Xénogreffe : un singe survit pendant plus de deux ans avec un rein de porc

Publié le 12 Oct, 2023

Un rein, transplanté à partir d’un porc nain [1] génétiquement modifié, a été implanté à un singe qui a pu rester en vie pendant « plus de deux ans ». Il s’agit de « l’une des plus longues durées de survie pour une transplantation d’organe inter-espèces », affirment les chercheurs.

Pour Wenning Qin, biologiste moléculaire chez eGenesis, une société de biotechnologie à Cambridge dans le Massachusetts, et co-auteur de l’étude publiée dans Nature le 11 octobre [2], il s’agit d’une « preuve de principe chez les primates non humains » : « Notre organe [génétiquement modifié] est sûr et permet la vie », assure-t-il (cf. 17 macaques greffés avec des reins de porc).

69 modifications génétiques

Les chercheurs ont édité 69 gènes, « ce qui représente l’édition la plus importante réalisée sur des porcs vivants pour la xénotransplantation » (cf. Chimères hommes-animaux : des associations de défense des animaux s’insurgent). Trois modifications ciblent les molécules liées au rejet, et 59 modifications ciblent les génomes de rétrovirus qui peuvent produire des particules virales susceptibles d’infecter les cellules humaines. Les sept dernières modifications sont des « ajouts de gènes humains » qui contribuent à « maintenir l’organe transplanté en bonne santé ». Deux gènes, par exemple, codent pour des protéines qui empêchent la « coagulation inutile » du sang.

Les scientifiques s’interrogent toutefois quant à la possibilité de « produire en masse » des porcs ayant subi une « modification aussi poussée » (cf. Un chercheur allemand se lance dans l’élevage de porcs pour les xénogreffes). Megan Sykes, immunologiste spécialisée dans les transplantations au Columbia University Medical Center de New York, s’interroge aussi sur la nécessité de pratiquer des modifications génétiques aussi nombreuses. La durée de survie n’est pas tellement meilleure que celles obtenues précédemment avec « beaucoup moins de modifications génétiques », assure-t-elle.

Plus de 20 macaques transplantés

Plus de 20 macaques cynomolgus ont subi une greffe d’un rein de porc. Ils ont également reçu « un cocktail de médicaments immunosuppresseurs ».

Aucun des singes ayant reçu des reins dépourvus des sept gènes humains n’a survécu plus de 50 jours. En revanche, 9 des 15 singes ayant reçu des reins avec les gènes humains ont survécu. Cinq de ces singes ont vécu plus d’un an, et l’un d’entre eux plus de deux ans.

Wenning Qin reconnaît que les durées de survie ont été « plus variées que ce à quoi l’équipe s’attendait ».

Vers un essai sur l’homme ?

Selon les chercheurs, cette étude fournira davantage de données aux organismes de réglementation tels que la Food and Drug Administration (FDA), qui étudie actuellement la possibilité d’approuver les premiers essais de greffes d’« organes non humains » sur l’homme (cf. Un nouveau patient greffé avec un cœur de porc).

Jayme Locke, chirurgien spécialisé dans les transplantations à l’université d’Alabama à Birmingham, estime toutefois que « le passage à l’homme ne sera pas anodin ». « Les êtres humains pèsent beaucoup plus lourd et ont une tension artérielle plus élevée que ces singes, et on ne sait pas si les organes de porc résisteront à cet environnement », argumente-t-elle.

 

[1] Une espèce de porc également appelée porc pygmée. Les chercheurs ont eu recours à des reins de porcs nains car « les organes transplantés à partir de porcs conventionnels se développent rapidement chez les receveurs, ce qui risque de compromettre les greffons ». Certains chercheurs ont essayé de désactiver les gènes porcins responsables de cette croissance, ce qui a induit des « complications », précise Muhammad Mohiuddin, chirurgien spécialiste de la xénotransplantation à la faculté de médecine de l’université du Maryland, à Baltimore. Les organes de porcs nains se développent, eux, plus lentement.

[2] Anand, R.P., Layer, J.V., Heja, D., Hlrose, T. et al. (2023). Design and testing of a humanized porcine donor for xenotransplantation. Nature. https://doi.org/10.1038/s41586-023-06594-4.

Source : Nature, Max Kozlov (11/10/2023)

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