La loi de bioéthique du 2 août 2021 autorise désormais, en France, l’autoconservation ovocytaire dite « sociale ». Elle est prise en charge par l’assurance maladie jusqu’à 37 ans pour les femmes (cf. L’autoconservation des gamètes votée en première lecture). Auparavant, cette autoconservation n’était autorisée que pour raison médicale ou en contrepartie d’un don.
Les évolutions sociétales justifieraient la légalisation de l’autoconservation
Selon Séverine Mathieu, qui intervenait dans le cadre des Journées de l’agence de biomédecine (ABM) le vendredi 8 octobre dernier, l’autorisation de l’autoconservation des ovocytes répond aux évolutions sociétales. En effet, depuis les années 70, l’âge de la conception du premier enfant ne cesse de reculer. Il passe ainsi de 26 ans en 1970 à 30,7 ans en 2019.
Ce recul de l’âge de la maternité est dû à différents facteurs notamment sociétaux comme le travail des femmes, la longueur des études, la fragilisation du lien conjugal. Mais, il résulte aussi de la baisse de la fertilité. Dans ce contexte, l’autoconservation est perçue comme « un filet de sécurité », « un outil supplémentaire afin de pouvoir devenir mère » et certaines femmes ont recours à l’autoconservation ovocytaire, alors qu’elles ne sont même pas certaines de vouloir enfanter. Mais, est-ce bien le rôle des parlementaires de suivre les évolutions de la société (cf. Autoconservation des ovocytes, « la désillusion sera souvent au rendez-vous ») ?
Le contre-exemple de l’Espagne
L’Espagne est aussi confrontée au recul de l’âge de la maternité. Le docteur Cécile Gallo, médecin à la clinique IVI de Barcelone, justifie l’autorisation de « la vitrification ovocytaire sociale » qui a été ouverte aux femmes en 2007 par le fait que la FIV ne permet pas de résoudre « le problème de l’infertilité liée à l’âge » (cf. Autoconservation des ovocytes : assurance maternité ou leurre ?). Dans ce pays, seules 12% des femmes ayant congelé leurs ovocytes décident finalement de les utiliser. Quel sera le sort des gamètes abandonnés ? En France, la loi qui vient d’être votée prévoit que la femme émette chaque année un choix : « les conserver, les utiliser en vue d’une AMP, en faire don à des personnes en attente d’un don de gamètes, en faire don à la recherche scientifique, mettre fin à leur conservation. En l’absence de réponse aux relances pendant 10 ans, vos gamètes seront détruits ».
Les patientes sont âgées en moyenne de 37,2 ans au moment de la préservation. 16% d’entre elles ont plus de 40 ans. Les trois quarts des « social freezers » sont célibataires. 25% des patientes, en Espagne, sont françaises. Alors que le prélèvement des ovocytes demeure à la charge de la femme en Espagne, en France, avec la nouvelle loi, il est « gratuit », c’est-à-dire aux frais du contribuable. En revanche, les frais de conservation des gamètes sont à la charge des « social freezers ».
Au fur et à mesure que l’âge augmente, moins d’ovocytes sont ponctionnés et vitrifiés. Le taux de survie ovocytaire est de 91%, pour une ponction avant 35 ans. Il passe à 82% après 35 ans, ce qui a « un impact important sur le résultat final ». Ainsi, le taux de grossesse est d’environ 65% avant 35 ans et de 30% ensuite. L’ABM précise qu’« autoconserver ses gamètes ne garantit aucunement le succès et la naissance d’un enfant »[1]. Cette technique n’est par ailleurs pas sans risque pour la femme, aussi bien au moment de la stimulation que de la ponction. Dans sa communication sur le don d’ovocytes[2], l’Agence précise que « dans les heures ou les jours qui suivent le prélèvement, la donneuse peut ressentir une sensation de pesanteur ou des douleurs pelviennes et constater de légers saignements vaginaux ». Elle précise que ces douleurs sont « en général sans gravité et ne durent pas », mais que les symptômes « peuvent persister ou s’intensifier en raison d’une réponse excessive des ovaires à la stimulation ovarienne (syndrome d’hyperstimulation) ». L’ABM recense « d’autres complications [qui] sont liées au geste chirurgical de prélèvement (hémorragie, infection, problème anesthésique…) » et à l’issue du don, « l’équipe médicale et paramédicale propose aux donneuses un suivi de leur état de santé ». Pourquoi une telle surveillance pour un geste « anodin » ?
Le développement de la greffe ovarienne
Il intéressant de voir que plusieurs centaines d’enfants sont nés dans le monde à la suite d’une greffe ovarienne. Le docteur Pascal Pivert rappelle que « la France est le pays qui greffe le plus au monde » de follicules primordiaux préalablement congelés. Cinq à six mois sont ensuite nécessaires pour rétablir la fonction ovarienne (cf. Chine : naissance d’une petite fille après une autogreffe de tissus ovariens).
Le taux d’accouchement, à la suite d’une greffe est de 26%, en Europe. Parmi ces grossesses, 88% seraient spontanées et 12% à la suite d’une procréation médicalement assistée (PMA). Ces greffes ovariennes peuvent aussi intervenir dans le cadre du traitement de la ménopause, qu’elle soit due à un traitement (Cf. Les autogreffes de tissu ovarien, un espoir pour les femmes après un cancer) ou physiologique (cf. Inquiétudes concernant le recours à l’autogreffe de tissu ovarien pour retarder la ménopause). Une alternative qui permet à des femmes malades de retrouver leur fonction reproductive. Une chance à saisir.
[1] Agence de Biomédecine (ABM), L’autoconservation de gamètes
[2] Agence de Biomédecine (ABM), Le don d’ovocytes