Des organoïdes de cerveau fabriqués à partir de tissus fœtaux humains

Publié le 9 Jan, 2024

Des chercheurs ont développé des organoïdes de cerveau « directement » à partir de tissus cérébraux fœtaux humains « qui s’auto-organisent in vitro ». Ils ont publié leurs travaux dans la revue Cell [1].

Ces organoïdes « ouvrent la voie à une toute nouvelle façon d’étudier le développement du cerveau », affirment les scientifiques. Ils constituent aussi un moyen d’étudier le développement et le traitement des maladies liées au développement du cerveau, notamment les tumeurs cérébrales.

Utiliser des « morceaux de tissu », plutôt que des cellules individuelles

Jusqu’à présent, les organoïdes cérébraux étaient cultivés en laboratoire en amenant des cellules souches embryonnaires ou pluripotentes à « se développer en structures représentant différentes zones du cerveau ». En utilisant un « cocktail spécifique de molécules », ils tentaient d’imiter le développement naturel du cerveau, expliquent les chercheurs.

L’équipe dirigée par le Dr Delilah Hendriks, le Pr. Hans Clevers et le Dr Benedetta Artegiani du Princess Máxima Center for Pediatric Oncology aux Pays-Bas[2], a, elle, choisi de développer des organoïdes cérébraux à partir de tissus cérébraux issus de fœtus humains avortés [3]. Les chercheurs « ont été surpris de constater que l’utilisation de petits morceaux de tissu cérébral fœtal plutôt que de cellules individuelles était vitale pour la culture de mini-cerveaux ».

Pour cultiver d’autres « mini-organes » tels que l’intestin, ils « décomposent » habituellement le tissu d’origine en cellules individuelles. Mais « en travaillant avec de petits morceaux de tissu cérébral fœtal », l’équipe a découvert que « ces morceaux pouvaient s’auto-organiser en organoïdes ». « Jusqu’à présent, nous pouvions dériver des organoïdes à partir de la plupart des organes humains, mais pas à partir du cerveau », affirme le Pr Clevers.

Un « modèle » fidèle

Approximativement de la taille d’un grain de riz, en 3D et de composition « complexe », ils contenaient « différents types de cellules cérébrales », notamment des cellules gliales radiales. Ils ont en outre produit des protéines qui constituent la matrice extracellulaire, une sorte d’« échafaudage » autour des cellules. Ces protéines pourraient être à l’origine de la capacité des « morceaux de tissu cérébral » à s’auto-organiser en structures cérébrales 3D.

Les chercheurs ont également constaté que les organoïdes « conservaient diverses caractéristiques de la région spécifique du cerveau dont ils étaient issus ».

Etudier le cancer du cerveau

« Etant donnée la capacité des organoïdes dérivés de tissus à se développer rapidement, l’équipe a ensuite étudié leur potentiel dans la modélisation du cancer du cerveau ».

Les scientifiques ont utilisé la technique d’édition de gènes CRISPR-Cas9 pour introduire des « défauts » dans le gène TP53 dans un « petit nombre de cellules » des organoïdes. Au bout de trois mois, les cellules dont le gène TP53 était défectueux avaient pris le dessus sur les cellules saines de l’organoïde, ce qui signifie qu’elles avaient acquis un avantage en termes de croissance, une caractéristique typique des cellules cancéreuses.

Ils ont ensuite utilisé CRISPR-Cas9 pour « désactiver » trois gènes liés à une tumeur cérébrale, le glioblastome : TP53, PTEN et NF1. Les chercheurs ont également utilisé ces « organoïdes mutants » pour étudier leur réaction aux médicaments anticancéreux existants.

« Explorer plus avant le potentiel de [ces] nouveaux organoïdes »

Les organoïdes ont continué à se développer in vitro « pendant plus de six mois ». Les scientifiques ont pu les « multiplier », « ce qui leur a permis de cultiver de nombreux organoïdes similaires à partir d’un seul échantillon de tissu ».

A l’avenir, les chercheurs entendent « explorer plus avant le potentiel de leurs nouveaux organoïdes cérébraux dérivés de tissus ». Ils prévoient également de « poursuivre leur travail avec des bioéthiciens – qui ont déjà participé à l’élaboration de cette recherche – afin d’orienter le développement et les applications futures des nouveaux organoïdes cérébraux ».

 

[1] Human fetal brain self-organizes into long-term expanding organoids, Cell (2024). DOI: 10.1016/j.cell.2023.12.012

[2] Cette étude a été réalisée en collaboration avec le centre médical de l’université de Leiden, l’université d’Utrecht, l’université de Maastricht, l’université Erasmus de Rotterdam et l’université nationale de Singapour.

[3] Les chercheurs indiquent que « les tissus du système nerveux central de fœtus humain (cerveau et moelle épinière) ont été obtenus à partir d’avortements choisis auprès du centre médical de l’université de Leiden ou du Human Developmental Biology Resource, après consentement éclairé et approbation éthique ». « L’approbation éthique pour l’utilisation de tissus fœtaux humains a été fournie par la Commission d’éthique médicale du Centre médical de l’Université de Leiden (Leiden, NL), le Human Developmental Biology Resource (HDBR, Cambridge et Newcastle, UK), et le Biobank and Data Access Committee du Princess Máxima Center (Utrecht, NL) ».

Les chercheurs précisent avoir utilisé « 8 tissus », soit 8 fœtus « sains ». Trois étaient de sexe masculin, deux de sexe féminin, et trois « non déterminés ». Ils avaient atteint des stades de développement allant de 12 à 15 semaines de grossesse (cerveau) et de 8 semaines (moelle épinière).

Les scientifiques ont également utilisé des cellules souches embryonnaires humaines pour cette recherche.

Source : Medical Xpress, Princess Máxima Center for Pediatric Oncology (08/01/2024) – Photo : Shameer Pk de Pixabay

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