« Substances d’origine humaine » : un nouveau règlement européen

Publié le 14 Sep, 2023

Le Parlement européen a adopté mardi un projet de règlement concernant l’utilisation des « substances d’origine humaine », également appelé « SoHO », (sang, plasma, tissus, cellules, lait maternel, …).

Le texte a été approuvé par une large majorité, avec 483 voix pour, 52 contre et 89 abstentions. Avant son vote en séance plénière, la proposition avait été amendée, le 18 juillet dernier, par la Commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire (ENVI).

Un règlement unique

Afin de favoriser les échanges de « substances d’origine humaine » entre les Etats membres, le texte abroge les deux directives actuellement existantes [1], et les remplace par un règlement unique qui sera applicable de la même manière dans tous les Etats.

Jusque-là, la règlementation européenne laissait aux Etats une marge de manœuvre dans sa mise en œuvre. « Un même produit peut être considéré comme une substance, un dispositif médical ou une thérapie innovante, selon les règles nationales » déplore notamment Nathalie Colin-Oesterlé, eurodéputée française (groupe PPE), et rapporteur du texte.

Désormais, les différentes normes nationales de qualité et de sécurité seront harmonisées.  « La santé reste un domaine réservé des Etats et l’Union ne vient qu’en appui » précise toutefois la rapporteur.

Neutralité financière du don

Les eurodéputés ont par ailleurs rappelé « le principe du don volontaire et non rémunéré » (cf. Royaume-Uni : un procès pour trafic d’organes). Une compensation pourra cependant être proposée au donneur « pour les pertes ou les dépenses encourues au cours du processus de don », mais sans que cela ne constitue une « incitation ». Elle devra « respecter la neutralité financière du don et empêcher la réalisation d’un profit par le donneur » explique Nathalie Colin-Oesterlé (cf. Trafic : des organes en vente sur Facebook ; Don de sperme : “Be your own boss” !).

Le texte prévoit en outre d’instaurer une « liste européenne des substances d’origine humaine critiques »[2], et d’imposer aux Etats membres de disposer de plans d’urgence nationaux pour ces substances.

Désormais, des négociations avec la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne vont être engagées afin d’aboutir au texte définitif qui devrait être soumis au vote des eurodéputés avant juin 2024.

Une fois adopté, le règlement entrera en vigueur, mais la plupart de ses dispositions ne s’appliqueront que deux ans après.

Un texte qui « dégrade la dignité et la valeur de la vie humaine »

Dans une déclaration commune publiée le 12 septembre, la Commission des épiscopats de l’Union européenne (Comece) et le Katholisches Büro de Berlin [3] ont exprimé leurs inquiétudes face à cette proposition de règlement. Ils mettent en garde contre les potentielles dérives d’une régulation qu’ils considèrent trop « laxiste ».

Selon eux, l’utilisation du terme « substance d’origine humaine » est trop flou. « Le danger réside dans la possibilité qu’une telle définition dégrade la dignité et la valeur de la vie humaine, en créant une équivalence inacceptable entre les embryons et les fœtus et de simples cellules de peau ou du plasma sanguin » alerte le Père Manuel Barrios Prieto, secrétaire général de la Comece (cf. Pr Emmanuel Sapin : « La Constitution doit garantir le respect de la vie »).

L’absence de différentiation écrite entre les différentes « substances d’origine humaine » risque d’influencer le « développement des droits pharmaceutiques et reproductifs » à l’avenir prévient également la déclaration.

En outre, la Comece et le Katholisches Büro estiment que le texte doit être plus clair sur les droits des Etats membres à réglementer ce domaine hautement éthique. « Chaque Etat membre doit conserver la possibilité de refuser l’autorisation d’une préparation SoHO [ainsi que] sa reconnaissance » insistent-ils.

Plus de 25 millions de transfusions sanguines, et près d’un million de cycles de PMA

Chaque année, plus de 25 millions de transfusions sanguines, mais aussi près d’un million de cycles de procréation médicalement assistée (PMA) (cf. PMA : 20% des femmes auraient pu s’en passer ?), et 35.000 greffes de cellules souches sont réalisées en Europe, selon le Parlement européen. La demande ne cesse d’augmenter.

L’Europe continue en outre à importer certaines substances, et notamment 40% de ses besoins en plasma. Ces importations proviennent de pays « où les donneurs sont rémunérés » souligne Nathalie Colin-Oesterlé.

 

[1] la directive 2002/98/CE sur le sang et la directive 2004/23/CE sur les tissus et cellules humains

[2] Une substance d’origine humaine est dite « critique » si son insuffisance d’approvisionnement entraîne « un préjudice grave ou un risque de préjudice grave » pour les receveurs de substances d’origine humaine.

[3] un service de la Conférence des évêques allemands et de l’Association des diocèses d’Allemagne

Sources : AFP (12/09/2023) ; La Croix, Antoine d’Abbundo (13/09/2023) ; Vatican News (12/09/2023)

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