Québec : l’euthanasie en hausse de 17 %

11 Mar, 2024

En 2023, le recours à l’euthanasie a augmenté de 17 % au Québec, d’après des informations obtenues par Radio Canada auprès de la Commission sur les soins de fin de vie.

Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2023, 5 686 personnes ont eu accès à l’« aide médicale à mourir », ce qui représente 7,3 % des décès enregistrés dans la province au cours de cette période.

Au Québec, le recours à l’euthanasie est ainsi plus important que dans les autres pays où elle a été légalisée, comme la Belgique ou les Pays-Bas. Dans ces Etats, autour de 5 % des décès font suite à une euthanasie note le Dr David Lussier, gériatre à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (cf. Belgique : les euthanasies en hausse de 15% par rapport à 2022). Le nombre d’euthanasies y est toutefois également en hausse, précise-t-il (cf. Euthanasie : la pente glissante).

Rechercher les causes de cette augmentation

Sonia Bélanger, la ministre québécoise responsable des Aînés et ministre déléguée à la Santé, a décidé de financer une recherche sur les facteurs pouvant expliquer l’augmentation constante du recours à l’euthanasie au Québec.

Lors de l’adoption de la loi, il y a dix ans, le Québec prévoyait qu’une centaine de personnes environ auraient recours à l’« aide médicale à mourir » chaque année. « On avait moins anticipé les gens qui ont une souffrance psychologique, ceux qui se demandent pourquoi continuer à vivre quelques mois de plus en ayant une qualité de vie qui va en se dégradant » indique le Dr David Lussier (cf. Au Canada, un homme souffrant de dépression a été euthanasié).

Le groupe de recherche mandaté par la ministre devra également tenir compte de « la crainte que certaines personnes demandent l’aide médicale à mourir par défaut, à cause de problèmes dans les soins de santé, de la difficulté à obtenir des soins palliatifs ou par peur de se retrouver dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) » (cf. Canada : méconnaissance des soins palliatifs et euthanasie des sans-abris ?).

« Comme gériatre, la peur d’être en CHSLD, je l’entends beaucoup et donc ça m’interpelle. C’est triste » témoigne le Dr Lussier. Selon lui, les chiffres montrent un changement de mentalité face à la mort. « La mort avec souffrance ne fait plus partie du choix des Québécois. Ils veulent contrôler leur vie et leur mort de façon étonnante. C’est l’autodétermination » ajoute Michel Bureau, président de la Commission sur les soins de fin de vie (cf. « Nous sommes dans une société thanatophobe et mortifère »).

De nouveaux élargissements ?

Les critères d’accès à l’« aide médicale à mourir » ont notamment été élargis après un jugement de la Cour supérieure du Québec de 2019 (cf. Québec : une décision de justice élargit l’aide médicale à mourir). « Après cela, nous avons eu davantage de patients avec des pathologies chroniques qui amènent une détérioration progressive de leur état, comme la maladie d’Alzheimer » observe le Dr Georges L’Espérance, neurochirurgien qui pratique l’euthanasie et préside l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité.

Les prochaines discussions concerneront la possibilité d’introduire une demande anticipée, notamment pour les malades atteints de pathologies neurodégénératives (cf. Demandes « anticipées » d’euthanasie : Québec fait pression sur Ottawa). Au Québec, la loi a été adoptée, mais elle n’est pas entrée en vigueur car elle nécessite une modification du Code criminel. Cela pourrait conduire à une nouvelle augmentation des demandes d’euthanasie note le Dr Lussier.

D’autres débats s’annoncent aussi concernant la possibilité d’inclure les mineurs de 12 à 18 ans atteints de « pathologies graves » (cf. Pays-Bas : l’euthanasie autorisée pour les enfants de moins de 12 ans), et l’ouverture aux patients souffrant de problèmes de santé mentale. Le gouvernement Trudeau a reporté à 2027 ce dernier point (cf. Canada : un nouveau report du projet visant à élargir l’accès à l’AMM).

Complément du 27/03/2024 : Sonia Bélanger, ministre responsable des Aînés et ministre déléguée à la Santé, a annoncé ce mercredi un financement de 920 750 $ sur trois ans accordé à Marie-Eve Bouthillier, chercheuse à l’Université de Montréal. Ce budget vise à produire des « connaissances scientifiques sur les facteurs pouvant expliquer l’augmentation constante du recours à l’AMM ainsi que son acceptabilité sociale au Québec ». « La mise en place de ce projet est un pas de plus vers une meilleure compréhension de cette question sensible et importante qu’est l’AMM au Québec », estime la ministre.

Le recours à l’euthanasie est y en effet plus fréquent que dans le reste du Canada. Ainsi, d’après les chiffres de Statistique Canada, l’« aide médicale à mourir » a été à l’origine de 4,1% des décès enregistrés au Canada en 2022, quand ce taux était de 6,6% pour le Québec à la même période.

 

Source : Radio Canada (09/03/2024) ; La Presse (27/03/2024)

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