Fin de vie : Les soins palliatifs, « parent pauvre de la médecine »

30 Mai, 2023

Le droit à l’accès aux soins palliatifs existe depuis 1999 dans la loi. Plus de vingt ans après, leur développement reste pourtant inachevé. Cinq plans nationaux ont été adoptés sans atteindre l’objectif.

Moins d’un tiers des malades accèdent aux soins palliatifs

Les structures de soins palliatifs sont encore trop peu nombreuses. Malgré un développement de la prise en charge palliative à domicile, les inégalités territoriales sont évidentes. Vingt-et-un départements n’ont toujours pas d’unités de soins palliatifs (cf. L’« Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France » mis à jour). Des équipes de soins palliatifs fonctionnent parfois sans médecin. C’est le cas à Mende, en Lozère.

Selon la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), « moins d’un tiers des malades qui auraient besoin de cet accompagnement pour soulager leurs souffrances y accèdent, soit 100.000 patients sur 320.000 » (cf. Soins palliatifs : les six propositions de la SFAP). À Paris, la Maison Jeanne-Garnier ne peut prendre en charge qu’un tiers des demandes qui lui sont adressées.

Le monde médical considère la mort comme « un échec »

Les soins palliatifs sont les « parents pauvres de la médecine ». « La raison première, c’est le déni de la mort. C’est un sujet dont on ne veut pas parler. Cette difficulté à envisager que nous sommes mortels traverse toute la société, y compris le monde médical qui considère la mort comme un échec » explique la psychologue Marie de Hennezel.

« Il serait dommage qu’une loi sur l’euthanasie vienne pallier l’absence de culture palliative et une mauvaise connaissance des bonnes pratiques » a t-elle écrit dans une lettre adressée au président de la République. « Une injection létale coûte bien moins cher que de mettre en place des soins palliatifs », fait-elle remarquer (cf. La société́ peut-elle autoriser le recours à l’euthanasie dépénalisée comme palliatif des carences du système de santé ?)

Des financements « au rabais » 

Cinq plans se sont succédé depuis 1999 (cf. Soins palliatifs : et si on visait à long terme ? ). « Ils n’ont pas eu de financement à la hauteur des enjeux » s’indigne Jean-Marie Gomas, cofondateur de la Sfap et ancien gériatre.

Le dernier a été doté de 171 millions d’euros sur cinq ans, soit 35 millions par an. « La Sfap avait évalué qu’il faudrait quatre fois ce montant pour développer les soins palliatifs. C’est un montant ridicule comparé aux 7,5 milliards d’euros déboursés par l’État pour financer la remise sur les carburants ! » proteste-t-il. Des investissements « au rabais » qui prouvent un « manque de volonté politique », relève Jean-Marie Gomas (cf. Cinquième plan pour les soins palliatifs : des ambitions, peu de moyens).

En 2021, un rapport sénatorial indiquait en outre que le système de tarification à l’activité (T2A) est inadapté aux soins palliatifs, qui sont trop complexes pour s’inscrire au rang des activités « rentables ».

Quelques dizaines d’heures de formation

Autre faille, la formation des médecins. « Tous les soignants peuvent être en prise avec la mort. Tous devraient être mieux formés et sensibilisés aux soins palliatifs. Cet effort est indispensable pour permettre la diffusion de la culture palliative » alerte Claire Fourcade, présidente de la Sfap. « Quelques dizaines d’heures de formation sur la fin de vie dans des cursus de plusieurs années, c’est scandaleux » s’insurge également Jean-Marie Gomas.

« Aujourd’hui, les soins palliatifs sont vus comme une prise en charge de dernier recours et une “mauvaise nouvelle”. Les patients arrivent dans des états souvent très compliqués » relève Sarah Dauchy, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV). « Il est temps d’armer l’ensemble des soignants pour les intégrer beaucoup plus en amont des parcours, comme une norme de qualité de la prise en charge » (cf. Fin de vie : « ne dévoyons pas les soins palliatifs » ).

Une stratégie en deux temps

Alors que le projet de loi sur la fin de vie est annoncé par Emmanuel Macron pour « la fin de l’été », le prochain plan décennal pour les soins palliatifs devrait être finalisé en décembre (cf. Plan décennal pour les soins palliatifs : encore des promesses ?). « Nous n’avons aucune idée de la manière dont cette loi va pouvoir s’articuler avec une stratégie qui sera annoncée dans un deuxième temps » alerte Claire Fourcade.

« Tous les pays qui ont légiféré sur une aide active à mourir se sont engagés à développer les soins palliatifs en même temps » note la SFAP. Une fois les lois votées, ces promesses n’ont pourtant pas toujours été tenues.

 

Source : Le Figaro, Agnès Leclair (26/05/2023) – Photo : iStock

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