Un premier bilan pour la stratégie d’accélération « Santé numérique »

Publié le 23 Jan, 2024

La « stratégie d’accélération “Santé numérique” » (SASN) a soufflé sa deuxième bougie. Lancée en octobre 2021 dans le cadre du programme « France 2030 » (cf. Innovation santé 2030 : 16 programmes pour « accélérer la recherche et l’innovation en santé »), il s’agit, selon le Gouvernement, du « premier programme interministériel de cette envergure » (cf. Santé numérique : priorité au patient ?).

Avec déjà 148 projets et 320 millions d’euros attribués, le Gouvernement fait différentes annonces à l’occasion de cet anniversaire. Parmi elles figurent les 15 lauréats de la 2ème vague de l’appel à projets « Tiers Lieux d’expérimentation », ou encore le lancement des « Grands Défis du Plan DM » : « Dispositifs médicaux numériques et bien vieillir »[1] et « Dispositifs médicaux numériques en santé mentale ».

L’utilisation secondaire des données de santé

Autre sujet majeur, la mission sur l’utilisation secondaire des données de santé [2] « ayant pour ambition de fédérer les acteurs de l’écosystème pour libérer l’utilisation secondaire des données de santé » a rendu ses conclusions. L’objectif est de « construire ensemble une organisation nationale pour l’utilisation secondaire des données de santé », dans le cadre de « politiques publiques en évolution rapide, et ceci dans la perspective de nouvelle réglementation Européenne sur l’Espace Européen des Données de Santé (EHDS) »[3] (cf. Espace européen des données de santé : les eurodéputés adoptent leur position).

La mission liste 37 recommandations. Sans revenir sur la solution initialement retenue pour l’hébergement du Health Data Hub (HDH) (cf. Nouveau recours auprès du Conseil d’Etat contre le Health Data Hub), elle propose de viser un horizon de 24 mois pour l’hébergement du HDH sur un cloud « souverain », qualifié « SecNumCloud ».

Cette migration ayant déjà été « actée par le Gouvernement », « il s’agit désormais d’acter publiquement et officiellement cette orientation, d’en préciser les modalités et d’en tirer toutes les conséquences ».

Simplifier l’accès aux données ?

La mission recommande que le Health Data Hub soit seul responsable de l’accès aux données de santé, « tout en prévoyant le maintien d’un avis conforme de la CNIL pour l’octroi de certaines autorisations d’accès sensibles ».

« La France est un des rares pays, au niveau européen, à avoir maintenu un régime d’autorisation préalable par une agence de protection des données pour la recherche et les études nécessitant un accès aux données de santé, obligatoire en cas d’appariement entre plusieurs bases », note-t-elle. « De même, les exigences en matière d’information des personnes contribuent à la complexité de la procédure réglementaire, le RGPD posant le principe d’une ré-information individuelle des patients à chaque réutilisation de leurs données », déplore la mission, tout en soulignant que « l’effort de transparence et de pédagogie vis-à-vis des citoyens sur la réutilisation de leurs données demeure par ailleurs insuffisant ».

« La rénovation des mécanismes d’information individuelle doit aussi permettre d’alléger la réglementation, juge la mission, en contrepartie d’un effort de transparence accrue auprès du public et d’une facilitation de l’exercice des droits individuels concernant les données de santé, en particulier le droit d’opposition. » (cf. Données de santé : la UK Biobank partage ses données avec des assureurs) In fine, il faudrait que « l’autorisation devienne l’exception ».

Vers la « réutilisation » des données de Mon espace santé ?

Dans son rapport, la mission estime également qu’« une réflexion sur une réutilisation, à terme, des données de Mon espace santé pour la recherche publique mériterait aussi d’être initiée ».

Désormais « plus de 68 millions de Français disposent d’un profil Mon espace santé et plus de 10 millions d’usagers ont d’ores et déjà activé le service ». « A fin 2023, 239 millions de documents (résultat de biologie, comptes rendus, certificats médicaux, carnet de vaccination…) ont été déposés dans le dossier médical de Mon espace santé par les professionnels de santé. Chaque mois plus de 15 millions de documents sont versés ». Si ces données étaient utilisées à des fins de recherche, les patients en seraient-ils clairement informés ? (cf. « Mon espace santé » : le lancement du dossier médical numérique sous consentement présumé)

Tout en recommandant de renforcer son rôle, la mission s’interroge sur l’une des fonctions du Health Data Hub, celle du « financement de projets innovants requérant l’utilisation de données de santé ». Une charge « peu compatible avec la perspective d’exercer les fonctions de HDAB [4], susceptible d’être doté d’un pouvoir de sanction vis-à-vis des producteurs de données ».

Les intérêts en jeu sont multiples, scientifiques et médicaux bien sûr, mais aussi financiers (cf. Données de santé : le patient devenu produit). « Faire de la France un leader en santé numérique d’ici 2030 » se fera-t-il au détriment du patient ?

 

[1] « Le Grand Défi “Dispositifs médicaux numériques et bien vieillir”, annoncé en octobre 2023, vise à faire émerger et assurer un cadre propice à l’accès au marché de technologies de santé numériques innovantes pour bien vieillir, en permettant, notamment, d’assurer le repérage des risques de fragilité des personnes, la prévention de ces risques et le maintien en autonomie des personnes âgées. Les auditions de plus de 60 parties prenantes ont permis de réaliser un état des lieux et d’identifier une stratégie d’actions pour structurer le plan d’actions du Grand Défi proposé à la concertation publique à partir du 18 janvier au 1er mars 2024. »

[2] « L’utilisation primaire des données de santé renvoie à la collecte de données à l’occasion de la prise en charge des patients, quand l’usage secondaire désigne l’utilisation de ces données pour d’autres finalités comme la recherche et l’innovation ou le pilotage ou encore l’amélioration de la qualité des soins. »

[3] « Le projet de règlement EHDS (European Health Data Space / Espace européen des données de santé) s’inscrit dans la stratégie européenne sur le numérique, qui traduit la volonté de l’Union européenne (UE) de maîtriser ses données pour assurer sa souveraineté », pour « construire une Europe de la santé grâce au numérique ».

[4] Health Data Access Body

Partager cet article

Synthèses de presse

Fin de vie : « Les propos décomplexés faisant l’éloge de "l’aide à mourir" sont dangereux et erronés »
/ Fin de vie

Fin de vie : « Les propos décomplexés faisant l’éloge de “l’aide à mourir” sont dangereux et erronés »

Dans une tribune, un collectif de psys réagit aux propos du président de la mutuelle MGEN qui énonçait que « le ...
Ohio : mère de trois enfants, mère porteuse de huit autres
/ PMA-GPA

Ohio : mère de trois enfants, mère porteuse de huit autres

Une femme de l’Ohio a donné naissance à des bébés en 2011, 2013, 2014, 2015, 2017, 2018, 2021 et 2022 ...
Des souris dotées d’un « cerveau hybride » détectent les odeurs avec leurs neurones de rat

Des souris dotées d’un « cerveau hybride » détectent les odeurs avec leurs neurones de rat

Des chercheurs de l'Université de Columbia ont créé des souris dotées d'un « cerveau hybride - mi-souris, mi-rat » ...

Textes officiels

Fiches Pratiques

Bibliographie

Lettres