Mardi 8 février, Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, était auditionné par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale. L’audition avait lieu dans le cadre d’une mission d’information sur la santé des femmes[1]. Parmi les sujets abordés : l’endométriose, le cancer, la « précarité menstruelle » et, sans surprise, l’avortement.
Promouvoir l’avortement tous azimuts
La feuille de route 2021-2024 de « la stratégie nationale de santé sexuelle », publiée le 1er décembre dernier, prévoit « des actions concrètes pour renforcer la promotion, l’information, l’éducation à la santé sexuelle, telles que le lancement de la semaine de la santé sexuelle en 2022, la conception et la diffusion d’outils de promotion de la santé sexuelle accessibles aux publics en situation de handicap et le renforcement des connaissances en santé sexuelle des jeunes dans le cadre du service national universel », souligne Olivier Véran. Rappelant l’adoption de « l’accès gratuit à la contraception pour les femmes jusqu’à 25 ans révolus » (cf. Contraception gratuite jusqu’à 25 ans : pour quoi ?), le ministre déplore au passage que les hommes sachent peu que « l’achat de préservatifs est remboursé et pris en charge à 100 % sur prescription ».
« Il est également prévu d’inscrire l’IVG comme action prioritaire du développement professionnel continu (DPC) pour la période 2023-2025 », précise-t-il. « Nous actualiserons et renforcerons également le site ivg.gouv.fr et son référencement pour améliorer la visibilité de l’offre », annonce par ailleurs Olivier Véran.
Pérenniser des mesures annoncées comme temporaires
Pendant la crise du Covid-19, « j’ai demandé en urgence l’allongement de cinq à sept semaines de l’avortement médicamenteux et la possibilité de le faire par télémédecine », rappelle le ministre (cf. IVG médicamenteuse : le Conseil d’Etat suit la propagande). « Nous l’avons fait par arrêté, dans le cadre de l’urgence sanitaire, faute de quoi cela nous aurait peut‑être valu des années de débat au Parlement », semble-t-il se féliciter.
Et que bien que ces mesures aient été prises, comme le reconnaît volontiers Olivier Véran, « dans le cadre de l’urgence sanitaire », il explique s’être « engagé à faire entrer ces mesures dérogatoires dans le droit commun ». « Le décret d’application, en cours d’examen par le Conseil d’État, sera publié dans les prochaines semaines », annonce le ministre à la délégation. Ou comment se passer d’un débat parlementaire.
L’utilisation de toutes les opportunités législatives
La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a été l’occasion de prévoir « le tiers payant intégral » pour toutes les femmes. Une femme qui souhaite interrompre sa grossesse voit donc 100 % de ses frais pris en charge. Pas si elle choisit de la poursuivre.
Autre mesure du quinquennat : les IVG instrumentales peuvent désormais être pratiquées en centre de santé. « Le décret qui en précise les conditions ayant été publié en avril dernier », indique Olivier Véran. De même, « le décret et l’arrêté d’application relatifs à l’expérimentation de la réalisation d’IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé ont été publiés le 31 décembre 2021 » (cf. L’avortement : une priorité de fin de mandat ?).
« Je n’ignore pas que la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement en prévoit la généralisation, explique le ministre, mais, comme un bon “tiens vaut mieux que deux tu l’auras“, j’ai préféré que les textes ouvrant la voie à l’expérimentation soient publiés tant on ignore de quoi l’avenir sera fait… » (cf. La PPL Gaillot votée en 3e lecture : dialogue de sourds à l’Assemblée nationale) Faire pratiquer des avortements chirurgicaux par des sages-femmes était-il donc une priorité ? « Une cinquantaine d’équipes sera sélectionnée et les premiers projets commenceront à la mi-2022 », précise Olivier Véran.
Quel rapport entre santé et avortement ?
Au terme de l’audition d’Olivier Véran dans le cadre de cette « mission d’information sur la santé des femmes », on s’interroge. Que vient faire l’avortement parmi les thèmes abordés, entre cancer et endométriose ? D’autant plus quand on sait les risques pour la santé de la femme que représente un avortement (cf. L’avortement chimique présente de nombreux risques pour les femmes ; Belgique : la Commission d’évaluation de l’avortement remet son rapport). Des risques d’autant plus importants que l’avortement est tardif (cf. L’avortement est-il vraiment libre et à la demande en Europe ?).
La proposition de loi d’Albane Gaillot visant, entre autres, à faire passer le délai légal pour avorter de 12 à 14 semaines de grossesse, fait mine de l’ignorer. Refusée à deux reprises par les sénateurs, elle revient devant eux pour une 3e lecture demain, avant son examen définitif par les députés mercredi 23 février. Quelques jours avant la suspension des travaux pour cause d’élections.
[1] Mmes Karine Lebon et Marie-Pierre Rixain sont les rapporteurs de cette mission d’information destinée à « évaluer l’application des recommandations adoptées durant quatre ans par [la] Délégation en matière de santé des femmes ».
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