IVG instrumentales par des sages-femmes : encore une « expérimentation » pérennisée

Publié le 13 Déc, 2023

Mardi, le Gouvernement a annoncé la publication d’un décret visant à autoriser définitivement les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales dans les établissements de santé. Le texte doit être publié « au plus tard jeudi »[1]. Il devrait retenir un délai similaire à celui déjà autorisé pour les médecins, soit 14 semaines de grossesse, a promis Bérangère Couillard, ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes [2].

« Au-delà de la capacité qui leur est donnée de réaliser des IVG médicamenteuses depuis 2016, cette compétence nouvelle constitue une réponse forte aux difficultés d’accès », justifie dans un communiqué le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau. La mesure, déjà entérinée par la loi Gaillot (cf. Avortement : Les députés adoptent définitivement la PPL Gaillot), faisait l’objet d’une « expérimentation » depuis un an (cf. IVG instrumentales par des sages-femmes : l’« expérimentation » est lancée).

Une volonté inflexible

Cette « expérimentation » avait été décidée à l’occasion du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (cf. Avortement : la déferlante). Un cavalier budgétaire comme on en retrouve régulièrement. Ainsi, en 2023, le choix du Gouvernement s’est porté sur la pilule du lendemain (cf. La pilule du lendemain : « cavalier budgétaire » du PLFSS 2023).

Et comme pour toutes les « expérimentations » en matière d’avortement, son avenir était assuré. Déjà, en 1975, la loi Veil avait été adoptée à titre « expérimental », pour 5 ans (cf. De la loi “Veil” à la loi “Gaillot”).

Un acte « revalorisé »

Le communiqué du ministère de la Santé annonce également « une revalorisation de 25% des tarifs versés aux établissements de santé pour la réalisation des IVG, qui n’avaient pas été revus depuis 2016 et étaient significativement inférieurs aux coûts supportés par les établissements pour cette activité ».

« Cette hausse significative témoigne de la priorité que le Gouvernement accorde à ces prises en charge, et valorise l’engagement des structures permettant l’accès de nos concitoyennes qui le souhaitent à l’IVG », affirme le ministère.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a été l’occasion de prévoir « le tiers payant intégral » pour toutes les femmes souhaitant avorter. Une femme qui souhaite interrompre sa grossesse voit donc 100 % de ses frais pris en charge. Pas si elle choisit de la poursuivre (cf. Olivier Véran auditionné par la délégation aux droits des femmes : promouvoir l’IVG par tous les moyens).

Ainsi, mesure après mesure, le Gouvernement enfonce le clou. L’avortement est une priorité de l’Exécutif et il est prêt à y mettre le prix. Y compris symbolique (cf. IVG dans la Constitution : le projet de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 24 janvier).

Complément du 18/12/2023 : Alors qu’il devait être publié « au plus tard jeudi », le décret visant à autoriser définitivement les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales dans les établissements de santé est paru le 17 décembre au Journal officiel.

Complément du 19/12/2023 : Pour le Dr Pascale Le Pors, vice-présidente du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), « cette nouvelle délégation de tâches est “un étendard” ». « Peu de sages-femmes sont demandeuses et il existe suffisamment de praticiens pour les IVG instrumentales les plus tardives », affirme-t-elle. Selon la vice-présidente du Syngof, « le vrai sujet à régler n’est pas de former davantage de sages-femmes à l’IVG instrumentale, mais plutôt de s’assurer qu’elles soient en nombre suffisant au côté des obstétriciens en salles d’accouchement ». (Source : Le Quotidien du Médecin, Arnaud Janin (18/12/2023))

Complément du 07/03/2024 : Après avoir inscrit l’avortement dans la Constitution, le Gouvernement souhaite réécrire le décret du 17 décembre autorisant les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales dans les établissements de santé (cf. La France inscrit l’avortement dans sa Constitution. Et ensuite ?). Cette modification du texte, annoncée par la ministre chargée de l’Egalité des femmes et des hommes, Aurore Bergé, intervient après qu’une grande partie des sages-femmes a dénoncé des conditions « trop restrictives » pour pratiquer l’IVG instrumentale car le décret exige la présence d’un médecin spécialisé, « d’un gynécologue-obstétricien et d’un anesthésiste-réanimateur » dans l’établissement de santé. La présidente du syndicat national des praticiens anesthésistes-réanimateurs, Anne Geffroy-Wernet, alerte toutefois sur les risques de complications graves. « Les IVG instrumentales pratiquées sous anesthésie générale peuvent être suivies d’hémorragies ou de perforation de l’utérus », prévient-elle. « Dans ces cas-là, il faut pouvoir agir vite » précise-t-elle.

 

[1] AFP (12/12/2023)

[2] Un premier projet de décret réduisait ce délai. Il avait été critiqué fin novembre par les syndicats de sages-femmes.

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