Sally Phillips : Vers un monde sans trisomique ?

Publié le 5 Oct, 2016

Au Royaume Uni, quatre-vingt-dix pour cent des enfants dépistés atteints de trisomie 21 avant la naissance sont avortés[1]. Alors que le gouvernement se prépare à annoncer le déploiement du DPNI[2] via le NHS[3], Sally Phillips se dit préoccupée car il conduira à augmenter encore ce pourcentage. Elle a réalisé un reportage, diffusé mercredi dernier par la BBC, dans lequel elle explore les questions entourant le DPN : peu de personnes connaissent les réalités de la vie avec une personne atteinte de trisomie 21 ; pourquoi les femmes avortent-elles suite au diagnostic ? Quelles informations reçoivent-elles avant de prendre leur décision ? « J’ai réalisé ce documentaire parce que je pense que la trisomie 21 n’est pas un handicap si grave qu’il justifie un investissement aussi important du gouvernement », expose-t-elle.

 

Pour cette actrice et scénariste, la vie avec son fils Olly, atteint de trisomie 21, ne correspond en rien à ce qui lui avait été prédit. « Personne ne dit quoi que ce soit de positif à propos des personnes atteintes de trisomie 21 », s’indigne-t-elle : « On m’a dit qu’il était une tragédie, en réalité il est une comédie ». « Plus de défis, mais beaucoup plus de rires, aussi ». Elle décrit la vie dans sa famille comme « juste un peu plus drôle que dans d’autres familles », grâce à Olly, qui a aujourd’hui 12 ans. « Il est incroyablement attentionné. Il est le seul de mes trois enfants qui chaque jour me demande comment s’est passée ma journée. Il a une intelligence émotionnelle bien supérieure à la moyenne ».

 

Avec le DPNI, on promet de supprimer les fausses couches liées à l’amniocentèse. « Cela sonne bien », constate Sally Philips, mais avec le DPNI, plus de fœtus atteints de trisomie 21 seront identifiés, et avortés. Ainsi en Islande, 100% des femmes qui ont un test positif avortent. Et elle craint que son fils grandisse dans un monde où les parents choisissent de ne pas donner naissance à des enfants diagnostiqués « trisomiques 21 ». Seule 40 000 personnes atteintes de trisomie 21 vivent au Royaume-Uni, explique-t-elle.  « Je suppose que la plupart des médecins n’ont jamais rencontré quelqu’un avec le syndrome de Down, n’ont jamais été amis avec quelqu’un avec le syndrome de Down (…). C’est certain, la description d’une personne avec le syndrome de Down dans un manuel médical et la vie avec Olly qui partage ma maison sont deux mondes séparés ».

 

Pour le moment au Royaume Uni, un tiers des femmes enceintes refuse le dépistage prénatal. Les statistiques relatives aux avortements sont « complexes et interprétés différemment de chaque côté du débat ». Tous les experts conviennent que la façon dont un diagnostic de trisomie 21 est présenté peut influencer le choix des parents. Le Nuffield Council on Bioethics prévoit de publier un rapport en février 2017, à l’issue de consultations d’experts, de médecins, de familles pour évaluer l’impact du DPNI.

 

Tom Shakespeare, du Nuffield Council on Bioethics, considère que le DPNI ne changera pas grand-chose : « Il offre un choix éclairé aux femmes » comme le dépistage prénatal « classique ». Il envisage même l’extension du DPNI à d’autres maladies génétiques. Mais il rejoint Sally Philips sur un point : la façon dont les informations sont données aux futurs parents est déterminante. « Il n’y a pas que le diagnostic brut de trisomie 21. Les gens veulent savoir : comment cela affectera ma famille ? Comment cela affectera mon enfant ? Comment cela affectera leur vie quotidienne ? Des questions auxquels le DPNI n’est pas en mesure de répondre ».

 

[1] Au Royaume-Uni, près 750 bébés atteints de trisomie 21 naissent chaque année, et environ 40.000 personnes vivent avec cette maladie.

[2] Dépistage prénatal non invasif.

[3] National Health Service.

 

BBC, Alison Gee (29/09/2016); Radio times (5/10/2016)

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