Recherche sur l’embryon : la pression des chercheurs, l’assentiment du public ?

Publié le 26 Oct, 2023

Au Royaume-Uni, la Human Developmental Biology Initiative (HDBI) vient de rendre ses conclusions [1]. Son objectif était de « mieux comprendre les espoirs et les préoccupations du public concernant la réglementation de la recherche sur les embryons humains » (cf. Edition du génome humain : plus d’attentes chez les scientifiques, plus de préoccupations aussi). Ainsi, à travers des ateliers de discussion, l’opinion de « 70 personnes reflétant largement la population britannique » a été recueillie [2].

La remise en cause de la règle des 14 jours

L’un des principaux thèmes abordés était la « règle des 14 jours ». Au Royaume-Uni, comme dans de nombreux pays dont la France, la recherche sur l’embryon est interdite au-delà de ce délai. Une limite jugée trop contraignante par les chercheurs, qui réclament de la repousser à 28 jours [3].

Pour le professeur Robin Lovell-Badge, co-président du HDBI Oversight group et directeur du Laboratory of Stem Cell Biology and Developmental Genetics au sein du Francis Crick Institute, la limite de 14 jours prévue par la loi a « toujours été une limite arbitraire ». Pour certains scientifiques, cette règle « n’a jamais été censée représenter une limite morale ferme pour la recherche sur les embryons, mais seulement une limite pratique ». En effet, jusqu’il y a peu, les chercheurs ne savaient pas cultiver les embryons au-delà de deux semaines. Ce n’est plus le cas.

Le public favorable à un élargissement du cadre normatif ?

Les participants à l’initiative HDBI « se sont prononcés en faveur d’un réexamen de cette règle, y compris dans le cadre d’un débat au niveau national ». Des conclusions qui sont peu surprenantes. N’étaient-ils pas informés par ceux-là même qui veulent voir aboli ce cadre ? En outre, ils « ont manifesté une grande confiance dans la manière dont la recherche sur les embryons humains est réglementée, malgré un faible niveau de connaissance des organismes de réglementation et des lois elles-mêmes » (cf. Recherche sur l’embryon humain : une autorisation de l’ABM annulée pour ne pas avoir donné la priorité à la recherche sur l’animal ; Recherche sur l’embryon : des recours pour faire respecter la loi).

Pour la suite, « les participants ont notamment exprimé le souhait de voir une réglementation solide régir toute modification de la règle des 14 jours et une réglementation plus poussée de l’utilisation de modèles d’embryons à base de cellules souches ». Les promesses engagent-elles au-delà de ceux qui les écoutent ? (cf. Recherche sur l’embryon : plus aucune limite ?).

Un site pour informer ?

Hasard de calendrier ? La Société internationale pour la recherche sur les cellules souches (ISSCR)[4] a lancé un nouveau site web destiné au grand public : AboutStemCells.org, « conçu pour aider les patients, les familles et le public à en savoir plus sur les cellules souches et leur application pour améliorer la santé humaine ». Le site entend informer le grand public sur les traitements à bases de cellules souches, mais aussi sur les recherches en cours. Ainsi, les organoïdes, les chimères, la FIV à trois parents (cf. FIV à trois parents : l’ADN mitochondrial transmis malgré tout ?), et les « modèles embryonnaires » se voient dédier une page. Des informations affichées comme « accessibles et fiables », notamment dans un but de « lutter contre la désinformation » comme l’affirme Amander T. Clark, le président de l’ISSCR.

« Il est essentiel de noter que les modèles d’embryons humains à base de cellules souches ne sont pas équivalents aux embryons humains créés par fécondation », peut-on lire en gras sur la page dédiée à la recherche sur les « modèles embryonnaires » qui rejette le terme d’« embryons de synthèse » ou d’ « embryon artificiel » (cf. Recherche sur l’embryon : l’ISSCR joue sur les mots). Une rhétorique dont les chercheurs n’ont pas tardé à se saisir. En France, l’Agence de la biomédecine s’est emparée de cette affirmation pour recommander l’autorisation des recherches sur les « modèles embryonnaires » jusqu’à 28 jours (cf. Embryoïdes : l’ABM propose une « troisième voie » pour « encadrer » les recherches). Au Royaume-Uni, où un tel délai est déjà évoqué pour la recherche sur les embryons, quel sort sera réservé aux embryons créés à partir de cellules souches ?

 

[1] Eurekalert, Babraham Institute, Public support for extending the 14-day rule on human embryo research indicated by foundational dialogue project (24/10/2023)

[2] « 15 heures d’activités comprenant une série d’ateliers en ligne et en face à face avec des scientifiques, des éthiciens, des philosophes, des décideurs politiques et des personnes ayant une expérience pertinente (comme les donneurs d’embryons issus de procédures de fécondation in vitro) »

[3] BBC, Michelle Roberts, Scientists: Allow forbidden 28-day embryo experiments (25/10/2023)

[4] Avec plus de 4 600 membres issus de plus de 70 pays, l’International Society for Stem Cell Research est la principale organisation mondiale, interdisciplinaire et scientifique dédiée à la recherche sur les cellules souches et à leur application en clinique.

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