IVG dans la Constitution : la « liberté » des femmes au détriment de la liberté de conscience ?

Publié le 14 Mar, 2024

Le 5 mars, Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, était auditionnée par la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes [1]. Au lendemain du vote du Congrès sur l’inscription de l’avortement dans la Constitution (cf. La France inscrit l’avortement dans sa Constitution. Et ensuite ?), le sujet était sur toutes les lèvres.

Les problématiques ne manquent pourtant pas : égalité salariale, prostitution, violences faites aux femmes, … Mais, parmi elles, l’IVG demeure un « totem » indéboulonnable. Tous les membres de la Délégation se réjouissent de « l’aboutissement historique d’un travail transpartisan ayant conduit à la constitutionnalisation du droit à l’avortement » ainsi que l’exprime Véronique Riotton, sa présidente, en introduction. Ce sera même l’unique sujet abordé par certains des membres qui s’inquiètent de voir garantie l’« effectivité » du « droit à l’IVG ». Pour cela, il faudrait donner « les moyens à la médecine de manière générale – les hôpitaux et les médecins de ville – et aux associations qui accompagnent ces femmes », ouvrir de nouveaux centres IVG, revoir le décret autorisant les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales (cf. IVG : les sages-femmes demandent la réécriture du décret, l’Exécutif obtempère), et revenir sur la clause de conscience spécifique. « Que pensez-vous de la double clause de conscience des médecins ? Ne faudrait-il pas revenir dessus puisqu’il existe déjà une clause de conscience générale ? » interroge ainsi Sarah Legrain (LFI-NUPES).

Vers la remise en cause de la clause de conscience ?

« La constitutionnalisation de l’accès à l’IVG n’est pas pour solde de tout compte » répond Aurore Bergé. « Depuis 2017, nous n’avons eu de cesse de faire monter en compétence d’autres professions médicales, notamment les sages-femmes en les autorisant à continuer de pratiquer après le confinement l’IVG médicamenteuse jusqu’à sept semaines » rappelle la ministre qui souligne l’engagement de Frédéric Valletoux à revoir le décret relatif à la pratique des IVG instrumentales par les sages-femmes, « bien trop restrictif et non conforme à la volonté des parlementaires » (cf. Olivier Véran auditionné par la délégation aux droits des femmes : promouvoir l’IVG par tous les moyens).

« Concernant la double clause de conscience, je considère qu’une seule clause suffit, parce que l’IVG, que beaucoup considèrent comme un acte sortant de l’ordinaire, doit pleinement devenir un acte médical » indique la ministre. « C’est ma conviction personnelle ». Aurore Bergé affirme toutefois que « la clause de conscience doit continuer de prévaloir », et qu’« aucun professionnel de santé ne doit être forcé à pratiquer un acte alors qu’il ne le souhaite pas ». Pourtant, la clause de conscience générale, à valeur réglementaire et non législative, ne protège que les médecins. Les autres professionnels ne peuvent s’en prévaloir. Et elle prévoit des exceptions : la clause générale ne peut pas être invoquée « en cas d’urgence » ou dans celui où le médecin « manquerait à ses devoirs d’humanité » (cf. La clause de conscience : seule rescapée de la « loi Gaillot »). La ministre semble vouloir l’oublier.

…et de la liberté de conscience ?

D’ailleurs, en l’espèce, la liberté du soignant n’est pas totale : « le professionnel de santé qui ne souhaite pas pratiquer l’IVG doit immédiatement réorienter la femme qui s’adresse à lui pour éviter qu’elle se retrouve hors des délais » insiste Aurore Bergé.

« Ces situations d’entrave existent malheureusement, notamment en ligne » ajoute la ministre (cf. Délit d’entrave numérique à l’IVG : “Ce n’est pas en affirmant que l’IVG n’est rien du tout qu’on rend service aux femmes”). « C’est pour cela que je vais recevoir les moteurs de recherche sur Internet, en particulier Google, parce qu’il y a des enjeux majeurs liés au référencement, annonce-t-elle. On doit garantir l’accès à de l’information, non à de la désinformation, aux femmes qui souhaitent exercer ce qui est désormais une liberté fondamentale inscrite dans notre Constitution » (cf. « Dans un pays libre comme le nôtre, on doit pouvoir discuter pour savoir si l’embryon est ou non une personne humaine »).

Informer les femmes sur les alternatives à l’avortement, sur les conséquences de cet acte, relèverait-il de la désinformation ? Des femmes qui ont été confrontées à ce « choix » auraient pourtant aimé qu’on leur parle en vérité (cf. IVG : une femme témoigne « ce n’était pas “mon choix”, mais “ma peur” »).

 

[1] Le compte-rendu de l’audition est disponible en ligne.

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