Délit d’entrave numérique à l’IVG : “Ce n’est pas en affirmant que l’IVG n’est rien du tout qu’on rend service aux femmes”

Publié le 30 Nov, 2016

La proposition de loi sur le délit d’entrave numérique à l’IVG sera examinée le 1er décembre par l’Assemblée nationale. Son objet est d’interdire la diffusion de contenus de sites « se faisant passer pour des sites officiels ou neutres, et cherchant à dissuader les femmes de recourir à l’IVG » (cf. Sans surprise, la Commission des affaires sociales se prononce en faveur du délit d’entrave numérique à l’IVG).

 

Pour le professeur Israël Nisand[1], « la question de la réduction du nombre d’IVG semble absente dans le débat… ». En effet, pour le gynécologue-obstétricien, « il n’est pas politiquement correct de dire qu’il peut y avoir des troubles psychiques ou des regrets en aval d’une IVG ». Pourtant, il constate que « sur le terrain, en consultation, on voit bien que cela existe ».

 

Le médecin assure ainsi qu’il arrive « que des femmes soient atteintes par la culpabilité et elles en paient seules le prix », ajoutant que « le négationnisme des troubles qui peuvent survenir à la suite d’une IVG ne sert pas la cause des femmes » : « J’ai beau être un militant de la première heure en faveur de l’IVG, on me traite de marchand de morale dès que j’évoque ce sujet. Mais je persiste, la meilleure IVG est celle que l’on n’a pas eu besoin de faire, parce qu’on l’a prévenue », déclare-t-il (cf. « Les femmes ont aussi le droit de ne pas avorter »).

 

De son côté, Emmanuel Sapin[2] observe qu’« il est des situations familiales, sociales où l’IVG peut paraître à la femme la seule solution. Le souvenir de la grave situation et de ce geste restera gravé dans la mémoire de la femme, enfoui, refoulé ».

 

Le Professeur de médecine ajoute que la présence de psychologues dans les services de gynécologie-obstétrique pour s’occuper des femmes qui ont subi une IVG  est « une preuve incontestable que le recours à l’IVG n’est pas anodin ». Face aux propos de Marisol Touraine, la Ministre de la santé, qui affirme qu’il y a « un climat culturel qui pèse et qui tend à culpabiliser », Emmanuel Sapin répond que « ce n’est pas notre culture qui serait responsable d’une culpabilisation », la loi Veil parle elle-même de « gravité biologique de l’intervention » (cf. Le rejet du délit d’entrave numérique à l’IVG justifié par la loi Veil ?).

 

Plutôt que de « bâillonner » les femmes, Emmanuel Sapin prône la vérité et l’accompagnement : « Lorsque, par exemple, un cancer est découvert, il est préférable d’en informer le patient dès que la certitude diagnostique est obtenue ». Il ajoute : « Or, pour l’IVG, il ne serait pas permis d’informer la femme ? Si la loi sur le délit d’entrave à l’IVG passe, il ne sera plus permis d’écouter la détresse de la femme. Ce n’est pas en affirmant que l’IVG n’est rien du tout qu’on rend service aux femmes, en délivrant une information inexacte ! » (cf. Délit d’entrave numérique à l’IVG : vers une entrée “dans la police des idées et dans la dictature d’une vision totalitaire” ?)

 

Israël Nisand dénonce également l’assimilation de l’avortement à une forme de contraception : « Réduire le nombre d’IVG n’est pas un objectif du gouvernement. Il ne faut pas oublier que faire baisser le nombre d’IVG, c’est risquer de fermer encore d’autres centres d’IVG (…) Cet acte est devenu gratuit à 100 %, ce qui a coûté 15 millions d’euros. Dans le même temps, certaines contraceptions ont été déremboursées. Contraception en berne, IVG gratuite : quel est le message ? ».

 

Pour Emmanuel Sapin, « il est du devoir de l’État de réfléchir sur les causes de ces situations pour y remédier plutôt que de se concentrer sur un projet ayant pour effet de bâillonner ceux qui offrent d’aider celles qui souffrent » (cf. “Délit d’entrave numérique” : seule réponse possible aux femmes qui souffrent après une IVG ?).

 

 

[1] Chef du pôle gynécologie obstétrique au CHU de Strasbourg.

[2] Chef de Service en Chirurgie Pédiatrique et Néonatale au CHU de Dijon et professeur en chirurgie infantile et néonatale à Paris.

 

Le Figaro (Emmanuel Sapin) 30/11/2016

Le Figaro (Israel Nisand) 30/11/2016

Reuters 30/11/2016

Photo : Pixabay, DR.

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