En Islande, plus de 85% des femmes enceintes subissent un test prénatal et elles avortent dans près de 100% des cas après un diagnostic de trisomie 21 (cf. Dépistage prénatal en Islande : le silence de l’ONU). Selon les chiffres du Gouvernement islandais, seulement deux ou trois enfants trisomiques naissent chaque année.
En Australie et au Royaume-Uni, le taux d’avortement des enfants trisomiques est estimé à environ 90% et, aux Etats-Unis, il se situe entre 67 et 85% (cf. Trisomie 21 et DPNI : au Royaume-Uni, les avortements ont augmenté de 50 % en 10 ans). Quant au Danemark, le taux se rapproche de celui de l’Islande avec 98% des grossesses interrompues (cf. Sally Phillips : Vers un monde sans trisomique ?).
En Islande l’avortement a été légalisé en 1935 et, dès 2003, le dépistage combiné au premier trimestre, permettant de détecter la trisomie 21 et d’autres affections génétiques, a commencé à être proposé à toutes les femmes enceintes.
Un manque d’information significatif
Le taux d’avortements islandais après un diagnostic de trisomie 21 inquiète les experts (cf. La dernière génération d’enfants trisomiques ?). « Ces choix sont certainement influencés de manière négative par des préjugés ou des craintes quant à la capacité d’une société ou d’une famille à accéder aux soins dont elle aurait besoin » note Dominic Wilkinson, consultant en soins intensifs pour nouveau-nés et professeur d’éthique médicale à l’université d’Oxford.
De son côté, le professeur Stefánsdóttir, médecin et professeur d’éthique appliquée à l’université d’Islande, estime que l’Islande pourrait faire davantage pour informer le public sur ce à quoi peut ressembler la vie avec un enfant porteur de trisomie 21 (cf. La trisomie 21, une « anomalie congénitale » ? L’OMS présente ses excuses). « Personnellement, je pense que la meilleure chose à faire est de rendre les personnes atteintes de déficience intellectuelle et du syndrome de Down visibles » explique-t-elle en soulignant que « le simple fait que ces tests existent dévalorise leur vie ».
Selon une enquête menée par Down Syndrome NSW, 49 % des familles interrogées se sont senties poussées par des professionnels de la santé à mettre fin à leur grossesse. « Nous nous inquiétons du fait que les informations présentées aux futurs parents sont parfois inexactes, partiales, et qu’elles ne sont pas délivrées de la meilleure façon possible » a déclaré Darryl Steff, directeur général de Down Syndrome Australia (cf. Diagnostic de trisomie 21 : donner des informations précises et complètes).
Supprimer la différence
Un autre phénomène soulevé par Bonney Corbin, directrice des activités de plaidoyer chez MSI Asia Pacific et présidente de l’Australian Women’s Health Alliance, est celui du « validisme » qui s’infiltre dans presque tous les aspects des soins prénataux. « Une grande partie du discours sur les tests prénataux, l’identification des anomalies fœtales et la coercition à l’avortement est imprégnée d’une sorte de jugement de valeur selon lequel nous devons éliminer le handicap », remarque-t-elle. Un mouvement qui se manifeste entre autres dans le vocabulaire utilisé par les professionnels de santé pour annoncer le diagnostic.
Certains bioéthiciens, comme Rosemarie Garland-Thomson, affirment que l’élimination des personnes trisomiques par l’avortement relève de l’eugénisme (cf. “Le dépistage de la trisomie 21 est un génocide” ; Eugénisme : gommer le mot ou poser des limites ? Le choix du comité d’éthique). « Parce que les caractéristiques humaines que nous considérons comme [liées à] le trisomie 21 sont largement identifiées comme des caractéristiques indésirables […] il devient logique d’éliminer la soi-disant maladie qu’est la trisomie 21, et avec elle, les personnes sont éliminées » dénonce-t-elle (cf. Le pape condamne la mentalité eugéniste qui se cache derrière l’avortement des bébés porteurs de trisomie 21).
Enfin, le directeur général de Down Syndrome Australia, M. Steff, regrette que la sélection contre la trisomie 21 contribue à « réduire la diversité d’une communauté ». « Il y a des gens différents dans le monde entier, dans chaque communauté, avec des capacités différentes, des handicaps différents, et cela fait partie du riche tissu de nos communautés », explique-t-il.
Source : ABC, Anna Levy (01/05/2024) – Photo : Pixabay