« Dans un pays libre comme le nôtre, on doit pouvoir discuter pour savoir si l’embryon est ou non une personne humaine, et donc si l’IVG tue une personne ou élimine un bout de chair – on doit pouvoir penser que l’IMG (interruption médicale de grossesse, qui peut intervenir quelques heures avant la naissance) est clairement un infanticide ». Dans une tribune pour le JDD, la philosophe Chantal Delsol analyse les risques d’une constitutionnalisation de l’avortement.
En France, aucun parti ne revendique que soit « limit[é] ou abol[i] le droit à l’IVG », rappelle la philosophe. Dès lors, « constitutionnaliser l’IVG relève plutôt du symbole : il faut montrer au monde que nous autres Français, héritiers des Lumières, considérons qu’il s’agit là d’un droit inaliénable, comme celui de penser ou de parler librement ». Pourtant, « ce faisant, c’est le contraire que l’on prépare », prévient Chantal Delsol : « nul n’aura plus le droit d’être en désaccord avec l’IVG, qui ne constituera plus une option de la tolérance, mais une obligation de la bien-pensance ».
« Il est déjà très mal vu non seulement de développer des arguments opposés à l’IVG, mais même de proposer des restrictions ou des conditions – cela deviendra carrément impossible ». Son inscription dans la Constitution fera des opposants à l’avortement « des factieux et des coupables », avertit la philosophe qui anticipe déjà les « tirades autosatisfaites [qui] vont accompagner cette décision qui ne sera rien d’autre qu’une restriction de plus dans la liberté de penser ».
Source : Le JDD, Chantal Delsol (23/01/2024) – Photo : iStock