Présidentielles 2022 : premières prises de position en matière de bioéthique

Publié le 17 Déc, 2021

A l’approche des prochaines présidentielles, le « casting » se précise et les propositions éclosent. En matière de bioéthique aussi. Mais si les sujets ne manquent pas, « ils peinent à mobiliser l’intérêt des citoyens, plongés dans leur quotidien »[1]. Pourtant, « bien qu’apparemment éloignée des sujets concrets comme le pouvoir d’achat, la manière d’envisager la dignité humaine se répercute sur la façon d’organiser la société, le système de santé, et même les relations économiques », souligne Éric Chouteau, directeur général de l’association Alliance VITA.

A Gauche, à chacun son marqueur « sociétal »

Parmi les candidats « de gauche » aux élections présidentielles, il semblerait que chacun se soit saisi d’un sujet bioéthique. D’un « progrès » à défendre.

Ainsi, Jean-Luc Mélenchon, candidat La France insoumise, a annoncé qu’il souhaitait « introduire la liberté de changer de genre dans la Constitution »[2], ou encore « ouvrir la PMA aux personnes transgenres »[3].

L’écologiste Yannick Jadot a, lui, choisi la GPA « éthique »[4] (cf. « Il n’y a pas de GPA éthique, c’est un terme marketing »). C’est le seul candidat à s’être prononcé en faveur de cette pratique. Une position qui a fait vivement réagir. « Parce que les risques pour la santé de la femmes sont moindres, si elle n’est pas payée ? Sa vie est moins menacée ? Parce que décider, avant même sa naissance, de séparer l’enfant de la femme qui le met au monde, c’est dans son intérêt supérieur ? C’est ça, l’écologie ? » a tweeté la CIAMS, une coalition d’associations en faveur de l’abolition de la maternité de substitution.

Consensus sur la fin de vie ?

Anne Hidalgo, candidate pour le parti socialiste s’est emparée du sujet de la fin de vie. Ainsi, dans une tribune publiée par le journal Libération le jour de la Toussaint[5], l’actuelle maire de Paris s’est déclarée en faveur d’une loi autorisant « l’aide active à la fin de vie ». Enrichissant par la même occasion le lexique de la novlangue bioéthique (cf. La novlangue à la conquête de la bioéthique ?).

Sur ce créneau la candidate socialiste aura du mal à se démarquer. Car le 2 novembre, journée rebaptisée par les militants favorables à l’euthanasie « Journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité »[6], toutes les tendances de la gauche étaient là autour du président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Jean-Luc Romero : « depuis Jean-Louis Touraine (LREM) jusqu’à Adrien Quatennens (LFI), en passant par Rémi Féraud (Socialiste), Laurent Garcia (Modem) et Olivier Falorni (Radical) ». La disposition figure également sur le programme du candidat Jadot.

A droite : peu de prises de positions claires

Du côté droit de l’échiquier politique, les candidats semblent marcher sur des œufs. Les débats organisés pour les primaires du parti Les Républicains n’ont laissé aucune place aux sujets bioéthiques[7]. Récemment, Valérie Pécresse, investie par le parti, a fait un pas sur la question du changement de sexe chez les mineurs, en annonçant vouloir interdire les opérations chirurgicales[8]. Une annonce qui a suscité les quolibets car la pratique est interdite. Certes. Car, en pratique des mastectomies ont été pratiquées chez des jeunes filles de 14 ans (cf. Questionnements de genre chez les enfants : un colloque pour éclairer parents et professionnels).

De son côté, Marine Le Pen (RN) évoque un référendum d’initiative populaire sur la « PMA pour toutes »[9]. Les « sujets sociétaux doivent être réglés par la société », estime-t-elle. Seul Eric Zemmour a été amené à se prononcer clairement sur l’ensemble des sujets bioéthiques lors d’une émission télévisée[10]. Opposé au « mariage pour tous », il ne souhaite toutefois pas abroger la loi. Une décision qu’il prendrait au contraire pour la « PMA pour toutes ». Sur les autres sujets, le candidat est en faveur du statu quo.

Pas de prise de position claire du président sortant mais des indices

Bien que le président Emmanuel Macron ne se soit pas encore déclaré candidat à sa réélection, le programme du candidat Macron devrait, comme pour les candidats de gauche, proposer une loi sur la fin de vie. Il avait expliqué, par la voix du ministre de la santé lors du débat de la proposition de loi d’Olivier Falorni, que le sujet « justifie d’en avertir les Français à l’occasion d’une élection » (cf. Le Sénat rejette l’euthanasie, le gouvernement fait des annonces). Une future promesse confirmée par Line Renaud, proche du couple présidentielle, à l’occasion d’une émission télévisée[11].

En matière de GPA, récemment interrogé par la CIAMS, le président a voulu réaffirmer des « lignes rouges ». En théorie (cf. GPA : Emmanuel Macron réaffirme « les lignes rouges ». Et en pratique ?). Et sur le sujet de l’avortement, seule la question de l’allongement du délai fait encore débat. A bas bruit, comme en témoigne le faible nombre de députés qui ont voté la proposition d’Albane Gaillot le 30 novembre (cf. La clause de conscience : seule rescapée de la « loi Gaillot »). Le sujet reste pourtant un « marqueur », puisque c’est bien à la demande du gouvernement que la proposition de loi a été inscrite pour une deuxième lecture au Sénat, malgré un agenda très chargé en cette fin de quinquennat. Et en apparente contradiction avec les déclarations du président Emmanuel Macron qui s’est dit opposé à cet allongement des délais.

Enfin, la recherche sur l’embryon peine à mobiliser. Un sujet « trop technique » ? Pourtant, sur cette question comme sur les autres questions bioéthiques, « les lignes bougent ». Et toujours pour franchir les anciennes « lignes rouges » (cf. FIV à trois parents : l’Agence de Biomédecine condamnée ; Bioéthique : « Non seulement la loi n’est pas respectée, mais sa transgression sert d’argument pour obtenir son évolution »).

 

[1] Aleteia, Présidentielle : et si la dignité humaine devenait un marqueur de la campagne ?, Agnès Pinard Legry (15/12/2021)

[2] Le Figaro, Présidentielle 2022 : Mélenchon veut introduire la liberté de changer de genre dans la Constitution, Wally Bordas (16/11/2021)

[3] Le Monde, Entre 2017 et 2022, La France insoumise a amendé son programme à la marge, Julie Carriat (21/11/2021)

[4] Le Figaro, «GPA éthique» : «Après l’“homme déconstruit” de Rousseau, Jadot nous présente la femme déconstruite», Céline Revel-Dumas (15/12/2021)

[5] Libération (01/11/2021)

[6] L’Incorrect, La gauche euthanasique, Auguste Lesage (05/11/2021)

[7] Valeurs actuelles, Bioéthique, euthanasie et transidentité : le silence assourdissant des candidats LR, Antoine You (25/11/2021)

[8] LCI, Thomas Deszpot, Changement de sexe : Valérie Pécresse veut interdire des opérations sur les mineurs… déjà interdites (15/12/2021)

[9] Sud Ouest, Présidentielle 2022 : immigration, nucléaire… Marine Le Pen dévoile les grandes lignes de son programme (15/11/2021)

[10] Aleteia, IVG, PMA pour toutes, peine de mort… Ce qu’en pense Éric Zemmour, Mathilde de Robien (10/12/2021)

[11] Huffington Post, Line Renaud gaffe sur le futur “programme du président” Macron (20/11/2021)

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