Cet article de Christophe Foltzenlogel, juriste à l’ECLJ depuis 2012, a été initialement publié sur le site de l’ECLJ.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié de nouvelles lignes directrices consolidées sur l’avortement au mois de mars 2022. Loin de s’en tenir à sa mission d’assistance et de conseil de référence aux professionnels de la santé [1], l’institution se fait l’avocat politique d’une libéralisation complète de l’avortement qu’aucun pays dans le monde n’ose pratiquer : l’avortement à la demande et sans condition jusqu’au terme de la grossesse.
Long de 170 pages, ce rapport sur les bonnes pratiques en matière d’avortement est une mise à jour du précédent, publié 10 ans plus tôt [2]. Ce document est en principe destiné avant tout aux professionnels de la santé du monde entier pour leur faire bénéficier des meilleurs conseils et directives pratiques sur cette question précise. Par définition, il ne s’agit donc pas d’un document juridique ou législatif. Cependant, ces nouvelles lignes directrices font de nombreuses recommandations de nature légale et réglementaire, s’adressant en fait autant aux décideurs publics qu’aux professionnels de santé (p. 3).
Que contient ce document ?
Conformément à ce qui vient d’être dit, il ne s’agit pas d’une convention internationale garantissant des droits ou une résolution à l’attention des Etats pour qu’ils respectent des procédures, mais de recommandations médicales pour pratiquer l’avortement dans des conditions « sûres ». Ces lignes directrices contiennent donc les dosages précis recommandés pour un avortement médicamenteux en fonction de l’avancement de la grossesse, les techniques d’avortements médicaux en fonction de l’avancement de la grossesse, les réponses aux difficultés rencontrées en cas d’avortement tardif ou encore la gestion des avortements en milieu hospitalier ou à domicile.
Cependant, loin de se cantonner aux conseils strictement médicaux, les rédacteurs de ce document reprennent des « obligations » faites aux Etats par d’autres organes de protection des droits de l’homme. Ils prétendent ainsi :
- recommander aux États de dépénaliser complètement l’avortement et de ne prévoir aucune peine pour la femme ou le médecin pratiquant un avortement illégal (p. 24) ;
- recommander d’abroger toute loi qui restreigne l’avortement pour un motif quelconque et que l’avortement soit accessible sur demande de la femme, de la fille ou de « toute autre personne enceinte ». L’OMS précise que si une loi restreint l’avortement aux cas de viols, la femme ne doit pas avoir à apporter une quelconque preuve d’avoir été violée (p. 26) ;
- recommander aux Etats d’abroger les lois qui interdisent l’avortement en fonction de l’avancement de la grossesse (p. 28) ;
- recommander aux Etats de supprimer toutes les « barrières» à l’avortement (p. 41 et suivantes).
Pour toutes ces recommandations, les rédacteurs prétendent qu’il n’y a rien de nouveau dans celles-ci et qu’elles étaient déjà contenues dans les lignes directrices sur l’avortement de 2012. Cela n’est pas exact. Ainsi, l’idée de ne pas imposer de limite de temps à l’accès à l’avortement était bien présente dans les précédentes lignes directrices, mais uniquement dans le paragraphe 4.2.1.7 dans lequel l’OMS affirme que de telles limites « peuvent avoir des conséquences néfastes pour les femmes qui dépassent ces délais [3] ». Il y a pourtant une différence substantielle entre pointer un effet néfaste potentiel de ces limites de temps pour avoir accès à l’avortement et recommander d’abroger ces limites. Il en va sensiblement de même pour les autres recommandations : là où des règles légales relatives à l’avortement faisaient uniquement l’objet de « considérations » dans le chapitre 4 du document de 2012, le nouveau document de 2022 les place en tête de ses recommandations pour qu’elles soient abrogées ou libéralisées.
Qui est l’auteur de ce document ?
Le document est présenté comme ayant été rédigé par sept experts nommément cités, avec l’assistance principale d’un groupe d’élaboration des lignes directrices, du personnel de l’OMS et l’aide de nombreux contributeurs extérieurs. Des « panels d’experts » et des groupes de travail de l’OMS chargés de rédiger les différentes lignes directrices ainsi que le Haut-commissariat aux droits de l’homme ont également relu et contribué à l’élaboration de ce document. Il faut lire la 4e annexe pour connaître la procédure d’adoption du document qui n’a en fait pas été formellement adopté par l’OMS ou par les Etats membres de l’OMS lors d’une réunion spécifique. Il a été adopté par consensus fin avril 2021 au cours de plusieurs réunions du GDG : Guideline Development Group (Groupe d’élaboration des lignes directrices, p. 136). Le document ne contient pas de date précise d’adoption ni de signature du directeur de l’OMS ou d’un chef de département compétent, comme c’est généralement le cas pour un document ayant une valeur juridique.
On peut donc dire que les lignes directrices sur l’avortement sont une mise à jour de conseils scientifiques et médicaux élaborés par le « Département Santé sexuelle et reproductive et recherche » de l’OMS et non une directive, un règlement ou une recommandation ayant une valeur en droit international.
Un document contre la réglementation de l’avortement
Ce qui est à présent promu par l’OMS est un droit absolu à l’avortement. Toute réglementation ou régulation de cette pratique est considérée dans ce document comme une atteinte au droit lui-même. Comme nous allons le voir avec les autres recommandations, les prises de positions de ce document sont surtout idéologiques et n’ont pas toujours de fondement scientifique.
Sur les 54 recommandations que comprend ce document, 14 sont des recommandations non pas médicales mais de libéralisation de l’accès à l’avortement. Dans ces 14 recommandations, les rédacteurs de ce document demandent : la dépénalisation complète de l’avortement, qu’il soit accessible à la demande, sans limite de temps, sans restriction de motifs, sans autorisation préalable d’un tiers, sans nécessité d’être majeur, que l’objection de conscience du personnel médical ne fasse aucunement entrave aux demandes d’avortement, que pratiquement tout professionnel de santé puisse informer, prescrire ou pratiquer un avortement, que l’avortement soit fait par télémédecine et, si possible, que la femme enceinte puisse effectuer un avortement médicamenteux toute seule et que tout le monde puisse obtenir la pilule du lendemain sans prescription médicale ; mais à l’inverse, les rédacteurs se prononcent contre tout période de réflexion obligatoire avant un avortement, contre toute échographie préalable à un avortement, contre l’objection de conscience institutionnelle et contre les visites médicales de routine après un avortement médical.
Une citation dans le document illustre particulièrement cet éloignement du rôle de l’OMS qui se contente de répéter les demandes les plus militantes des promoteurs du droit à l’avortement sans condition. « Les lois, politiques et pratiques restrictives ont souvent pour effet de faire des agents de santé, des établissements de soins, des comités, des conseils d’éthique, de la police, des tribunaux ou autres, les « gardiens » de l’accès à des soins de qualité en matière d’avortement, en leur demandant de déterminer si une personne « remplit les conditions » pour bénéficier d’un avortement légal [4]. » N’est-ce pas tout à fait normal ? N’est-ce pas par définition le rôle général d’un tribunal de juger si une personne remplit les conditions pour exercer un droit ? C’est comme si tous les actes médicaux en général, les admissions, les protocoles, les interventions médicales ne faisaient pas tous l’objet de lois ou de réglementations restrictives, dont les mêmes personnes ou institutions sont précisément chargées de veiller à la bonne application. C’est précisément pour protéger les patients d’abus, d’erreurs, de mauvaises pratiques, de les protéger contre eux-mêmes ou les protéger de personnes malintentionnées que des règles sont établies et appliquées. Pour l’avortement cependant, tous ces principes devraient être abandonnés, il ne devrait y avoir aucune condition et les médecins, établissements, etc. ne devraient pas même vérifier une quelconque condition avant de pratiquer un avortement. L’avortement serait plus qu’un droit, une sorte d’absolu ; un dogme.
En ce qui concerne le rôle du médecin avec la patiente, la relation tend à être altérée par les recommandations du document. S’éloignant des principes du pouvoir d’appréciation du médecin, de sa liberté, de sa compétence personnelle et du principe d’écoute, l’OMS souhaite que tout soit fait pour encourager la femme à avorter. Il faut, selon le document, communiquer des informations aux femmes. Cependant ces informations se cantonnent aux méthodes d’avortement disponibles, à la procédure en tant que telle, et tout de même, il faut que la femme soit informée de la « douleur qu’elle pourra ressentir [5] ». Il n’y a bien sûr pas d’information à donner sur les risques à brève ou longue échéance ni surtout sur les alternatives à l’avortement.
L’objection de conscience en sursis
Si le praticien venait à être opposé à l’avortement, le document prétend reconnaître le droit fondamental à l’objection de conscience, mais cette objection est simplement tolérée pour autant qu’elle ne gêne l’accès à l’avortement. Le médecin objecteur de conscience doit sans délai envoyer sa patiente vers un médecin non objecteur, sous peine de sanctions. Subitement, l’OMS considère que la réglementation et la répression de l’objection de conscience doivent être rigoureuses. Il faut également que les Etats définissent clairement qui peut objecter et à quel acte médical, que les médecins non-objecteurs soient correctement répartis sur le territoire national, que les procédures de renvoi des patients vers un autre professionnel de santé soient rapides et efficaces. Le droit à l’objection de conscience institutionnelle est rejeté ainsi que l’objection de conscience personnelle en cas d’urgence. Comme une épée de Damoclès sur les objecteurs, les rédacteurs précisent : « S’il est établi qu’il est impossible de réglementer l’objection de conscience de manière à respecter, protéger et garantir les droits des personnes souhaitant avorter, de telles dispositions permettant l’objection de conscience à l’avortement pourraient devenir indéfendables [6]. » Cette menace est illégitime est inique : le droit à l’objection de conscience est fondé sur le respect de la dignité humaine et de la liberté de conscience ; deux principes consacrés par de nombreux traités internationaux et la jurisprudence des cours internationales. Si tant de professionnels de la santé objectent en conscience à l’avortement, c’est que c’est l’avortement en lui-même qui est problématique, pas la conscience de ces personnes.
Un fondement scientifique très critiquable
Il est frappant de constater que, bien que se présentant comme un document d’experts promouvant les avis médicaux les plus fiables, nombre de recommandations sont promues alors même que les études scientifiques invoquées à l’appui ne sont que très peu probantes ou inexistantes. En effet, dans les 54 recommandations du document, l’OMS suggère ou recommande un certain nombre de pratiques, voulant ainsi faire varier le degré de force du conseil en fonction des preuves scientifiques disponibles. Or, sur les 54 recommandations, il apparaît que dans 20 de celles-ci, l’OMS recommande ou suggère une pratique, une règle, un dosage, une attribution de compétence ou une méthode tout en reconnaissant ne pas avoir de preuve directe, de données scientifiques précises ou avoir peu, voire pas d’éléments scientifiques pour soutenir une telle recommandation ou suggestion. Ainsi par exemple, pour la prise en charge médicale de la mort fœtale intra-utérine à des âges gestationnels compris entre 14 et 28 semaines, l’OMS suggère que les infirmières et sages-femmes soient habilitées à réaliser les interventions « bien que les preuves directes de la sécurité et de l’efficacité de cette option soient insuffisantes » (recommandation 33). Dans sa recommandation 39 concernant la prise en charge initiale des infections post-avortement ne mettant pas la vie en danger, l’OMS recommande que les infirmières auxiliaires et des praticiens attachés associés puissent l’effectuer « [b]ien qu’aucune preuve directe n’ait été trouvée pour la prise en charge de l’infection post-avortement par ces agents de santé ». L’OMS recommande aussi que les personnes subissant un avortement médical et désirant utiliser une contraception à l’avenir, soient mises sous contraception dès l’intervention médicale d’avortement. Les rédacteurs font ensuite la remarque suivante : « La qualité des preuves fondées sur des essais contrôlés randomisés était très faible. » Il est surprenant que l’OMS prenne non seulement position, mais en plus recommande cette pratique tout en reconnaissant en substance ne pas avoir de preuve scientifique réelle. Citons encore la recommandation sur l’ « administration de contraceptifs injectables ». Dans cette hypothèse, l’OMS recommande que les préparateurs en pharmacie puissent réaliser ces injections « bien qu’aucune preuve n’ait été trouvée concernant la sécurité, l’efficacité, l’acceptabilité ou la faisabilité de cette option ». Enfin la télémédecine est promue, car il est affirmé que cela fonctionne de manière tout aussi satisfaisante et comparable qu’en service clinique habituel « selon des preuves de très faible certitude [7] ».
Il est vraisemblable que le personnel médical désigné dans ce document soit généralement apte à réaliser les gestes médicaux en question. Ce qui est critiquable, c’est que les rédacteurs prétendent se fonder sur des preuves scientifiques solides pour établir des normes internationales de référence, alors même qu’ils n’ont pas ces preuves. C’est par opportunité et idéologie qu’ils étendent autant que possible les personnels aptes à pratiquer des avortements, qu’ils étendent autant que possible les délais, les méthodes et les circonstances pour réaliser un avortement et ils cherchent à justifier leur position idéologique par la science. En réalité, dans 37 % de leurs recommandations, ils sont obligés de reconnaître qu’ils n’ont pas d’études spécifiques probantes justifiant leurs recommandations ou suggestions.
Un document plus idéologique que scientifique
D’autres considérations de l’OMS tendent à montrer que l’on est face à un document idéologique qui prétend s’appuyer sur la science pour justifier une promotion de l’avortement.
Ainsi la recommandation 50 promeut l’autogestion de l’avortement médicamenteux en tout ou partie pour les grossesses de moins de 12 semaines. Les rédacteurs, dès la première remarque admettent que : « Il y avait plus de preuves en faveur de l’autogestion de l’avortement médicamenteux pour grossesses avant 10 semaines de gestation [8] ». Ils reconnaissent encore un peu plus loin que : « Il existe des preuves que l’option d’auto administration de médicaments abortifs est efficace (certitude modérée) et sûr (faible certitude). Les femmes ont déclaré être très satisfaites de prendre leurs propres médicaments pour l’avortement (données probantes de très faible certitude). Il y avait une forte adhésion au schéma médical d’avortement médicamenteux (données probantes de faible certitude). » Compte tenu de ce degré de preuves scientifiques, est-il raisonnable de faire une telle recommandation ? Il y a manifestement une volonté de promouvoir une procédure supplémentaire d’avortement et d’allonger au maximum le délai.
Les rédacteurs recommandent de ne surtout pas imposer d’échographie comme prérequis à l’avortement. Les rédacteurs ont peur que la vue d’une échographie avant l’avortement influence la femme : « Elle ne doit pas être fournie dans le but d’orienter la prise de décision […] Cela ne doit pas alimenter la stigmatisation et la discrimination [9]. » En quoi une échographie ne serait-elle pas une information médicale pertinente propre à aider la femme à peser le pour et le contre d’un avortement ? En réalité, l’OMS sait très bien que de nombreuses études qu’elle s’abstient de citer [10], montrent que de nombreuses femmes renoncent à un avortement après avoir vu le fœtus qu’elles portent. Les Etats qui imposent une échographie préalablement à un avortement ont vu leur nombre d’avortements baisser chez les femmes hésitantes [11].
Cependant, en recommandant de ne pas effectuer d’échographie avant un avortement, les rédacteurs sont alors bien gênés car c’est en réalité une méthode scientifique très précise pour estimer l’avancement de la grossesse. Ils rappellent alors qu’ils recommandent de toute façon la suppression de tout délai en matière d’avortement, et que donc il n’y aurait pas d’intérêt substantiel de faire une échographie pour estimer l’âge du fœtus (p. 47). Ils oublient par-là même leurs autres recommandations d’utiliser des méthodes d’avortement différentes selon l’âge du fœtus. Il y a donc bien un intérêt clinique à estimer l’âge gestationnel et l’échographie est un très bon outil de mesure.
Le groupe d’experts considère également que les délais de réflexion obligatoires avant un avortement retardent l’accès à l’avortement, et recommande donc de ne pas en imposer. Prétendant s’appuyer sur une trentaine d’études américaines, l’OMS liste plusieurs effets négatifs à ce délai imposé et n’y voit aucun bénéfice pour les femmes. Les rédacteurs critiquent l’allongement du délai d’accès à l’avortement qui en résulte (il fallait des études pour cela), le surcoût que cela engendre et les difficultés de mobilité rencontrées par les femmes [12], mais oublient d’aborder l’impact essentiel visé par ces délais de réflexion : est-ce que des femmes ont effectivement changé d’avis pendant cette période ? Dans toutes les études citées, on ne sait pas si la question n’a jamais été posée ou si l’OMS l’esquive sciemment, mais c’est pourtant la question qui compte. La pertinence de ces délais de réflexion obligatoires doit être jugée à l’aune des changements d’avis des femmes selon que le délai est imposé ou non. Les délais de réflexion sont là pour faire en sorte qu’une femme ne regrette pas un avortement car c’est une procédure irréversible.
Pour un avortement sûr, même si l’avortement sûr n’est pas si sûr
« Les Etats ne peuvent pas réguler l’avortement de sorte qu’ils forcent les femmes à se replier sur l’avortement à risque. » C’est le véritable mantra répété dix fois dans le document. Dès le premier paragraphe du communiqué, le nouveau rapport est promu « dans le but de protéger la santé des femmes et des filles et de contribuer à prévenir plus de 25 millions d’avortements non sécurisés qui se produisent actuellement chaque année. » L’OMS estimait qu’il y en avait 22 millions chaque année dans le document précédent de 2012. Le cœur de l’argumentation de l’OMS pour justifier la libéralisation totale de l’avortement réside dans cette logique de déterminisme absolu des femmes. Il faut que l’avortement médicalisé soit légal et accessible car les femmes avorteraient de toute façon. L’OMS promeut donc l’avortement « sûr », l’avortement pratiqué par des professionnels formés, dans des conditions adéquates. Ici encore, l’idéologie pro-avortement tord la réalité en prétendant que l’avortement légal et médicalisé est « sûr », contrairement à la situation où il est illégal et donc en principe réalisé dans des conditions risquées. La réalité est qu’en tant qu’opération médicale d’expulsion provoqué d’un fœtus du corps de la mère, l’avortement comportera toujours un risque, comme toute opération médicale [13].
Le document répète plusieurs fois que l’avortement est une intervention médicale sûre, mais qui provoque néanmoins des douleurs (p. 49, recommandation d’anti-douleurs) et des complications dans quelques cas (p. 63) ; que c’est une intervention simple mais qui doit être faite par quelqu’un de qualifié. Page 79, l’OMS listes les complications. Celles-ci sont rares, mais elles existent malgré tout : hémorragie, infection, perforation de l’utérus, rupture de l’utérus, complications liées à l’anesthésie, ou avortement non complet. Ainsi le document recommande des antibiotiques prophylactiques pour les avortements médicaux pour éviter les infections. Cependant, dès la recommandation suivante, et alors même qu’il n’y a pas beaucoup de preuves cliniques, l’OMS recommande de ne pas faire automatiquement de visite médicale de suivi.
De même, l’OMS promeut comme nous l’avons vu l’avortement à la demande sans limite de délai gestationnel car « la grossesse peut être interrompue en toute sécurité quel que soit l’âge gestationnel. Les limites d’âge gestationnel ne sont pas fondées sur des données probantes [14] ». Cette affirmation est fausse car non seulement de nombreuses études et témoignages de professionnels montrent que plus une grossesse est avancée, plus les risques pour la femme sont grands, mais en plus, les rédacteurs du document reconnaissent eux-mêmes qu’un avortement après douze semaines devient plus compliqué car il nécessite des gestes médicaux spécifiques et du personnel plus qualifié [15]. Enfin, les rédacteurs reconnaissent également dans la recommandation 16 que la douleur pour la femme augmente avec l’avancement de la grossesse.
Conclusion
Ce document apporte une nouvelle confirmation de ce que l’ECLJ et bien d’autres répètent depuis des décennies : la santé sexuelle et reproductive est un concept élaboré par et pour les promoteurs de l’avortement. Pendant des années, les promoteurs de l’avortement ont intégré les termes de « la santé sexuelle et reproductive » dans des documents en affirmant que cela ne contenait que la contraception, rassurant ainsi les Etats opposés à l’avortement. Maintenant que ce terme est largement repris dans les textes de l’ONU, les promoteurs de l’avortement affirment que les Etats ne peuvent pas interdire l’avortement sans porter atteinte à la santé et aux droits sexuels et reproductifs des femmes. Pour les rédacteurs de ces lignes directrices, « l’avortement est un élément sûr, efficace et simple faisant partie des soins de santé sexuelle et reproductive (SSR)[16]. »
Ce document est une nouvelle illustration de la dérive idéologique de l’OMS qui est à présent largement sous l’influence de l’industrie de l’avortement. Toute idée de prévention de l’avortement, de promotion de politiques familiales, de continence ou, en aval, d’aide psychologique et matérielle aux femmes enceintes est absolument absente du document. Le fœtus n’y existe pas. Il ne s’agit que de « tissus de grossesse [17] » dont il faut réguler la venue au monde selon ce que souhaite la mère et qu’il faut jeter avec le « matériel biologique ». Les questions de discrimination abordées dans le document ne concernent que la « personne enceinte », jamais l’enfant à naître. C’est peut-être une réponse au Comité des droits des personnes handicapées qui avait critiqué dans une de ses décisions la discrimination faite aux fœtus handicapés dans le cadre de l’avortement. Ces derniers peuvent être avortés jusqu’à terme dans la plupart des pays à raison même de leur handicap, contrairement aux fœtus bien-portants. Pour les rédacteurs du document, autant autoriser l’avortement jusqu’à terme pour tous, sans discrimination. Dans tous les cas, selon eux, le droit à la vie ne concerne que la “personne enceinte” (p. 8).
Pour comprendre comment l’OMS peut officiellement produire un tel document reprenant les mêmes recommandations faites par l’industrie de l’avortement, il faut à présent montrer l’influence de l’industrie de l’avortement sur ces lignes directrices. Loin d’être neutres, les experts à l’origine de ce document, le coût d’élaboration de ce document ainsi que les sources et études utilisées dans ce document sont dans des proportions significatives financés par l’industrie de l’avortement.
À suivre…
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[1] « Les directives sont le moyen fondamental par lequel l’OMS exerce son leadership technique en matière de santé. », Résumé analytique, page XX, in WHO, Abortion care guidelines, 2022 (traduction libre).
[2] World Health Organization. (2012). Safe abortion: technical and policy guidance for health systems, 2nd ed.. World Health Organization. https://apps.who.int/iris/handle/10665/70914
[3] OMS, “Safe abortion: technical and policy guidance for health systems Second edition technical and policy guidance for health systems”, https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/70914/9789241548434_eng.pdf?sequence=1&isAllowed=y
[4] p. 22, traduction libre.
[5] p. 53, traduction libre.
[6] p. 60, traduction libre.
[7] Recommandation 48.
[8] p. 98, traduction libre.
[9] p. 48, traduction libre.
[10] Upadhyay, Ushma D et al. “Evaluating the impact of a mandatory pre-abortion ultrasound viewing law: A mixed methods study.” PloS one vol. 12,7 e0178871. 26 Jul. 2017, doi:10.1371/journal.pone.0178871.
[11] Gatter, Mary MD; Kimport, Katrina PhD; Foster, Diana Greene PhD; Weitz, Tracy A. PhD, MPA; Upadhyay, Ushma D. PhD, MPH Relationship Between Ultrasound Viewing and Proceeding to Abortion, Obstetrics & Gynecology: January 2014 – Volume 123 – Issue 1 – p 81-87
doi: 10.1097/AOG.0000000000000053
[12] pp. 41 et 42.
[13] CompassCare, « Abortion Risks and side effects”, document en ligne regroupant plus de trente études ; voir également les informations données par le département de santé de l’État de Louisiane, document en ligne, et inter alia, P.K. Coleman et al., “Late-Term Elective Abortion and Susceptibility to Posttraumatic Stress Symptoms”, Journal of Pregnancy, Article ID 130519, 2010, not. p. 734.
[14] P. 28, traduction libre.
[15] « Plus une IVG est tardive, plus elle est dangereuse et plus elle est difficile psychologiquement pour les femmes qui y recourent. », Israël Nisan, Ancien président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, Professeur émérite de gynécologie obstétrique et président du Fonds pour la Santé des Femmes. « L’extension du délai de l’IVG est une mauvaise nouvelle pour la santé des femmes », Le Figaro, 1er décembre 2021, accessible en ligne. Voir également les données du département de santé de l’État de Louisiane, accessibles en ligne.
[16] P. 22, traduction libre.
[17] p. 76, traduction libre.