Rappelant le constat « d’importantes carences dans l’offre thérapeutique, et spécialement en soins palliatifs », et l’opposition des soignants à l’euthanasie (cf. Projet de loi sur la fin de vie : soignants et parlementaires veulent faire entendre leurs voix), six députés de bords politiques très différents[1] co-signent une tribune dans le journal Le Monde, pour partager « trois convictions ».
Notre regard sur la fin de vie est façonné par nos expériences
« Avant d’être une question idéologique, notre rapport à la souffrance et à la mort est avant tout déterminé par nos expériences humaines. » Ce qui explique souvent pour les députés les motivations des partisans de l’euthanasie. Mais « cette parole que nous devons écouter nous invite à en entendre une autre » : celle des soignants.
« Ces soignants nous disent que la relation de soin est un bien commun pour toute notre société, ils nous disent que le soin doit être protégé car il est une alliance. » Cette alliance suppose que le soignant ne doive « jamais disposer du droit de vie ou de mort sur celui qui se confie à lui ». Car « chacun doit pouvoir continuer à partager avec celui qui le soigne ses peines et ses craintes les plus intimes sans que jamais le lieu où l’on soigne ne puisse être celui où l’on donne la mort ».
La voie française
Ces six députés veulent aussi dire « une forme de fierté » vis-à-vis du choix de la France fondé sur une « double ambition ». Une ambition de fraternité « avec la volonté d’offrir à chacun un cadre médical digne et humain, à même de soulager les souffrances et d’offrir à tous une fin d’existence décente ». Une « ambition d’humilité » aussi. « Nous savons que le soignant et le législateur ne peuvent pas et ne pourront jamais tout résoudre », rappellent-ils.
« Pour nous, le caractère universel des traitements palliatifs ne saurait être la vague promesse d’une mesure d’”équilibre”, affirment-ils. La mise en œuvre effective de la loi de 1999 qui garantit à tous et partout l’accès aux soins palliatifs, et des lois qui ont suivi en 2002, 2005 et 2016, est, à notre sens, un préalable éthique à l’examen même de toute légalisation éventuelle d’une forme de mort médicalement provoquée. » (cf. Pas de nouvelle loi avant de développer les soins palliatifs ?)
L’attention aux personnes vulnérables
« Nous savons qu’au milieu d’une crise structurelle de notre système de santé, nombreux sont ceux qui se sentent ignorés, oubliés, et éprouvent parfois un sentiment d’abandon, soulignent les six députés. Loin des idéaux de liberté, c’est l’inégalité que révèlent les expériences d’autres pays qui nous montrent que les personnes les plus fragiles, les plus isolées ou les plus précaires sont celles qui craignent le plus de peser sur leurs proches et sont, de fait, les plus concernées par les demandes de mort anticipée. »
Ainsi, « nous devons prendre à bras-le-corps l’amélioration de la fin de vie de la majorité de nos concitoyens dans tous les lieux médicaux où ils sont accueillis », concluent-ils. « Là sont l’urgence et la fraternité : offrir à tous un droit effectif à être soigné et accompagné dignement. Car la fin de vie est encore la vie. »
[1] Jean-Louis Bourlanges, MoDem (Hauts-de-Seine) ; André Chassaigne, PCF (Puy-de-Dôme) ; Yannick Neuder, LR (Isère) ; Astrid Panosyan-Bouvet, Renaissance (Paris) ; Dominique Potier, PS (Meurthe-et-Moselle) ; Frédéric Valletoux, Horizons (Seine-et-Marne)
Source : Le Monde, Collectif (22/06/2023) – Photo : iStock