les droits des femmes doivent être mis en œuvre pour réduire le nombre de grossesses non désirées et d’avortements » (§ 1). Dans le Rapport explicatif, le rapporteur de la Résolution souligne que « Quel que soit notre avis sur l’avortement, nous pouvons tous convenir que dans un monde idéal, l’avortement n’existerait pas (…). Nous devons donc chercher à éviter autant d’avortements que possible[35] ». L’Assemblée conclut cette résolution 1607 de 2008 en invitant les États « à promouvoir une attitude plus favorable à la famille dans les campagnes d’information publiques et à fournir des conseils et un soutien concret pour aider les femmes qui demandent un avortement en raison de pressions familiales ou financières » (§ 7.8). De même, en 2003, l’APCE soulignait que « Toute politique de planification familiale doit avoir pour but principal de réduire le nombre de grossesses non désirées et le nombre d’avortements »[36]. A cette fin, l’Assemblée recommandait en 2004 aux États membres d’adopter une « Stratégie européenne pour la promotion de la santé et des droits sexuels et reproductifs » qui aborde notamment les problèmes de « l’augmentation du nombre de grossesses chez les adolescentes » et du « taux élevé d’avortements »[37]. Dans cette Résolution, l’Assemblée recommande aux États « de travailler ensemble à la conception d’une stratégie européenne pour la promotion de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation, et d’élaborer, d’adopter et de mettre en œuvre des stratégies nationales d’ensemble concernant la santé sexuelle et reproductive »[38]Pouvoir mener à terme la grossesse, et donc ne pas avorter, constitue certainement le premier droit en matière de sexualité et de procréation : les États devraient donc élaborer, adopter et mettre en œuvre des stratégies nationales et européennes afin de le garantir.

 

Partie II : La mise en œuvre du devoir de prévention et du droit de ne pas avorter

Le droit de ne pas avorter est un droit négatif, dont le pendant positif ne peut être réduit à celui de mener à bien la grossesse. Il repose sur le fait que l’avortement est une violence, pour l’enfant, pour la femme et pour la famille, et que les causes de cette violence sont largement sociales. Ce droit est donc essentiellement celui, pour toute femme, d’être protégée de la violence générée par des circonstances qui la conditionnent largement. Il s’agit de protéger la femme non seulement contre la violence actuelle de l’avortement, mais aussi contre le risque de réalisation de cette violence, contre le risque d’être placée en situation de devoir avorter, et donc contre les causes sociales de l’avortement.

Ce droit s’exerce contre tout ce qui, dans la société, structurellement, contraint les femmes à avorter. Affirmer, comme une vérité officielle, que l’avortement est une liberté individuelle ne sert qu’à éliminer la question de ses causes réelles et conduit finalement à culpabiliser la femme, puisque cette violence résulterait de sa seule volonté, de sa seule liberté. Si l’avortement n’est qu’une liberté, un choix individuel, alors la femme est pleinement responsable, pleinement coupable. C’est la laisser seule face à une violence : coupable et victime à la fois, dans une situation psychologique inextricable, alors que cette violence est largement générée, structurellement, par la société.

L’avortement, surtout lorsqu’il est contraint, cause souvent aux femmes un préjudice et des souffrances psychologiques, mais aussi parfois physiques et sexuelles. C’est une violence qui touche spécifiquement les femmes et peut entrer dans le cadre de la définition de la « violence à l’égard des femmes » donnée par la Conférence de Pékin (§ 113) et par la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (2011).

L’affirmation du droit de ne pas avorter permet d’échapper à une conception abstraite de l’avortement considéré comme liberté. Alors que le prétendu « droit d’avorter » est présenté comme un droit subjectif, abstrait, celui de ne pas avorter, au contraire est un droit concret, incarné dans l’existence puisqu’il nécessite de considérer tout ce qui place la femme en situation d’avorter. Garantir le droit de ne pas avorter nécessite l’obligation positive d’adopter des politiques de prévention couvrant de nombreux domaines et repose sur la conviction non seulement que la société est capable de faire des efforts pour soutenir la maternité, mais aussi que l’homme et la femme sont capables, par une éducation et un environnement favorables, de s’élever à un comportement affectif et sexuel responsable. À l’opposé, le prétendu « droit d’avorter » se présente pour l’État comme une solution de facilité, comme un moyen d’offrir à moindre frais une solution à des situations humaines difficiles générées en grande partie par des insuffisances sociales.

Le droit de la femme ne pas avorter et le devoir de la société de prévenir le recours à l’avortement sont corrélés, mais non symétriques. Le droit de la femme ne pas avorter s’exerce lorsque la femme est enceinte et s’oppose à toutes les contraintes qui la conduisent à avorter. Ce droit appelle principalement des mesures de protection (B). Le devoir de prévention est plus étendu, car il s’exerce aussi lorsque la femme n’est pas enceinte. Il vise principalement à responsabiliser la femme et, par suite, à réduire son risque de recourir à l’avortement. Cette responsabilisation procède principalement de l’éducation (A).

A. La prévention de l’avortement avant la grossesse

Adopter une politique de prévention de l’avortement est la première étape pour garantir le droit de ne pas avorter. Cette prévention de l’avortement doit s’exercer avant même que la femme soit enceinte. Elle consiste concrètement à éviter la conception d’un enfant non désiré. La contraception est souvent décrite, à tort, comme le seul moyen de prévention de l’avortement (1). La façon la plus raisonnable d’éviter la conception d’un enfant non désiré et l’avortement passe par l’éducation, préalable à la responsabilité (2).

1. La contraception

La contraception hormonale est généralement présentée comme le meilleur moyen d’éviter les grossesses non-désirées. De fait, elle empêche le plus souvent la conception et a provoqué une baisse importante du taux de fécondité de la population mondiale. Cependant, le principal but de la contraception n’est pas d’éviter les avortements, mais de permettre la maîtrise et la réduction de la fécondité.

Dans le monde, en 2011, 63 % des femmes en âge et susceptibles de procréer utilisent une méthode de contraception. La Division de la Population des Nations Unies indique que l’accès universel à la contraception est l’un des Objectif du Millénaire pour le Développement, au titre de l’amélioration de la santé reproductive[39]. À ce jour, plus d’un milliard d’avortements ont été réalisés, depuis sa légalisation, rien que dans les pays qui disposent de statistiques[40], dont plus de huit millions en France, 27 millions au Viêt-Nam et 290 millions en Russie. En 2008, 44 millions d’avortements ont été réalisés dans le monde[41].

En France, le taux de contraception est de 82 % chez les femmes susceptibles d’avoir un enfant, contre 52 % en 1978. Quant au nombre d’avortements, il demeure néanmoins élevé à un cinquième des grossesses (220.000 par an en France). Lorsque la loi Veil libéralisant l’avortement en France a été votée, on s’attendait à ce que le recours à cet acte diminuât avec la diffusion de la contraception moderne. Les grossesses non prévues ont bien diminué, mais le nombre d’avortements n’a pas baissé car les femmes recourent plus souvent à l’IVG en cas de grossesse non prévue[42]. Alors que quatre grossesses non prévues sur dix (41 %) se terminaient par une IVG en 1975, c’est le cas de six sur dix aujourd’hui (62 %). Cette augmentation du taux d’avortement des grossesses non prévues résulte directement de facteurs sociaux et culturels, notamment d’une évolution de la mentalité en faveur d’un plus grand contrôle de la procréation (cf. le chapitre sur les facteurs socio économiques de risque face à l’avortement).

La contraception, si elle réduit considérablement la fertilité, ne garantit pas contre une grossesse. En effet, 72 % des femmes qui avortent en France sont sous contraception, selon l’Inspection générale des affaires sociales[43]. La cause principale de ces grossesses non prévues réside dans l’échec de la contraception. Comme le note le rapporteur de la Résolution 1607 de l’APCE « La mise à disposition de moyens contraceptifs ne suffit toutefois pas pour éviter les avortements[44] ». La contraception donne ainsi une sécurité illusoire, fondée sur la technique davantage que sur la responsabilité personnelle, et ouvre la voie à l’avortement en cas d’échec.

La contraception est par nature déresponsabilisante puisqu’elle vise à éviter de devoir assumer les conséquences de ses actes, c’est-à-dire l’enfant conçu lors de la relation. Il en est de même de l’avortement sur demande lorsqu’il vise à effacer la conséquence non assumée d’une relation sexuelle. L’avortement apparaît alors comme le complément de la contraception dans la garantie d’une « liberté sexuelle » confondue avec une « irresponsabilité sexuelle ». C’est souvent cette irresponsabilité qui conduit ultimement à l’avortement ; et c’est donc elle qu’une politique de prévention doit chercher à corriger.

2. L’éducation à la responsabilité sexuelle et affective

La nécessité de donner aux jeunes gens une éducation sexuelle appropriée fait aussi l’objet d’un consensus et constitue également une obligation internationale[45] et une volonté politique au plan national[46]. En Europe, l’APCE a recommandé à plusieurs reprises de telles politiques. Dans la recommandation Contrôle des naissances et planning familial dans les États membres du Conseil de l’Europe, l’APCE invite les gouvernements « à faire donner aux jeunes une éducation sexuelle appropriée, dans le respect du droit des parents, et, entre autres, promouvoir des cours de préparation au mariage[47] ».

En 2004, dans la résolution 1399, l’Assemblée a recommandé d’intégrer les questions de « l’information et [de l]éducation dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, en particulier à l’adresse des enfants et des adolescents » dans le cadre des stratégies de la promotion de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation (§11.1.a). Plus récemment, cette même Assemblée a indiqué, dans la résolution 1607 de 2008, que « tout prouve que des politiques et des stratégies appropriées concernant les droits et la santé en matière de sexualité et de procréation, y compris une éducation sexuelle et relationnelle obligatoire pour les jeunes, adaptée à leur âge et à leur sexe, auraient pour conséquence un moindre recours à l’avortement. Cette éducation devrait inclure l’estime de soi, la pratique de relations saines, la liberté de différer l’activité sexuelle, la résistance à la pression des camarades, des conseils sur la contraception et la prise en compte des conséquences et des responsabilités » (§ 5). Cette « éducation sexuelle et relationnelle » des jeunes doit être « adaptée à leur âge et à leur sexe » et viser à « éviter les grossesses non désirées (et donc les avortements) » (§ 7.7).

Pourtant, le taux de grossesses et d’avortement ne baisse pas chez les jeunes et tend même à augmenter en France, de même qu’augmentent les pratiques sexuelles précoces à risques. Il apparaît donc nécessaire d’évaluer les politiques d’éducation sexuelle et affective mise en œuvre depuis quarante ans.

L’approche a été principalement hygiéniste, techniciste, et décrivant les pratiques sexuelles de façon très crue[48]. La question principale que soulève l’approche adoptée est celle de savoir si on peut lutter contre les conséquences sans s’attaquer aux causes, en d’autres termes si on peut lutter contre l’avortement sans chercher à limiter les relations sexuelles chez les adolescents et chez les personnes incapables d’assumer les conséquences éventuelles de leurs actes. Selon l’INED, l’âge moyen du premier rapport sexuel en 1960 était de 18 ans et demi pour les hommes et de 20 ans et demi pour les femmes. Il est aujourd’hui de 17 ans[49].

Une multitude de facteurs depuis plusieurs décennies a banalisé et favorisé la sexualité auprès des adolescents. L’éducation sexuelle joue souvent, en fait, un rôle d’incitation car, présentant les détails de la pratique sexuelle et les méthodes de contraception dès le collège, elle fait apparaître comme normal d’avoir une relation sexuelle dès cet âge. Les relations sexuelles sont banalisées et le sens de la responsabilité est réduit à l’usage de la contraception et du préservatif. L’éducation sexuelle centrée sur l’information et la prévention des risques a pour effet paradoxal d’inciter à l’expérience, voire à la transgression, donc augmente le nombre de rapports sexuels juvéniles, de grossesses non désirées et finalement d’avortements.

Cette vision de la sexualité dissocie le corps de la personne. Elle amoindrit la dimension affective, responsable et respectueuse de la sexualité. La sexualité, source de vie, devient associée à la mort à travers le VIH et l’avortement. Une telle éducation sexuelle enferme les jeunes dans une conception infantile et déresponsabilisante de la sexualité, ce qui constitue le contraire d’une éducation qui vise à aider les jeunes à devenir des adultes responsables. L’incitation à avoir des rapports sexuels banalisés a des conséquences dramatiques pour les jeunes filles : puisqu’elles peuvent utiliser des contraceptifs puis avorter, les garçons ne comprennent plus qu’elles se refusent à eux. L’envers de la contraception et de l’avortement, c’est la déresponsabilisation des hommes qui y voient une solution de facilité pour profiter des femmes sans assumer leur responsabilité.

L’éducation affective et sexuelle devrait donc adopter une perspective insistant sur l’importance de la relation, enseignant que la responsabilité n’est pas de mettre un préservatif ou prendre une contraception, mais de savoir qu’une relation sexuelle engage toute la personne et est potentiellement porteuse de vie, et qu’on ne devrait s’y engager que dans le cadre d’une relation solide. L’acte sexuel ne doit pas être banalisé, dévalué ni tourné en dérision, au contraire sa grandeur doit être soulignée, justifiant de le réserver à une relation solidement construite, qui engage l’avenir.

Comme l’APCE le recommandait en 1974, les parents et par extension les associations familiales devraient participer à cette éducation, à la fois en raison de leur expérience et de leur responsabilité première dans l’éducation de leurs enfants.

En ce sens, plusieurs initiatives ont été prises notamment aux États-Unis pour promouvoir auprès des jeunes l’abstinence aussi longtemps qu’une relation durable n’est pas construite. Cela constitue une solide éducation à la responsabilité ainsi qu’une prévention absolue contre les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées, donc contre l’avortement. Aux États-Unis, la promotion de l’abstinence a produit une baisse simultanée du degré de sexualisation de la jeunesse et du nombre d’avortements comme d’accouchements chez les adolescentes. Tandis que selon le Youth Risk Behavior Survey seulement 41,4 % des lycéens admettent avoir eu des rapports sexuels en 2015 (par rapport à 57 % en 1991)[50], le Guttmacher Institute révèle une baisse spectaculaire de 44 % du nombre d’accouchements dans cette classe d’âge (alors que, en 1991, on comptait 61,8 naissances pour 1 000 jeunes filles, ce chiffre est tombé à 34,4 en 2010), accompagnée d’une baisse de 66 % du taux d’avortement depuis 1988 (de 43,5 ‰ à 14,7 ‰)[51]. La juxtaposition de ces chiffres infirme l’hypothèse selon laquelle le meilleur accès à l’avortement serait responsable de la baisse des naissances, puisqu’il a aussi connu un net déclin. Depuis 1998, 50 millions de dollars[52] ont été attribués chaque année à des programmes d’éducation sexuelle défendant l’abstinence jusqu’au mariage[53]. Actuellement, 37 États demandent que l’abstinence soit au moins proposée dans les cours d’éducation sexuelle et 27 États obligent à ce qu’elle soit présentée avec insistance lors de l’enseignement relatif au VIH[54]. Il faut donc conclure non seulement que l’abstinence est praticable, mais qu’elle constitue un enseignement cohérent qui réduit les « accidents » que l’on croit pouvoir éluder par le contrôle artificiel de la sexualité. Cela n’a de sens que si l’on distingue clairement la prévention de la contraception : alors que la contraception endigue les conséquences une fois le fait accompli, l’abstinence est proprement préventive car elle élimine les risques de grossesse et contribue en outre, à éduquer à la responsabilité, faisant échapper à une vision matérialiste de la sexualité ; elle éveille la conscience à la valeur de la relation, contribuant aussi à remédier aux troubles de l’affectivité courants dans la jeunesse[55].

En France, la Loi Veil posait en son article 1er que « l’éducation à la responsabilité, l’accueil de l’enfant dans la société et la politique familiale sont des obligations nationales ». Ces dispositions sont toujours en vigueur[56], mais attendent une bonne et pleine application.

3. L’éducation physiologique

L’éduction à la responsabilité sexuelle et affective doit être complétée par une connaissance de la dimension physiologique de la procréation. Il s’agit de connaître le cycle féminin et le processus de développement de l’enfant.

Connaître le cycle féminin

De nombreuses femmes ont une connaissance très approximative de leur propre cycle, avec ses périodes fertiles ou non. À une époque où beaucoup cherchent à revenir à un mode de vie plus naturel et affirment leur souci de l’écologie, il est paradoxal de voir la forte proportion de femmes qui utilisent une contraception hormonale. Une formation, délivrée à l’école mais aussi par les services sociaux et médicaux, leur permettrait de se connaître et de savoir qu’il n’est pas nécessaire de prendre des produits chimiques pour éviter une grossesse. Incitant à une pratique plus responsable et réfléchie de la sexualité, cela aurait un effet sur le nombre de grossesses imprévues et sur la façon de les accueillir, donc sur le nombre d’avortements.

Dès le début de la puberté, il est important de présenter aux adolescents les transformations physiques et le cycle féminin, en expliquant les périodes de fertilité et d’infertilité, en prenant séparément les filles et les garçons pour faciliter le dialogue. Ce n’est que lorsque le cycle féminin est bien connu des élèves, et que les jeunes filles ont pu apprendre à s’observer qu’il est utile de leur expliquer les modes de contraception chimique et autres, en expliquant précisément leur action, l’effet sur le cycle et sur une éventuelle grossesse (effet contraceptif, c’est-à-dire empêchant l’ovulation, ou contragestif, c’est-à-dire empêchant la nidation d’un œuf fécondé), ainsi que les effets à long terme pour leur santé et sur l’environnement[57].

La Conférence du Caire appelait à cet égard les États à « intensifier les recherches sur les méthodes naturelles de régulation des naissances, en essayant de trouver des moyens plus efficaces de déceler le moment de l’ovulation au cours du cycle menstruel et après un accouchement » (§ 12.18).

Aujourd’hui, les méthodes naturelles de régulation des naissances sont devenues aussi fiables que les autres, sans effets secondaires sur la personne ni sur l’environnement. Ces méthodes ne bénéficient pourtant pas d’un grand soutien alors qu’elles seraient beaucoup plus économiques pour les États. Les programmes d’éducation à la sexualité ne les mentionnent pas[58]. Elles sont écartées au motif qu’elles seraient trop exigeantes : les femmes ne seraient pas capables d’observer leur propre fonctionnement et les couples de s’abstenir de relation aux périodes de fécondité. Cela révèle une piètre estime des femmes et des couples. Ces méthodes ne bénéficient pas non plus du soutien des grands groupes pharmaceutiques, qui ont intérêt à encourager la consommation de contraception artificielle. L’observation du cycle, une fois la méthode assimilée par la femme, est entièrement naturelle et gratuite.

Connaître le processus de développement de l’enfant

La prévention de l’avortement passe aussi par la connaissance du développement in utero de l’enfant, depuis la conception, qui devrait être donnée dès la fin de l’école primaire. Les enfants serraient ainsi conscients du fait que la vie est un continuum à partir de la conception et pourraient s’émerveiller devant ce développement.

La bonne information de la femme qui envisage d’avorter exige qu’elle soit informée de la gravité de l’acte et de ses conséquences possibles. La Cour suprême des États-Unis a ainsi jugé que « l’État a un intérêt à s’assurer qu’un choix aussi grave [que l’avortement] soit bien informé. Il est évident qu’une mère qui en vient à regretter son choix d’avorter a davantage de chagrin et une douleur plus profonde lorsqu’elle apprend, seulement après l’événement, ce qu’elle ne savait pas »[59] quant à la réalité de l’être avorté. Plusieurs pays ont intégré à la procédure de décision en matière d’avortement une échographie permettant à la femme de voir l’être qu’elle porte, ou l’audition des battements de son cœur. C’est le cas notamment de la Macédoine[60], des États américains de l’Arizona, de Floride, du Kansas, de Caroline du Nord et du Texas[61]. Cette condition à l’avortement peut paraître cruelle pour la mère, mais elle permet une décision en connaissance de cause et a incité de nombreuses femmes à choisir de garder l’enfant. L’échographie aide la mère à mieux prendre conscience du fait qu’elle porte une vie distincte et peut aussi aider le père à prendre conscience de la réalité du bébé. Actuellement, lorsqu’ils savent qu’un avortement est envisagé, le plus souvent les échographistes ne montrent pas l’image à la mère et coupent le son. Même si cela est fait dans l’intention de la protéger, cette démarche fondée sur la dissimulation ne la respecte pas vraiment. Pour ne pas culpabiliser les femmes, on les déresponsabilise. Nier la réalité en cachant les images et en parlant d’amas de cellules est un mensonge qui est porteur de souffrances à venir.

Une éducation qui informe en vérité d’une part sur le cycle féminin et le développement de l’enfant, d’autre part sur la dimension relationnelle de la sexualité aiderait les femmes et les couples à agir de façon plus responsable et plus humaine. Au-delà, il convient aussi de connaître les risques liés à l’avortement.

4. Connaître les risques liés à l’avortement

Il convient également d’informer les personnes sur ce en quoi consiste l’avortement et sur ses conséquences[62] (Cf le chapitre sur Les conséquences médicales et relationnelles de l’avortement). La Cour européenne a reconnu l’obligation pour l’État d’informer les femmes sur les risques liés à l’avortement[63]. Face à l’ampleur de ce phénomène de société, cette information pourrait utilement être intégrée dans les cours d’éducation sexuelle. Faire connaître les conséquences possibles de l’avortement, plutôt que les dissimuler, contribuerait à sa prévention.

À l’heure actuelle, la délivrance de cette information relève du devoir général d’information des patients à la charge des médecins[64], ce devoir d’information étant un corollaire de l’obligation d’obtenir le consentement éclairé du patient préalablement à toute intervention ou traitement. Le patient doit donc recevoir une information « simple, approximative, intelligible et loyale »[65] lui permettant de prendre une décision en connaissance de cause. L’obligation d’information entraîne des conséquences importantes dans le domaine de la responsabilité médicale. Comme le note le Conseil national de l’ordre des médecins : « Une information de qualité est le préalable indispensable à un consentement éclairé »[66]. Même si l’avortement n’est pas un traitement ni un acte de prévention, il est néanmoins réalisé dans le cadre médical, ces dispositions doivent donc s’appliquer.

Une bonne information peut contribuer à une meilleure prévention de l’avortement. Il est nécessaire d’avertir les femmes que ce geste n’est pas anodin. Le rôle de l’hôpital étant central dans l’exécution de l’avortement, il devrait l’être aussi dans la prévention. Comme le propose le Professeur Israël Nisand, « tous les centres chargés en France des IVG pourraient avoir à leur actif des actions de prévention et être évalués aussi sur ce point. Cette seule mesure incitative aurait un effet considérable sur l’ensemble du corps médical »[67].

La prévention de l’avortement, telle qu’elle a été décrite ci-dessus, est éducative : elle vise principalement à aider les femmes et les hommes à adopter une sexualité responsable et consciente, à connaître leur corps, le développement de l’enfant, la pratique et les conséquences de l’avortement. Mais l’avortement ne trouve pas seulement sa cause dans l’ignorance, l’irresponsabilité ou l’échec de la contraception. L’avortement peut aussi être forcé ou contraint par des facteurs externes. Il convient alors de garantir le « droit de ne pas avorter ».

B. La garantie du « droit de ne pas avorter » (pendant la grossesse)

La prévention de l’avortement nécessite d’aider la femme enceinte à résister à toutes les pressions qui tendent à la forcer (1), ou à la contraindre (2), d’avorter.

1. La lutte contre les avortements forcés

L’avortement forcé a été qualifié de crime contre l’humanité lors des procès de Nuremberg. Dix responsables nazis ont été condamnés pour avoir « encouragé et imposé des avortements » (encouraging and compelling abortions)[68]. La Conférence Mondiale sur les Femmes, tenue à Pékin, décrit « la stérilisation forcée et l’avortement forcé, l’utilisation coercitive/forcée de contraceptifs » comme des « actes de violence contre les femmes » (§ 115)[69]. Quant à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite Convention d’Istanbul) du 11 mai 2011, elle exige des États parties qu’ils érigent en infractions pénales les avortements et les stérilisation forcés (Article 39) qui sont décrits comme « le fait de pratiquer un avortement chez une femme sans son accord préalable et éclairé » et « le fait de pratiquer une intervention chirurgicale qui a pour objet ou pour effet de mettre fin à la capacité d’une femme de se reproduire naturellement sans son accord préalable et éclairé ou sans sa compréhension de la procédure ». Le caractère forcé de l’avortement est constitué par l’absence d’un « accord préalable et éclairé », ce qui renvoie à la question de la qualité de l’information délivrée à la femme et au couple. La Convention précise, s’agissant de la stérilisation, « ou sans sa compréhension de la procédure ». Il ne suffit pas que la personne soit formellement informée, encore faut-il qu’elle comprenne substantiellement ce qui est pratiqué sur elle. Ainsi, la Cour européenne a jugé que le fait de faire signer à des femmes illettrées durant l’accouchement un accord à leur stérilisation immédiate n’est pas un consentement éclairé, une telle stérilisation constituant alors un traitement inhumain ou dégradant et une violation du droit des femmes au respect de leur vie privée et familiale[70].

Par sa Recommandation (2002)/5 sur la protection des femmes contre la violence, le Comité des Ministres recommandait aussi d’« [i]nterdire (…) la contraception imposée par la contrainte ou la force (…)». En 2011, l’APCE avait aussi demandé aux États que la pratique des avortements forcés soit « criminalisée »[71]. De même, en 2012, le Parlement européen a adopté une résolution qui « condamne la pratique des avortements forcés et des stérilisations massives, particulièrement dans le contexte de la politique de l’enfant unique » [72].

Dans les faits, les condamnations pour avortement forcé demeurent rares[73]. Selon un auteur, « la qualification d’interruption de grossesse sans le consentement de l’intéressé n’est pas réaliste et se révèle inutile pénalement au motif qu’un tel acte supposerait pratiquement une séquestration de la femme et des manœuvres abortives pratiquées sur elle contre son gré. Il faudrait donc retenir, en pareille hypothèse, la qualification d’arrestation et de séquestration arbitraires accompagnées de tortures ou d’actes de barbarie »[74]. C’est là une conception restrictive de l’avortement forcé, puisque c’est l’absence d’accord préalable et éclairé qui le caractérise. Peut-on estimer qu’une femme qui se soumet à un avortement sous la menace de ses parents, de son employeur ou de son conjoint, a donné un accord éclairé ? Il en va de même pour une jeune femme qui avorte dans la panique, sans connaître ni comprendre le développement in utero de l’enfant, ou pour une femme qui avorte sous la pression de la société ou du corps médical, sans être informée des aides ou des perspectives pour son enfant handicapé. La différence entre l’avortement forcé et contraint est alors très ténue, voire nulle.

2. La lutte contre les avortements contraints

Selon l’Institut Guttmacher, trois quarts des femmes qui avortent aux États-Unis le font pour des raisons sociales ou financières[75]. L’arrivée d’un enfant est parfois une charge que la mère peine à porter. Malgré l’interdiction des discriminations, en période de chômage, il est à peu près impossible de trouver un emploi pour une femme visiblement enceinte. Une grossesse pendant une période d’essai ou un contrat à durée déterminée risque fort d’entraîner le non-renouvellement du contrat. En France, le congé parental est réservé aux femmes ayant cotisé huit trimestres à l’assurance vieillesse ce qui, de fait, exclut de nombreuses jeunes femmes. Les frais de gardes sont élevés pour des salaires modestes et les places en crèche manquent. Pour les femmes en grande difficulté, il est possible de trouver un hébergement quand on est seule, mais qui accueillera une femme sans ressources avec un nourrisson ?

Les pressions peuvent aussi être de nature sociale ou affective. Il n’est pas rare que le père ne se sente pas prêt à avoir un enfant et pousse sa compagne à avorter. De nombreux parents, inquiets pour l’avenir de leur fille, la poussent, voire la contraignent, à se débarrasser du bébé. La pression de l’entourage peut inclure non seulement la menace de ne plus subvenir aux besoins de la jeune femme ou de la chasser du domicile, mais aussi des violences physiques. Pourtant, le Programme d’action de la Conférence de Pékin sur les femmes déclare que c’est un « droit fondamental » des femmes « d’être maîtresses de leur sexualité, y compris leur santé en matière de sexualité et de procréation, sans aucune contrainte, discrimination ou violence, et de prendre librement et de manière responsable des décisions dans ce domaine » (§ 96).

Quelle réponse sociale adopter face à ces contraintes ?L’APCE invite les États « à respecter la liberté du choix de la femme et à offrir les conditions d’un choix libre et éclairé, sans promouvoir particulièrement l’avortement » ainsi que, comme indiqué précédemment, « à promouvoir une attitude plus favorable à la famille dans les campagnes d’information publiques et à fournir des conseils et un soutien concret pour aider les femmes qui demandent un avortement en raison de pressions familiales ou financières »[76]. Ces pressions sont principalement familiales et financières, elles peuvent aussi être sociales et médicales, en particulier lorsque l’enfant est de sexe féminin ou porteur d’un handicap.

a. Pressions sociales et médicales

  • en cas de fœtus de sexe féminin

Un exemple d’avortements causés par la pression sociale, conditionnés par la culture, est celui qui vise par priorité les enfants à naître de sexe féminin. En effet, un nombre croissant de femmes, y compris en Europe, mettent un terme à leur grossesse pour le seul motif que l’enfant est de sexe féminin, souvent sous la pression de leur conjoint et sous la contrainte des normes sociales qui dévalorisent les filles (cf. En Inde, l’avortement sélectif des petites filles menace de plus en plus l’équilibre du pays). Cette sélection prénatale par l’avortement est très aisée car le sexe peut être connu durant la période où l’avortement peut encore être pratiqué sur simple demande dans de nombreux pays.

Cette pratique a été condamnée, mais son interdiction est difficile à mettre en œuvre (Cf le chapitre sur L’avortement en raison du sexe de l’enfant).

  • en cas de fœtus porteur d’un handicap

Lorsque l’enfant à naître est porteur d’un handicap dépisté avant la naissance, il est le plus souvent éliminé. Ce type d’avortement fait l’objet d’un assez large consensus social, ce qui rend d’autant plus lourde la pression sur les femmes et les couples qui envisagent de ne pas avorter.

Cette pression est le fait parfois du corps médical et de l’entourage mais plus largement de la société. Une mère a ainsi déclaré qu’elle avait subi une forte pression de l’hôpital et que, ayant déjà un fils handicapé et connaissant la façon dont la société traitait ces enfants, elle n’avait pas eu la force d’y résister[77]. Un célèbre biologiste anglais, professeur émérite à Oxford, a affirmé qu’il était immoral de mettre au monde un enfant porteur de trisomie 21[78], soulignant qu’il ne faisait que dire ce que tout le monde pensait, puisque 90 % des fœtus trisomiques détectés sont avortés (cf. Les enfants trisomiques « augmentent la souffrance du monde » : les parents indignés par les propos de Richard Dawkins). Des couples témoignent de leur difficulté à trouver une équipe médicale qui accepte de les accompagner avec bienveillance durant la grossesse et la naissance d’un enfant condamné à une mort précoce.

La possibilité de garder l’enfant, même si celui-ci n’a qu’une faible espérance de vie, devrait être systématiquement présentée et un accompagnement proposé (comme c’est le cas dans certains hôpitaux).

Actuellement, la protection du droit à la vie dont bénéficient les enfants in utero varie selon leur état de santé, puisqu’un enfant porteur d’un handicap peut être éliminé durant une plus longue période qu’un enfant sain. Cette discrimination selon l’état de santé s’oppose à l’interdiction de la discrimination des personnes handicapées et à la reconnaissance de leur droit à la vie, garantie notamment par la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Dans cette convention, les États parties, après avoir reconnu « que toutes les personnes sont égales devant la loi et en vertu de celle-ci et ont droit sans discrimination à l’égale protection et à l’égal bénéfice de la loi » (art. 5), « réaffirment que le droit à la vie est inhérent à la personne humaine et prennent toutes mesures nécessaires pour en assurer aux personnes handicapées la jouissance effective, sur la base de l’égalité avec les autres » (art. 10). Au-delà de cette discrimination dans la jouissance du droit à la vie, la faculté pour une famille d’éviter l’avortement d’un enfant handicapé repose largement sur l’accueil que la société peut offrir à cet enfant. Ici encore, ladite Convention contient une mesure louable, puisque les États parties y ont déclaré s’engager, « lorsque la famille immédiate n’est pas en mesure de s’occuper d’un enfant handicapé, à ne négliger aucun effort pour assurer la prise en charge de l’enfant par la famille élargie et, si cela n’est pas possible, dans un cadre familial au sein de la communauté » (art. 23-5). Le préambule rappelle encore une fois que les États parties sont « [c]onvaincus que la famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État et que les personnes handicapées et les membres de leur famille devraient recevoir la protection et l’aide nécessaires pour que les familles puissent contribuer à la pleine et égale jouissance de leurs droits par les personnes handicapées ».

En Europe, le Comité européen des droits sociaux, dans une affaire Autisme contre France, a rappelé que les États parties doivent « être particulièrement attentifs à l’impact des choix opérés par eux sur les groupes dont la vulnérabilité est la plus grande ainsi que sur les autres personnes concernées, tout particulièrement les familles sur qui, en cas de carence institutionnelle, pèse un écrasant fardeau[79] ».

La prévention des avortements en raison de l’état de santé de l’enfant repose sur le développement des soins de santé et sur le consentement de la société à offrir un meilleur accueil aux enfants handicapés et un soutien à leur famille.

b. Pressions et irresponsabilité du père

L’irresponsabilité du père constitue l’une des principales causes de l’avortement (cf. le chapitre sur Les facteurs de risque de l’avortement). Il peut violenter la femme, lui enjoindre de choisir entre lui et l’enfant, ou simplement déclarer qu’il n’en veut pas, pour que la femme ne se sente pas la force de l’élever seule. Cette irresponsabilité est une atteinte aux droits des femmes, à l’égalité et à la justice dans la relation entre les hommes et les femmes. C’est pourquoi l’APCE affirme que, « [e]n tout état de cause, aucune femme ne devrait être contrainte par un homme à avorter contre son gré. Les hommes devraient aussi être encouragés à s’intéresser à l’enfant lorsqu’il sera né et, le cas échéant, à participer à son éducation »[80].

Dans une autre résolution, relative à la « Stratégie européenne pour la promotion de la santé et des droits sexuels et reproductifs » (Résolution 1399 (2004)), l’APCE invite les États « à prendre toutes les mesures appropriées pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les aspects de la vie » (§ 11.2). Cette égalité doit aussi porter sur la responsabilité face à la grossesse.

Lors de la Conférence du Caire sur la population et le développement, les États se sont engagés à porter une attention particulière au problème « du renforcement des mesures juridiques à prendre pour contraindre les hommes à assumer leurs responsabilités parentales d’ordre financier » (§ 5.4). Dans le même sens, le Programme d’action de la Conférence de Pékin déclare notamment que « l’égalité entre les femmes et les hommes en ce qui concerne la sexualité et la procréation, y compris le respect total de l’intégrité de la personne, exige le respect mutuel, le consentement et le partage de la responsabilité des comportements sexuels et de leurs conséquences » (§ 96).

Sur cette base, l’APCE a adopté le 7 septembre 2004 une résolution tendant à accroître la « responsabilité des hommes, et particulièrement des jeunes hommes, en matière de santé génésique »[81]. L’Assemblée dénonce notamment le fait que, « [c]omme ce sont les femmes qui tombent enceintes, elles ont été par trop souvent amenées à gérer seules les éventuelles conséquences de leur vie sexuelle, qu’il s’agisse de choisir ou non un mode de contraception, voire de décider d’avorter, ou de porter et d’élever les enfants. Bon nombre d’hommes, notamment ceux qui ont une relation stable, assument leur part de responsabilité (…). Pourtant, (…), certains hommes – en particulier les jeunes – se dérobent à leurs obligations ». En conséquence, l’Assemblée appelle les gouvernements notamment « à mettre en place des programmes spéciaux de sensibilisation pour encourager les hommes, en particulier les jeunes, à assumer la responsabilité de leurs comportements sexuels (…) » (§ 5.1). Cette responsabilisation ne devrait pas être limitée à l’usage de contraceptifs et à la promotion de l’hygiène, mais porter sur la responsabilité face à la sexualité et à la paternité.

La Convention relative aux droits de l’enfant de 1989 dispose en son article 18 que « Les États parties s’emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement. La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant »[82].

L’irresponsabilité des hommes est une cause majeure d’avortement. Paradoxalement, une telle irresponsabilité est encouragée par le fait que les hommes ne sont pas impliqués dans la procédure d’avortement et en sont même souvent exclus. Cette exclusion déresponsabilise le père sans protéger complètement la femme des éventuelles pressions qu’elle peut subir. Le paradoxe est d’autant plus grand que, à l’égard de l’enfant né, le père a les mêmes droits et devoirs que la mère. Des pères se sont déjà opposés à l’avortement de leur enfant et ont saisi à cet effet les juridictions nationales puis la Cour européenne. Celle-ci n’a pas empêché l’avortement, mais a reconnu néanmoins que le droit au respect de la vie familiale du « père potentiel »[83] est « affecté de manière suffisamment étroite par l’interruption de la grossesse de son épouse pour se prétendre victime (…) de la législation incriminée telle qu’elle a été appliquée ». (Cf. le chapitre sur l’avortement et la CEDH). Un avortement réalisé contre la volonté du père est aussi, à son égard, un avortement forcé.

Le paradoxe est encore plus flagrant au regard de la procréation médicalement assistée. Plusieurs pays, dont la France et le Royaume-Uni, exigent l’accord des deux parents pour toute décision relative au sort des embryons congelés. La Cour européenne a jugé que l’homme pouvait, au nom du droit au respect de sa vie privée, révoquer son accord à ce que l’embryon soit implanté dans l’utérus de la mère[84].

Il est paradoxal d’exiger du père une plus grande responsabilité face à la grossesse tout en l’excluant de la décision d’avortement. A l’inverse, certains pays exigent l’accord du mari lorsque l’avortement est pratiqué sur une femme mariée[85].

c. Pressions exercées par la famille, en particulier par les parents en cas de grossesse adolescente

Lorsque la femme enceinte est mineure, l’influence des parents peut être ambivalente, s’exerçant souvent pour inciter leur fille à avorter, plus rarement pour l’aider à mener à bien la grossesse. Les parents étant les premiers responsables de leurs enfants, comme le rappelle l’article 18 de la Convention relative aux droits de l’enfant, leur accord devrait être requis pour que leur jeune fille mineure puisse avorter. Mais, à l’inverse, il est nécessaire de vérifier qu’ils ne contraignent pas leur fille à recourir à un tel acte. L’accord des parents est requis dans la majorité des pays européens. Il est souvent exigé pour les mineurs de moins de 18 ans (Arménie, Bosnie Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Estonie, Italie, Grèce, Slovaquie, Turquie), ou seulement jusqu’à 16 ans (Albanie, Islande, Lettonie, Moldavie, République Tchèque, Portugal, Serbie), voire 15 ans (Russie) et même 14 ans (Géorgie). Certains pays ont une position médiane consistant à informer les parents (en Croatie, pour les mineures de moins de 16 ans, et en République Tchèque, pour celles âgées de plus de 16 ans) ou à les consulter (Norvège)[86]. En France, l’accord des parents n’est plus nécessaire depuis la loi du 4 juillet 2001, la jeune fille pouvant se faire accompagner par la personne majeure de son choix.

Si la jeune femme ne souhaite pas avorter, elle devrait être soutenue dans sa décision et si nécessaire accueillie dans un centre maternel adéquat. Le maximum doit être mis en œuvre pour qu’elle poursuive ses études.

d. Les pressions de l’employeur

Pour un employeur, la grossesse d’une salariée est une source de difficultés. Il est donc fréquent que des employeurs ou des supérieurs hiérarchiques fassent comprendre aux salariées ou aux candidates qu’une grossesse ne serait pas bienvenue, voire qu’ils exercent des pressions afin qu’elles ne tombent pas enceintes ou même qu’elles avortent. Il ne faut pas sous-estimer les pressions de cette nature qui s’exercent dans le cadre professionnel. L’interdiction du licenciement pour cause de grossesse ou de congé de maternité et l’obligation d’octroyer des congés de maternité payés, réaffirmées dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ne suffisent pas toujours à éviter ces pressions. Fin 2014, les grands groupes Google et Facebook ont annoncé qu’ils allaient inclure dans la couverture médicale de leurs employées une partie des frais de congélation d’ovules[87]. L’objectif n’a pas été voilé : il s’agit pour ces entreprises de permettre aux femmes de se concentrer sur leur carrière et de repousser autant que possible leurs éventuelles grossesses. Par une telle initiative, l’employeur exerce une pression sur ses employées pour qu’elles repoussent le moment de leur maternité.

e. Les pressions matérielles (chômage, logement, finances)

Enfin, les pressions matérielles pouvant pousser une femme à avorter sont nombreuses, liées en particulier à la précarité en matière de travail, de logement et de revenus. Le droit international et européen prévoit de nombreux droits sociaux au bénéfice des femmes, pendant et après la grossesse, mais ces droits bénéficient surtout aux femmes ayant déjà un emploi. C’est le cas en particulier de la Convention n°183 sur la protection de la maternité adoptée dans le cadre de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), révisée en 2000, et de la recommandation R 191, 2000 de l’OIT sur la protection de la maternité qui la complète.

La protection des femmes enceintes contre la discrimination à l’embauche, même si elle est parfois prévue par les textes, reste théorique. Plus encore, l’accès au travail pour une mère isolée et la conciliation de ce travail avec l’éducation d’un enfant constituent un obstacle majeur à la poursuite de la grossesse. Il existe pourtant une obligation à la charge des États de soutenir et d’accorder une « attention particulière » aux « parents isolés nécessiteux, en particulier ceux à qui incombe totalement ou partiellement l’entretien d’enfants […], en leur assurant au moins le versement du montant minimal de salaire et d’allocations[88] ». De même, outre les mesures habituelles relatives aux congés de maternité, les États se sont engagés par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, à « encourager la fourniture des services sociaux d’appui nécessaires pour permettre aux parents de combiner les obligations familiales avec les responsabilités professionnelles et la participation à la vie publique, en particulier en favorisant l’établissement et le développement d’un réseau de garderies d’enfants » (article 11.2.c).

Dès 1972, l’APCE, dans une recommandation sur le Contrôle des naissances et planning familial, invitait les gouvernements à adopter une série de mesures qui demeurent d’actualité :

« a. augmentation des allocations familiales et octroi éventuel d’une allocation à la mère au foyer, surtout pour les familles qui figurent au bas de l’échelle sociale ;

  1. intensification des services de protection maternelle et infantile ;
  2. amélioration des programmes sociaux de logement ;
  3. création de crèches et garderies d’enfants ;
  4. amélioration de la législation du travail concernant les pères qui exercent des activités professionnelles ;
  5. interdiction de porter atteinte pour cause de grossesse à la situation et aux perspectives professionnelles de la femme ;
  6. promotion de l’adoption des enfants, notamment par la mise en vigueur de la Convention européenne sur l’adoption ;
  7. non-discrimination juridique à l’égard des mères non mariées et des enfants nés en dehors du mariage ».

Un gouvernement qui omet de proposer une aide et une alternative sérieuse à une femme enceinte en détresse ne remplit pas ses obligations au titre des droits économiques et sociaux garantis notamment par les instruments internationaux et européens. Un exemple d’un tel manquement est donné par la législation de Moldavie qui, comme d’autres pays[89], prévoit la possibilité de l’avortement jusqu’au seuil de viabilité de l’enfant (22 semaines) pour des motifs sociaux, en cas de manque de ressources financières ou de logement, d’addiction à la drogue ou à l’alcool, ou encore de violences domestiques[90]. En offrant un tel avortement, la société aide-t-elle la femme ou ajoute-elle à sa misère ?

3. Les obligations positives minimales garantissant le « droit de ne pas avorter » 

Certains États sont parvenus à réduire le taux d’avortement, alors que celui-ci stagne, voire augmente, dans d’autres États. Cela témoigne de l’influence des politiques publiques de préventions et prouve que l’avortement n’est pas une fatalité qu’il serait impossible de réduire. Ces mesures, qui aident les femmes à ne pas avorter, pourraient utilement être reconnues et garanties au titre des droits sociaux.

a. L’entretien préalable

La bonne et complète information de la femme est centrale. Cette information doit non seulement porter, ainsi qu’il a été dit, sur l’avortement et ses risques, mais plus encore sur les aides disponibles pour garder et élever l’enfant ainsi que sur les moyens de résister aux pressions de l’entourage familial et professionnel.

L’information ne peut avoir lieu sans entretien préalable obligatoire. Parce que l’avortement répond avant tout à des causes sociales, cet entretien devrait avoir un caractère médico-social. Seul un tel entretien pourrait permettre de repérer les cas d’avortements forcés ou contraints, et d’y porter la réponse appropriée en termes de mesures de protection, d’aides sociales et d’alternatives à l’avortement (y compris adoption et naissance sous X). Le personnel social et médical devrait être formé à la prévention de l’avortement et en particulier à détecter les situations de contraintes et à orienter les femmes. La plupart des pays européens prévoient un tel entretien et il est obligatoire dans la majorité des cas : Albanie, Allemagne, Arménie, Belgique, Chypre, Estonie, Finlande, Géorgie, Hongrie, Italie, Islande, Lettonie, Lituanie, Macédoine, République Tchèque, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Slovaquie, Suisse (non exhaustif). Parfois, un entretien est aussi imposé après l’avortement, pour aider la femme à ne pas « récidiver » (Albanie, République Tchèque, Islande). Certains pays prévoient deux entretiens préalables (Hongrie). La forme et le contenu de ces entretiens sont variables. Ils peuvent être menés avec une personne des services sociaux ou avec un médecin, parfois la présence du conjoint est recherchée (Arménie, Finlande). Quant au contenu des entretiens, ils comportent le plus souvent une information sur les méthodes de contraception, plus rarement sur les alternatives à l’avortement telles que l’adoption et la naissance anonyme ainsi que sur les aides sociales (Belgique, Italie, Lettonie, Norvège, Slovaquie, Suisse). Des informations peuvent aussi être données sur la description matérielle de l’acte abortif (Estonie, Lettonie, Norvège), sur les risques et les complications liés à l’avortement (Estonie, Lituanie, Norvège) et encore sur les questions morales soulevées par l’avortement (Lettonie)[91].

En France, si l’obligation légale de l’entretien social préalable a été supprimée pour les femmes majeures en 2001[92], une circulaire ministérielle a toutefois indiqué qu’un tel entretien devrait être systématiquement proposé[93]. Lorsque celui-ci a lieu, le médecin doit informer la femme des méthodes médicales et chirurgicales d’interruption de grossesse et des risques et des effets secondaires potentiels. Il remet un « dossier-guide », dont le contenu est déterminé par l’administration. A l’heure actuelle il ne contient pas d’information sur les alternatives à l’avortement.

b. Le délai de réflexion

L’information est presque inutile sans délai de réflexion. Associé à une bonne information, le respect d’un délai de réflexion permettrait d’éviter des avortements. L’annonce d’une grossesse imprévue peut susciter une certaine panique. Un délai de réflexion est indispensable pour assimiler les informations. Un tel délai existe dans plusieurs pays européens, il est de 7 jours en Albanie et en Italie, de 6 jours en Belgique, de 5 jours aux Pays-Bas, de 3 jours en Géorgie, en Hongrie, en Lettonie et au Portugal, il est enfin de 2 jours en Slovaquie. En France, le délai de réflexion a été supprimé par la loi 2016-41 du 26 janvier 2016.

A titre de comparaison, en matière de procréation médicalement assistée, les législations nationales imposent généralement un délai de réflexion pour toutes décisions sur le sort des embryons congelés. Il est de trois mois en France[94].

c. Le délit d’incitation à l’avortement

Afin de mieux lutter contre l’avortement contraint, certains pays ont institué un délit spécifique d’incitation à l’avortement.

Le droit pénal punit les violences physiques et morales dans le couple, et à ce titre les violences en vue de pousser une femme à avorter. Un délit spécifique d’incitation à l’avortement devrait être rétabli. Sur le modèle du délit d’entrave à l’interruption légale de grossesse[95], il pourrait être défini comme le fait d’exercer des « pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation visant à contraindre une femme à pratiquer une interruption de grossesse, quel qu’en soit le motif ».

Dans plusieurs pays de l’ouest et du sud de l’Afrique, comme le Cameroun, le Tchad et la Côte d’Ivoire, l’incitation à l’avortement à travers la vente, la distribution ou la publication d’informations est une infraction pénale[96]. Le délit « d’incitation à l’avortement » existait également en droit français jusqu’à la loi du 4 juillet 2001[97]. L’article 186 de code pénal néo-zélandais et l’article 228 du code pénal nigérian prévoient également des sanctions pénales pour les personnes cherchant « par n’importe quel moyen » à provoquer la perte de l’enfant chez la femme enceinte. Le code pénal fédéral américain est clair et détaillé dans son article 1461 qui interdit l’envoi par la poste de produits contraceptifs ainsi que « toute description faite pour enjoindre à une personne ou l’inciter à utiliser ou commander des articles, instruments, substance, drogues, médicaments ou une chose » provoquant l’avortement[98].

L’existence d’un délit spécifique d’incitation à l’avortement permettrait aux femmes de mieux se protéger en initiant, ou en menaçant d’initier des poursuites pénales. Durant l’entretien psycho-social, l’existence de telles pressions devrait être systématiquement recherchée et dénoncée. Un accompagnement et des mesures de protection des femmes victimes de ces pressions devraient être prévus, de façon similaire à la protection exercée au profit des femmes victimes de violence domestique.

d. La responsabilisation du père

Enfin, le père pourrait être davantage placé face à ses responsabilités, par exemple en posant le principe de l’information et du consentement du père, sauf circonstances particulières. Amené à devoir partager la responsabilité morale de l’acte, le père pourrait se raviser et décider d’assumer sa paternité. Certains pays exigent que le père soit informé, voire qu’il consente à l’avortement. C’est le cas des Iles Féroé où l’accord du père est obligatoire, il est recherché en Lituanie et obligatoire en Turquie[99] si la femme est mariée. L’exigence du consentement obligatoire du mari est aussi envisagée en Russie[100].

e. L’aide à l’accueil d’enfant handicapé

Concernant l’avortement motivé par une affection de l’enfant, les parents devraient être protégés contre la pression sociale et médicale, recevoir une information claire sur l’état de santé de l’enfant, sur la maladie en cause, sur les conditions de vie des personnes atteintes et les conséquences pour leur entourage, ainsi que sur les aides spécifiques existantes. Des rencontres avec des familles d’enfants handicapés ou malades ou avec des associations devraient être organisées, afin qu’elles puissent partager leur expérience, avec leurs difficultés et leurs joies. Même dans l’hypothèse où l’enfant ne peut survivre[101], la poursuite de la grossesse devrait être proposée car elle permet aux parents de passer quelques instants précieux avec leur bébé vivant, à qui des soins palliatifs peuvent être prodigués le cas échéant.

 

Conclusion

Dans une très grande proportion, la fréquence du recours à l’avortement dépend de choix politiques.

Elle dépend d’abord des choix politiques fondamentaux, qui forgent les modèles sociaux en matière de sexualité, de maternité et de famille. A leur égard, la prévention de l’avortement progressera à mesure que la liberté sera moins confondue avec l’irresponsabilité. En d’autres termes, la responsabilisation est la condition de la prévention.

La prévention de l’avortement dépend aussi fondamentalement de la reconnaissance que la société accorde par la loi à l’être humain avant sa naissance. Si la loi tient pour négligeable la valeur de la vie individuelle prénatale, il sera vain d’attendre des personnes qu’elles renoncent à avorter.

La prévention de l’avortement dépend enfin de la capacité de la société à donner aux femmes et aux couples les moyens de résister aux pressions qui les conduisent à avorter. Celle-ci peut être réalisée par un ensemble de mesures visant spécifiquement chaque catégorie de pressions.

Non seulement la société a le pouvoir, mais elle a aussi contracté le devoir de réduire le recours à l’avortement ; c’est une question de volonté politique au service du bien commun.

 

____

[1] Michael J. New, “Analyzing the Effects of State Legislation on the Incidence of Abortion During the 1990s”, Center for Data Analysis Report, 21 janvier 2014.

[2] Le taux d’avortement correspond au nombre d’avortements pour 1 000 femmes de 15 à 49 ans.

[3] ONU, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2014). Abortion Policies and Reproductive Health around the World (United Nations publication, Sales No. E.14.XIII.11), Annexe 4, p. 44.

[4] ONU, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2014). Abortion Policies and Reproductive Health around the World (United Nations publication, Sales No. E.14.XIII.11), Annexe 4, p.44. United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2013), World Abortion Policies 2013, (United Nations publication, Sales No. E.13.XIII.4).

[5] Agata Chełstowska, « Stigmatisation and commercialisation of abortion services in Poland: turning sin into gold », dans Reproductive Health Matters 19(37), mai 2011.

[6] Annick Vilain, « Les interruptions volontaires de grossesse en 2012 », études et résultats, DREES, n° 884, juin 2014.

[7] Caroline Piquet, « Pourquoi le nombre d’IVG a augmenté en 2013 », Le Figaro, 11 juillet 2014. Le Pr Nisand qui a constaté une hausse de 10 % des IVG chez les femmes de 20 à 30 ans dans son service explique l’augmentation ainsi : « Quel message a été envoyé à votre avis ? Celui que la pilule est dangereuse, coûteuse et que l’avortement était gratuit ».

[8] Selon l’Institut Guttmacher, < http://www.guttmacher.org/pubs/fb_induced_abortion.html >

[9] I. Nisand, L. Toulemon et M. Fontanel, Pour une meilleure prévention de l’IVG chez les mineures, La Documentation française, 2007, p. 3.

[10] Denis Peiron, « Pour les Françaises, il y a trop d’avortement », La Croix, 3 mars 2010, accessible à l’adresse suivante : http://www.la-croix.com/Actualite/France/Pour-les-Francaises-il-y-a-trop-d-avortements-_NG_-2010-03-04-602210.

[11] Devenue légale en France par la loi Neuwirth de 1967 pour lutter contre les avortements clandestins et remboursée par la sécurité sociale depuis 1974.

[12] Comité des droits de l’homme, Observation générale no 19 : Article 23 Protection de la famille, 1990, § 5.

[13] Article 16 § 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ; article 23 §§ 1 et 2 du Pacte International sur les droits civils et politiques de 1966, article 10 § 1 du Pacte International sur les droits économiques, sociaux et culturels de 1966, Préambule de la Convention relatives aux droits de l’enfants de 1989 ; article 16 de la Charte Sociale européenne (révisée) de 1996 ; article 33 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 1989 ; article 44 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et membres de leur famille de 1990.

[14] Préambule de la Convention relatives aux droits de l’enfant.

[15] Article 10§1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

[16] Articles 16§3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et 23§1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

[17] Article 10§1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

[18] ONU, Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, 4-15 septembre 1995.

[19] Copenhague A/CONF.166/9, § 26 h).

[20] Social Summit +5 (2000), http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/S-24/2&referer=http://www.un.org/en/events/pastevents/GA_WSSD%205.shtml&Lang=F

[21] ONU, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966.

[22] ONU, Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, 4-15 septembre 1995.

[23] Convention adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 34/180 du 18 décembre 1979, Préambule.

[24] Voir ces arguments dans les Articles de San Joséhttp://www.sanjosearticles.com/?lang=fr

[25] Agenda 21, 1992, 6.21.

[26] Convention Internationale relative aux droits de l’enfant, 1989.

[27] Voir les Articles de San José.

[28] ONU, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Assemblée générale, résolution 2200 A (XXI), 16 décembre 1966.

[29] Comité des droits de l’homme, Observation générale n°6, Article 6 (Droit à la vie), 16ème session, HRI/GEN/1/Rev.9 (Vol. I), 30 avril 1982.

[30] http://www.guttmacher.org/pubs/fb_IAW.pdf

[31] http://www.guttmacher.org/pubs/fb_induced_abortion.html

[32] Les niveaux les plus bas se trouvent dans les pays méditerranéens et dans les pays de l’Est de l’Europe. Le déclin de la natalité est un phénomène quasiment généralisé au sein de l’Union européenne.

[33] Odievre c. France, [GC], n° 42326/98, 13 fév. 2003, § 45.

[34] Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande, 14234/88 ; 14235/88, 29 octobre 1992, § 63 ; A., B. C., §§ 222-227.

[35] Gisela WURM, Rapport de l’APCE, Accès à un avortement sans risque et légal en Europe, Doc. 11537 rev. 8 avril 2008, § 23.

[36] APCE, Résolution 1347 (2003), Incidences de la “politique de Mexico” sur le libre choix d’une contraception en Europe, 30 septembre 2003, § 6.

[37] APCE, Résolution 1399 (2004), Stratégie européenne pour la promotion de la santé et des droits sexuels et reproductifs ».

[38] APCE, Résolution 1399 (2004), Stratégie européenne pour la promotion de la santé et des droits sexuels et reproductifs », § 11.1.

[39] ONU, Department of Economic and Social Affairs, Population Division, World Contraceptive Patterns, 2013.

[40] Summary of Reported Abortions Worldwidethrough August 2015, compiled by Wm. Robert Johnston, September 2015. http://www.johnstonsarchive.net/policy/abortion/wrjp3314.html

[41] Facts on Induced Abortion Worldwide, Guttmacher institute, January 2012.

[42] H. Leridon, N. Bajos, C. Moreau, et al., Pourquoi le nombre d’avortements n’a-t-il pas baissé en France depuis 30 ans ?, Population & Société, n° 407, décembre 2004.

[43] IGAS, Les politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des IVG, 2009 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000047.pdf ; Etude COCON, Unité INSERM-INED, U 569, 2000.

[44] Gisela WURM, Rapport, Accès à un avortement sans risque et légal en Europe, Doc. 11537 rev. 8 avril 2008.

[45] ONU, Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, 4-15 septembre 1995, § 160 k.

[46] Par exemple : Haut conseil de la population et de la famille, I. Nisand, L. Toulemon, M. Fontanel, Pour une meilleure prévention de l’IVG chez les mineures, La Documentation française, 2006 ; IGAS, C. Aubin, D. Jourdain Menninger, L. Chambaud, Evaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesse suite à la loi du 4 juillet 2001, La Documentation française, 2009, accessible à l’adresse suivante : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000047.pdf

[47] Recommandation 675 (1972), Contrôle des naissances et planning familial dans les États membres du Conseil de l’Europe, du 18 octobre 1972, 6.c.

[48] Voir par exemple la mallette de Ségolène Royal en 2000, conçue avec le Planning familial, (Sabine Chevallier, « Education sexuelle à l’école, la mallette de Ségolène », Famille Chrétienne, n° 1189, 28 octobre 2000, http://www.famillechretienne.fr/famille-education/sexualite/education-sexuelle-au-college-la-mallette-de-segolene-32918) ou l’exposition Zizi sexuel à la Cité des Sciences en 2007 et 2014-2015, où des classes entières ont défilé à l’exposition. Cf. notamment : http://www.cite-sciences.fr/fileadmin/fileadmin_CSI/fichiers/au-programme/expos-temporaires/zizi-sexuel/_documents/DP_20140610.pdf ; certaines salles étaient interdites aux adultes.

[49] INED, L’âge au premier rapport sexuel, 2008.

[50] http://www.cdc.gov/healthyyouth/data/yrbs/pdf/trends/2015_us_sexual_trend_yrbs.pdf

[51] https://www.guttmacher.org/news-release/2014/us-teen-pregnancy-birth-and-abortion-rates-reach-historic-lows

[52] Il est regrettable que de tels changements n’aient pas éclairé le président Obama dans sa décision cesser de donner des subsides aux États offrant des cours favorables à l’abstinence, au motif qu’ils ne sont pas réalistes.

[53] http://abcnews.go.com/Health/story?id=117935&page=1. Voir aussi : Personal Responsibility and Work Opportunity Reconciliation Act of 1996 (PRWORA), Title IX, sec. 912.

[54] https://www.guttmacher.org/sites/default/files/pdfs/spibs/spib_SE.pdf

[55] https://www.acpeds.org/parents/sexuality/sexual-responsibility-2/benefits-of-delaying-sexual-debut-2

[56] Article L2211-2 du code de la santé publique.

[57] Par exemple la présence d’une importante quantité d’hormones dans les eaux, non supprimée par le traitement dans les stations d’épuration, qui constitue un perturbateur endocrinien.

[58] On peut noter à cet égard le rôle de certaines ONG dans l’élaboration des programmes d’éducation sexuelle ou des outils proposés. Ainsi, la boîte de la mallette diffusée à tous les collèges à l’initiative de Ségolène Royal en 2000 indiquait : « Programme conçu en collaboration avec le Mouvement français pour le Planning familial ».

[59] GONZALES, ATTORNEY GENERAL v. CARHART et al. No. 05-380. April 18, 2007* http://caselaw.lp.findlaw.com/scripts/getcase.pl?court=US&vol=000&invol=05-380 “The State has an interest in ensuring so grave a choice is well informed. It is self-evident that a mother who comes to regret her choice to abort must struggle with grief more anguished and sorrow more profound when she learns, only after the event, what she once did not know: that she allowed a doctor to pierce the skull and vacuum the fast-developing brain of her unborn child, a child assuming the human form”.

[60] Loi sur l’avortement, dispositions générales, article 6 : « […] La femme enceinte, en plus de l’obligation posée au premier paragraphe de cet article, doit remettre les résultats d’un examen échographique ainsi que les autres tests médicaux et documents requis à l’article 9 paragraphe 3 de la présente loi » (notre traduction) Texte légal disponible à l’adresse suivante : http://www.womenonwaves.org/en/media/inline/2013/6/26/macedonia_pregnancy_termination_bill_may_2013_1.pdf. Pour la Russie, plusieurs restrictions ont été votées en 2011, mais l’obligation d’effectuer une échographie est toujours en discussion. Cf. Sophia Kishkovsky, Russia Enacts Law Opposing Abortion, New York Times, 15 juillet 2011.

[61] Isabel Contreras, « Pas d’IVG sans avoir vu son fœtus dans huit États américains », France TV Info, 29 juin 2012. La Cour Suprême américaine a néanmoins déclaré implicitement ces lois inconstitutionnelles pour certains de ces États. Elle devrait se prononcer formellement pour au moins un État n’ayant pas abrogé une telle loi en 2016. « Pas d’échographie obligatoire avant l’avortement », TVA Nouvelles, 15 juin 2015.

[62] Félix Galeyrand, Contribution à la prise en charge psychologique des I.V.G. : pour un état des lieux à Strasbourg en 2004, Thèse de médecine, sous la dir. de Jean-Jacques Favreau, Strasbourg, 2004.

[63] Csoma c. Roumanie, n° 8759/05, 15 janvier 2013.

[64] L’article L.1111-2 du code de la santé publique dispose en particulier à cet égard que « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».

[65] Ccass., Civ. 1ère, 21 février 1961, Bull. 1961, I, N° 112, p. 90.

[66] Dans son commentaire en ligne de l’article 35 du code de déontologie.

[67] Rapport 2006, p. 17.

[68] J. Hunt, St Joseph University, Philadelphia, “Abortion and the Nuremberg Prosecutors, a Deeper Analysis” in: Koterski, Joseph W., ed. Life and Learning VII: Proceedings of the Seventh University Faculty for Life Conference. Washington, DC: University Faculty for Life; 1998: 198-209.

[69] ONU Femmes, 4ème Conférence mondiale sur les femmes, Pékin, décembre 1995, action pour l’égalité, le développement et la paix, accessible à l’adresse suivante : http://www.un.org/womenwatch/daw/beijing/platform/violence.htm#diagnosis

[70] Voir notamment CEDH, V.C. c. Slovaquie, n° 18968/07, 8 novembre 2011.

[71] APCE, Résolution 1829 (2011), La sélection prénatale en fonction du sexe, du 3 octobre 2011.

[72] Parlement européen, Résolution 2012/2712(RSP), 5 juillet 2012.

[73] Plusieurs affaires ont néanmoins eu lieu : « Cheb Mami condamné à cinq ans de prison pour tentative d’avortement forcé », Le Monde, 3 juillet 2009 ; « Norvège : Six ans de prison pour un homme qui a fait avorter son ex à son insu, 20 Minutes, 17 mars 2015 ; Michael Winter, “Fla. man gets prison for abortion-pill miscarriage”, USA TODAY, 27 janvier 2014.

[74] Patrick Mistretta, « Pour un droit pénal de l’avortement lisible et intelligible », Gazette du Palais, n° 223, 11 août 2015, p. 1.

[75] Institut de recherche du Planning familial américain, fondé en 1968. Il compte 106 salariés. “The reasons women give for having an abortion underscore their understanding of the responsibilities of parenthood and family life. Three-fourths of women cite concern for or responsibility to other individuals; three-fourths say they cannot afford a child; three-fourths say that having a baby would interfere with work, school or the ability to care for dependents; and half say they do not want to be a single parent or are having problems with their husband or partner.” http://www.guttmacher.org/pubs/fb_induced_abortion.html

[76] APCE, Résolution 1607 de 2008, §§ 7.3 et 7.8.

[77] Beezy Marsh, « 66 babies in a year left to die after NHS abortions that go wrong », Daily Mail, 4 février 2008, accessible à l’adresse suivante : http://www.dailymail.co.uk/health/article-512129/66-babies-year-left-die-NHS-abortions-wrong.html ; la petite fille trisomique avortée à cinq mois est née vivante et a vécu trois heures.

[78] Richard Dawkins: ‘immoral’ not to abort if foetus has Down’s syndrome, Press Association, 21 août 2014, accessible à l’adresse suivante : http://www.theguardian.com/science/2014/aug/21/richard-dawkins-immoral-not-to-abort-a-downs-syndrome-foetus

[79] Comité réclamation n° 13/2002, Autisme Europe c. France, décision sur le bien-fondé, 4 novembre 2003, §53.

[80] APCE, Rapport, La responsabilité des hommes, et particulièrement des jeunes hommes, en matière de santé génésique, Rapporteur : Mme Rosmarie Zapfl-Helbling, Doc. 10207, 10 juin 2004.

[81] Résolution 1394 (2004) relative à « la responsabilité des hommes, et particulièrement des jeunes hommes, en matière de santé génésique », 7 septembre 2004.

[82] Voir également l’article 27-2 de cette même Convention qui stipule que : « C’est aux parents ou autres personnes ayant la charge de l’enfant qu’incombe au premier chef la responsabilité d’assurer, dans les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au développement de l’enfant. »

[83] Giampiero BOSO contre l’Italie, n° 50490/99, 5 septembre 2002 ; voir aussi X. c. Royaume Uni, n° 8416/79, déc. de la Commission, 13 mai 1980.

[84] CEDH, Evans c. Royaume-Uni, n° 6339/50, 10 avril 2007.

[85] Notamment : Égypte, Guinée-Bissau, Iran, Irak, Japon, République de Corée, Koweït, Malawi, Maroc, Nicaragua, Syrie, Turquie, Emirats Arabes Unis et Russie.

[86] Ces données, non exhaustives, sont tirées du rapport de l’IPPF-EU, Abortion legislation in Europe, publié en 2012.

[87] Hayat Gazzane, « Facebook et Apple encouragent la congélation d’ovules de leurs salariées », Le Figaro, 15 octobre 2014.

[88] Programme d’action de la Conférence du Caire, 94, § 5.4.

[89] Voir IPPF, European Network, Abortion Legislation in Europe, janvier 2009, accessible à l’adresse suivante : http://www.spdc.pt/files/publicacoes/Pub_AbortionlegislationinEuropeIPPFEN_Feb2009.pdf

[90] Loi n° 185-XV du 24 mai 2001 et ordonnance n° 647 du 21 septembre 2010 du Ministre de la santé.

[91] Les références aux dispositions nationales sont extraites du rapport de l’IPPF-EN sur la législation relative à l’avortement en Europe publié en 2012. IPPF European Network, Abortion Legislation in Europe, Bruxelles, 2012.

[92] La loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

[93] Circulaire DGS/DHOS n° 2001-467 du 28 septembre 2001 relative à la mise en œuvre des dispositions de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

[94] Code de la Santé publique, Article L. 2141-4.

[95] Article L. 2223-2 du code de la santé publique.

[96] International Planned Parenthood Federation (IPPF), La Conférence de Cotonou : Élimination des barrières juridiques à la santé sexuelle et reproductive en Afrique francophone, 1997, pp. 9, 15, 22 & 23.

[97] « Sera puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de cent francs (100 fr.) à trois mille francs (3000 fr.) quiconque : Soit par des discours proférés dans des lieux ou réunions publics : Soit par la vente, la mise en vente ou l’offre, même non publique ou par l’exposition, l’affichage ou la distribution sur la voie publique ou dans les lieux publics, ou par la distribution à domicile, la remise sous bande ou sous enveloppe fermée ou non ferme, à la poste, ou à tout agent de distribution ou de transport, de livres, d’écrits, d’imprimés, d’annonces, d’affiches, dessins, images et emblèmes : Soit par la publicité de cabinets médicaux, ou soi-disant médicaux – Aura provoqué au crime d’avortement alors même que cette provocation n’aura pas été suivie d’effet. » Loi du 31 juillet 1920, article 1er.

[98] 18 U.S. Code § 1461 – Mailing obscene or crime-inciting matter Article accessible à l’adresse suivante : https://www.law.cornell.edu/uscode/text/18/1461

[99] Law N° 2827, Sec 5-6, 24 May 1983, “Population Planning”.

[100] Thaddeus Baklinski, “Russian Health Ministry plans to set up pregnancy centers to lower abortion rate”, Life Site News, 29 janvier 2014.

[101] Malgré un diagnostic très pessimiste déclarant que l’enfant ne pourra pas vivre, il arrive que l’enfant survive contre toute attente. C’est le cas d’un bébé porteur d’une trisomie 14 né près de Paris au printemps 2015. Alors que les médecins prédisaient au maximum quelques heures de vie, il est toujours vivant un an après, hors de l’hôpital.

Texte de Grégor Puppinck initialement publié sur le site de l’ECLJ : La prévention de l’avortement : garantir le droit de ne pas avorter

Grégor Puppinck

Grégor Puppinck

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Grégor Puppinck est Directeur de l'ECLJ. Il est docteur en droit, diplômé des facultés de droit de Strasbourg, Paris II et de l'Institut des Hautes Études Internationales (Panthéon-Assas).

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