Une proposition de loi qui veut associer l’avortement à un droit fondamental

Publié le 8 Juil, 2019

« Nul ne peut entraver le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse ». Ce sont ces termes que des députés socialistes et apparentés, France insoumise, gauche démocratique et républicaine, souhaitent ajouter à la constitution en déposant une proposition de loi pour « empêcher quiconque de pouvoir entraver l’exercice de ce droit fondamental ». Se targuer d’intégrer un droit dans la constitution, c’est vouloir lui donner, dans la hiérarchie des normes, la valeur la plus haute, ce serait un peu comme l’écrire dans le marbre.

 

Cependant, l’exposé des motifs est consternant. Les députés considèrent que la France a légalisé un « droit à l’avortement » alors qu’il s’agit toujours, et malgré les multiples aménagements dont la loi Veil a fait l’objet depuis sa promulgation, d’une dérogation au principe qui dispose que « la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie ». Cette exception dépénalise l’avortement, à l’origine jusqu’à la dixième semaine et sous conditions, mais sans le justifier. Le détour sémantique n’est cependant pas sans conséquence puisqu’il tend une nouvelle fois à faire de l’avortement un acte banal.

 

Sur le fond, associer le droit fondamental à l’IVG est plutôt contradictoire. En effet, « l’IVG se distinguera toujours d’un droit », explique Grégor Puppinck, docteur en droit et expert Gènéthique. « Un droit vise à garantir la faculté pour une personne d’agir pour son bien en tant que personne humaine. Tout ce que nous reconnaissons comme des droits fondamentaux : penser, s’associer, prier, s’exprimer, sont des facultés par lesquelles chaque individu exprime son humanité. Des facultés que les animaux n’ont pas et qui définissent les droits ‘humains’. Les droits fondamentaux protègent l’exercice de ces facultés nobles, spécifiquement humaines, ils protègent ce qui en chaque individu réalise son humanité. Ce qui signifie qu’en exerçant ces droits fondamentaux, l’individu s’humanise. Mais peut-on dire qu’une femme s’accomplit et s’humanise en avortant, comme elle le fait en se mariant ou en s’exprimant ? Entre un droit fondamental et l’IVG, la différence de nature est patente. (…) L’IVG ne pourra jamais être un ‘droit fondamental’ »[1]. De ce fait, si le droit positif peut forcer la nature, sa « légitimité », arguée par les signataires, ne peut qu’être « constamment remise en cause ».

 

Hélas, les évènements récents montrent que les lois en France ne s’inquiètent ni de leurs contradictions internes, ni de leur légitimité. D’ailleurs, le texte cite en appui de sa requête, l’inscription, dans la constitution par Jacques Chirac, de l’interdiction de la peine de mort. Ce qui ne lasse pas d’interroger car, dans l’avortement, c’est bien une vie qui est en balance, dont on aura bien du mal à justifier qu’elle est un tant soit peu coupable. Les femmes, qui portent douloureusement l’absence de cet enfant, le savent bien (cf. Arte donne la parole à des femmes qui ont eu recours à l’avortement). Vouloir associer les deux jusque dans la Constitution témoigne d’une aptitude particulière à la contorsion.

 

Pour aller plus loin :

L’avortement, droit ou drame ?

 

Image : jessica45 de Pixabay

 

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