Fin de vie : l’Académie de chirurgie n’est « pas opposée » au suicide assisté

29 Fév, 2024

Alors que le Gouvernement doit présenter un projet de loi sur la fin de vie (cf. Fin de vie : un calendrier difficile à fixer), le 28 février, la Commission juridique et éthique de l’Académie nationale de chirurgie (ANC) a fait part de sa position sur « l’accompagnement de la fin de vie » dans un communiqué de presse. Sans vouloir se prononcer pour le moment sur « le fond et la forme », elle indique être favorable à une évolution de la loi sur le « modèle » de l’Oregon (cf. Suicide assisté : l’Oregon, un « exemple » aussi pour les dérives).

La généralisation des soins palliatifs, un préalable

« L’homme moderne en général souhaite tout maîtriser, même ce qui ne peut pas l’être. Notre société occidentale est une société du zéro danger, zéro risque et du 100 % assurance. Comme il y a une volonté de maîtriser le début de la vie, il y a la tentation de maitriser la fin de sa vie » souligne l’académie en préliminaire. « Nous voulons toujours nous extraire des contraintes naturelles » ajoute-t-elle.

La prise en charge en soins palliatifs n’est « pas encore appliquée sur environ 20 % du territoire français » rappellent en outre les membres de la commission [1] (cf. Fin de vie : Les soins palliatifs, « parent pauvre de la médecine »). Avant toute modification législative, le cadre actuel doit être amélioré. « La généralisation de l’organisation des soins palliatifs est le préalable indispensable » insistent-ils. Encore faudrait-il s’en donner réellement les moyens, et passer des paroles aux actes (cf. « On ne peut pas développer tout un discours sur les soins palliatifs et fermer une unité »).

Oui à l’évolution de la loi, non à l’« euthanasie active »

Malgré cela, l’Académie nationale de chirurgie indique d’ores et déjà n’être « pas opposée à une évolution de la loi Claeys-Leonetti de 2016 ».

Comme la plupart des soignants, les membres de la commission affirment leur opposition à « l’euthanasie active faite par un médecin » (cf. 800.000 soignants s’opposent à l’euthanasie). « Le corps médical et paramédical dans son ensemble a pour mission fondamentale de soigner pour préserver la vie » rappellent-t-ils (cf. Fin de vie : « médecine de l’accompagnement » ou « médecine de la mort donnée » ?).

L’Académie souligne également son attachement à la clause de conscience des médecins qui « doit être garantie de manière absolue » (cf. Fin de vie : les infirmiers craignent « une fuite accentuée des soignants »).

L’Oregon, un modèle ?

La Commission se dit en revanche « favorable à ce que soient appliqués des protocoles d’aide à la fin de vie, tels que ceux qui sont utilisés dans l’Etat d’Oregon » (cf. Oregon : 25 ans de « mort dans la dignité » ; Suicide assisté : l’Oregon, un « exemple » aussi pour les dérives).

« Dans l’Oregon seule la prescription des produits est médicale, et pas son administration ». En outre, « de nombreuses personnes n’utilisent pas cette prescription » font remarquer les membres de la Commission pour justifier leur position. Mais peut-on rapidement évacuer les conséquences sur la société, sur les personnes vulnérables ? (cf. Fin de vie : attention au message envoyé aux personnes vulnérables) N’est-ce pas faire fi de la prévention du suicide ? (cf. Suicide : un risque « accentué par notre société très individualisée »)

Dangereuse ouverture

« Même si le suicide assisté est légalisé en France, le geste ne pourra jamais être automatique. Les médecins que nous sommes serons à chaque cas confrontés à un problème de conscience et d’éthique médicale » tente de rassurer professeur Albert-Claude Benhamou [2]. Les « garde-fous » semblent pourtant bien fragiles (cf. Victoria : le suicide en hausse de 50 % depuis la légalisation du suicide assisté). Une fois le processus enclenché, les « verrous » ne tiendront pas, comme le montre l’évolution des pays qui ont légalisé l’euthanasie (cf. Euthanasie : la pente glissante).

Le texte de l’Académie nationale de chirurgie est proche de l’avis rendu par l’Académie nationale de médecine en juillet 2023 (cf. Avis de l’académie de médecine sur la fin de vie : « un passage en force inacceptable »). En tentant de chercher un « compromis », ces instances n’enclenchent-elles pas un engrenage inéluctable ? (cf. Euthanasie ou suicide assisté : « une brèche dans un rempart de sagesse ») Comment penser pouvoir préserver la confiance qui unit le médecin, le chirurgien, à son patient une fois le médecin autorisé à prescrire la mort ?

 

[1] Pr Olivier Jardé, président de l’Académie Nationale de Chirurgie, ancien vice-président de la commission fin de vie Claeys-Leonetti ; Pr Caroline Mathelin, vice-présidente de l’Académie Nationale de Chirurgie ; Pr Hubert Johanet, secrétaire perpétuel de l’Académie Nationale de Chirurgie ; Pr Henry Coudane ancien président de l’Académie Nationale de Chirurgie, président de la commission éthique et ancien président du conseil national des universités ; Pr Albert-Claude Benhamou, ancien président de l’Académie Nationale de Chirurgie et Référent Inclusion du plan France 2030 au SGPI.

[2] La Croix, Antoine d’Abbundo, Fin de vie : l’Académie de chirurgie favorable au suicide assisté (28/02/2024)

Photo : iStock

 

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