Fin de vie : les infirmiers craignent « une fuite accentuée des soignants »

8 Jan, 2024

Alors que le pré-projet de loi sur la fin de vie a été dévoilé (cf. Projet de loi fin de vie : les soignants ont l’impression de se « faire marcher dessus »), le collège des acteurs en soins infirmiers (CNASI) de la SFAP a lui aussi exprimé sa « sidération », son « incompréhension » et sa « déception » dans une lettre. Ils refusent d’être associés à cette loi « contraire à leurs valeurs » (cf. 800.000 soignants s’opposent à l’euthanasie) et craignent ses conséquences sur leur profession.

Pas « invités à la table des échanges »

Alors que les infirmiers seront directement impliqués et qu’ils accompagnent au quotidien des patients en fin de vie, ils déplorent de ne pas avoir été « invités à la table des échanges » par Agnès Firmin Le Bodo (cf. Projet de loi sur la fin de vie : soignants et parlementaires veulent faire entendre leurs voix). « A aucun moment notre implication dans le protocole de l’euthanasie ou du suicide assisté n’a été évoquée avec le Ministère de la Santé » dénoncent-ils.

Pourtant, la loi aura des « impacts directs » « sur la prise en charge des patients, des hommes et des femmes atteints de maladies incurables, des hommes et des femmes vulnérables, qui ont besoin de soutien, de soins et de présence » alerte le CNASI (cf. Fin de vie : attention au message envoyé aux personnes vulnérables). Au contraire, les infirmiers relèvent les apports de « la loi Claeys Leonetti de 2016 lorsqu’elle est connue et qu’il lui est donné les moyens d’être appliquée ». Pourquoi vouloir changer de logique alors que le cadre actuel est satisfaisant ?, s’interrogent-ils.

« Nombreux sont nos collègues qui quittent leur fonction »

La pré-projet de loi prévoit notamment de demander aux infirmiers de réaliser du « secourisme à l’envers » (cf. Projet de loi sur la fin de vie : « le mépris affiché à l’égard de soignants désormais qualifiés de secouristes à l’envers »). Un nouveau rôle, contraire à l’« éthique du soin », qui leur est imposé. « Sous ce terme se cache ni plus ni moins que l’injonction d’achever les patients, de mettre fin à leur vie alors que notre formation nous amène à les accompagner, à être là jusqu’au bout, à leur prodiguer des soins, à les écouter, à les soulager » s’insurge le CNASI. Une déviation du soin inacceptable.

Alors qu’ils ont « longtemps répondu présents malgré le manque de moyens, les conditions de travail dégradées, la course à la rentabilité » et que la pandémie de Covid les a « laissés épuisés », les infirmiers sont inquiets des conséquences d’une loi sur la fin de vie. « Aujourd’hui, nombreux sont nos collègues qui quittent leur fonction » regrettent-ils. Ils craignent qu’une loi « entraine une fuite accentuée des soignants et majore la dégradation des prises en soin ».

« Avoir le temps, les moyens d’accompagner les patients, de prendre en charge leur fin de vie »

Comme bien d’autres, les infirmiers souhaitent que la priorité soit donnée au développement des soins palliatifs (cf. Soins palliatifs : la Cour des comptes présente son rapport). Tous les jours confrontés à la vie qui se termine, les soignants désirent « avoir le temps, les moyens d’accompagner les patients, de prendre en charge leur fin de vie, leur entourage, leur douleur, leur souffrance, leur apporter une qualité de fin vie telle qu’ils l’espèrent » (cf. « La mort ne sera jamais la solution. La solution c’est la relation »).

Ils demandent que la culture palliative soit « une priorité dans les institutions de formations, dans les établissements de santé, médico-sociaux et au domicile » (cf. Fin de vie : Les soins palliatifs, « parent pauvre de la médecine »), mais aussi que les soins palliatifs soient « accessibles à tous et sur tout le territoire ». Pourtant, force est de constater que la stratégie décennale « n’évoque pas les moyens attribués aux actions proposées alors que les acteurs de terrain sont en attente d’amélioration des conditions d’accompagnement des patients en soins palliatifs au quotidien » (cf. Soins palliatifs : la promesse d’« une petite révolution », mais pas de moyens). Que faut-il pour que le Gouvernement passe enfin des paroles aux actes (cf. Fin de vie : « Ce n’est pas en baptisant stratégie ce qui était auparavant appelé plan que se fait une politique volontariste » )?

Le pré-projet est loin de la réalité vécue au chevet des patients par les infirmiers. Face à la crise du monde de la santé, réussiront-ils à se faire entendre ? Saurons-nous sauver cette fraternité si précieuse pour tous (cf. « Là sont l’urgence et la fraternité : offrir à tous un droit effectif à être soigné et accompagné dignement ») ? La ministre acceptera-t-elle d’écouter les soignants et de prendre vraiment soin des plus vulnérables ?

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