Hier, jeudi 10 février, les députés ont examiné pour la 3ème fois la proposition de loi visant à « renforcer le droit à l’avortement », dite proposition de loi Gaillot. Avec 46 voix contre 16, le texte, presque inchangé, a été adopté après 4 heures de débat dans un hémicycle quasi désert.
Toujours les mêmes désaccords, toujours les mêmes chiffres, toujours les mêmes arguments. Peut-on parler d’ailleurs d’un vrai débat ? Les défenseurs de la proposition de loi ne parlent que de l’infantilisation des femmes ; quelques autres députés invoquent le « subtil équilibre de la loi Veil », et sont alors dénoncés comme des conservateurs rétrogrades. Il s’agit plutôt d’un dialogue de sourds.
La clause de conscience seule sauvegardée
Excepté un amendement de coordination[1] et un autre supprimant l’article 3[2], aucun amendement n’a été adopté. Le texte voté est donc celui de la commission des affaires sociales.
L’allongement du délai légal à 14 semaines de grossesse est la mesure phare de cette proposition. Mais elle prévoit aussi l’autorisation pour les sages-femmes de pratiquer les IVG instrumentales. La téléconsultation devient possible pour les parcours d’IVG à l’hôpital. Le délai de réflexion de deux jours après l’entretien psychosocial est supprimé, et le registre de praticiens pratiquant l’IVG subsiste. Enfin, le maintien de la clause de conscience spécifique est à souligner. En effet, cette « double » clause de conscience n’est aucunement une redite et protège tous les professionnels de santé par son caractère légal. Contrairement à la clause dite générale, elle n’est restreinte par aucune exception d’urgence (cf. Objection de conscience : « Le médecin n’est pas une machine »).
Des arguments essentiellement rebattus
Si rien n’est nouveau dans le texte, les débats n’ont pas non plus étonné par leur originalité. Quelques rares députés se sont illustrés en invoquant d’autres arguments. Marie Tamarelle-Verhaeghe (LREM) questionne sur la singularité de la vie du fœtus : « Le processus de vie qui habite notre corps de femme peut-il être considéré comme notre propre corps ? ». Philippe Gosselin (LR) affirme que la solution n’est pas dans cette proposition de loi : « la loi restera de toute façon quelque chose d’inachevé car vous n’allez pas au cœur de la question ». Enfin, Emmanuelle Ménard (NI) souligne l’idéologie criante dans cette promotion effrénée de l’avortement : « faire croire que l’émancipation de la femme trouverait son achèvement dans l’extension du délai d’avortement est une erreur et un mensonge à l’égard de toutes ses femmes ».
Faut-il s’attendre à un examen plus approfondi par les sénateurs le 16 février prochain ? Rien n’est moins sûr car le Sénat a déjà rejeté le texte par deux fois sans le discuter (cf. Les sénateurs, divisés, rejettent en bloc la proposition de loi Gaillot). Mais le rejet du texte par une chambre du Parlement n’ébranle pas l’autre chambre, qui persiste dans sa volonté de l’adopter. En tout état de cause, sa lecture définitive est déjà prévue à l’Assemblée le 23 février prochain…
[1] Un amendement de coordination vise à modifier le texte sans modifier le fond, par souci de clarté et de compréhension. Ici il s’agit de la modification d’un intitulé.
[2] L’article 3 visait la compensation de la charge financière que représente cette proposition de loi.