Xénotransplantation de porc : premier rein transplanté chez un patient vivant

Publié le 21 Mar, 2024

Le 21 mars, des chirurgiens du Massachusetts General Hospital (MGH) ont annoncé avoir, pour la première fois au monde, transplanté un rein de porc génétiquement modifié sur un patient vivant.

L’intervention a duré quatre heures. Elle a été pratiquée le 16 mars. Le patient se rétablit « bien » et devrait bientôt sortir de l’hôpital a indiqué le MGH.

Autorisation de la FDA

Richard Slayman, âgé de 62 ans et habitant à Weymouth dans le Massachusetts, souffre d’une insuffisance rénale en phase terminale. Alors qu’il vivait avec un diabète de type 2 et de l’hypertension depuis de nombreuses années, il avait reçu, en décembre 2018, une greffe de rein d’un donneur humain, sept ans après le début des dialyses. Cinq ans plus tard, le rein transplanté a malheureusement présenté « des signes de défaillance », conduisant le patient à reprendre les dialyses en mai 2023. Depuis, il a présenté d’importantes complications.

La xénotransplantation [1] a été autorisée par la Food and Drug Administration (FDA) dans le cadre d’un protocole d’accès élargi (EAP)[2] approuvé à la fin du mois de février.

Richard Slayman précise qu’après lui avoir proposé « une greffe de rein de porc », les médecins lui ont expliqué « les avantages et les inconvénients de cette procédure ». « J’y ai vu non seulement un moyen de m’aider, mais aussi un moyen de donner de l’espoir aux milliers de personnes qui ont besoin d’une greffe pour survivre » explique le patient.

Des porcs élevés pour la xénogreffe

Plusieurs entreprises de biotechnologie se sont lancées dans l’élevage de porc pour les xénotransplantations (cf. Un chercheur allemand se lance dans l’élevage de porcs pour les xénogreffes). Elles clonent, puis élèvent, des porcs génétiquement modifiés afin de greffer leurs organes (reins, foies, cœurs, …) chez l’homme, ambitionnant de faire face au manque d’organes à terme (cf. Des cœurs de porcs génétiquement modifiés pour faire face à la pénurie d’organes ?).

Le rein transplanté par les chirurgiens du MGH provenait d’un porc de la société eGenesis de Cambridge, dans le Massachusetts. L’entreprise produit des porcs génétiquement modifiés à l’aide de CRISPR-Cas9 afin d’améliorer leur compatibilité avec l’homme (cf. CRISPR : des porcs génétiquement modifiés bientôt sur le marché ?). Les animaux sont créés avec 69 modifications génétiques permettant d’inactiver un virus connu pour infecter les porcs, mais aussi de supprimer des gènes porcins nocifs, et d’ajouter des gènes humains.

Une solution à la pénurie d’organes ?

Mike Curtis, directeur général d’eGenesis, considère que la xénotransplantation « représente une nouvelle frontière dans la médecine ».

« Soixante-dix ans après la première transplantation rénale et six décennies après l’avènement des médicaments immunosuppresseurs », le Dr Leonardo V. Riella, néphrologue, professeur agrégé de médecine et directeur médical de la transplantation rénale au MGH, se dit « fermement convaincu que la xénotransplantation représente une solution prometteuse à la crise de la pénurie d’organes ».

Selon le United Network for Organ Sharing (UNOS), aux Etats-Unis, plus de 103 000 personnes sont en attente de greffe, et environ 17 personnes meurent chaque jour à défaut d’en obtenir une (cf. Dons d’organes : 2022, records en Israël et aux USA). Le rein est l’organe le plus souvent demandé lors des transplantations. De plus, selon le Journal of the American Society of Nephrology, les taux d’insuffisance rénale en phase terminale devraient augmenter de 29 à 68 % aux Etats-Unis d’ici à 2030.

« Une thérapie qui n’a pas encore fait ses preuves »

La xénotransplantation génère toutefois des inquiétudes. Des virus animaux pourraient en effet être transmis à l’homme. En outre, pour prélever les organes, de nombreux animaux devront être abattus chaque année. Certains s’interrogent également sur l’opportunité de tester ces organes sur des patients gravement malades, comme Richard Slayman.

« Je pense que nous devons être très, très prudents » souligne L. Syd M. Johnson, bioéthicienne à l’université médicale SUNY Upstate de Syracuse, dans l’Etat de New York. « Je suis très préoccupée par une thérapie qui n’a pas encore fait ses preuves » ajoute-t-elle.

A l’heure actuelle, des chirurgiens ont déjà transplanté des reins et des foies de porcs génétiquement modifiés sur des babouins (cf. Xénogreffe : un singe survit pendant plus de deux ans avec un rein de porc), ainsi que sur quelques personnes en état de mort cérébrale (cf. Un foie de porc greffé sur le corps d’un homme en état de mort cérébrale). Des chirurgiens de l’université du Maryland ont même greffé des cœurs de porc sur deux hommes (cf. Un nouveau patient greffé avec un cœur de porc). Ils ont vécu plusieurs semaines après les interventions, mais sont décédés (cf. Greffe de cœur de porc : décès du 2e patient transplanté).

Complément du 04/04/2024 : Deux semaines après avoir subi une greffe de rein de porc au Massachusetts General Hospital (MGH), Richard Slayman, âgé de 62 ans, est sorti de l’hôpital.

 

[1] transplantation d’organes ou de tissus d’une espèce à une autre

[2] L’EAP est autorisé pour un patient ou groupe de patients souffrant de maladies ou d’affections graves et potentiellement mortelles, afin de leur permettre d’accéder à des traitements ou à des essais expérimentaux quand il n’existe pas d’options de traitement ou de thérapies comparables

Sources : NPR, Rob Stein (21/03/2024) ; CP Massachusetts General Hospital (21/03/2024) ; BBC, Nadine Yousif (04/04/2024)

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