Demandes « anticipées » d’euthanasie : Québec fait pression sur Ottawa

8 Fév, 2024

Le Gouvernement du Québec enjoint le Gouvernement fédéral de modifier le Code criminel « pour permettre aux provinces qui le veulent d’aller de l’avant avec des processus de demande anticipée » d’euthanasie. En effet, actuellement, le Code criminel, « qui relève d’Ottawa », prévoit qu’une personne « doit pouvoir donner son consentement au moment de recevoir l’aide médicale à mourir ». Ainsi, un médecin qui procèderait à une euthanasie « malgré tout » se rendrait coupable d’une « infraction criminelle », explique le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barette (cf. « Aide médicale à mourir » : les médecins québécois rappelés à l’ordre).

Dès lors le Gouvernement Legault demande au ministre fédéral de la Santé d’inclure un amendement au projet de loi qu’il a déposé la semaine dernière afin de reporter de trois ans l’admissibilité des personnes atteintes de troubles mentaux (cf. Canada : un nouveau report du projet visant à élargir l’accès à l’AMM), pour y introduire un amendement au Code criminel qui ne concernerait que les provinces qui souhaitent autoriser les « demandes anticipées ». Une loi concernant « les soins de fin de vie » avait été adoptée en juin 2023 pour « permettre aux Québécois qui ont obtenu un diagnostic d’Alzheimer d’exiger des soins d’aide à mourir avant que leurs capacités cognitives se dégradent » (cf. Le Québec élargit encore l’accès à l’”aide médicale à mourir”). Le texte rendra également les personnes touchées par une « déficience physique grave entraînant des incapacités significatives et persistantes » admissibles à l’euthanasie.

Le Québec « prêt à aller de l’avant »

Alors qu’Ottawa a souhaité temporiser, « Québec se dit prêt à aller de l’avant d’ici l’automne ». Le Gouvernement québécois a « travaillé sur les formulaires, les programmes de formation pour les infirmières praticiennes spécialisées et les médecins », justifie-t-il (cf. Canada : une formation pour « standardiser » l’euthanasie).

Mercredi, les élus de l’Assemblée nationale ont appuyé à l’unanimité la motion de la ministre déléguée aux Aînés, Sonia Bélanger. La Commission sur les soins de fin de vie [1] a fait de même. « Le Québec est fin prêt à franchir cette étape supplémentaire en matière de soins de fin de vie », a déclaré le président de la Commission, le Dr Michel Bureau (cf. Québec : 23 euthanasies « non conformes » dans la quasi-indifférence de l’Exécutif). « A ce jour, plus d’une centaine de personnes atteintes d’un trouble neurocognitif majeur ont reçu l’aide médicale à mourir au Québec alors qu’elles étaient aptes à consentir au soin, indique-t-il. Plusieurs de ces personnes auraient souhaité se prévaloir d’une demande anticipée et ainsi jouir de la vie un peu plus longtemps. »

« Si ça ne fonctionne pas, on va regarder ce qu’on va faire », a prévenu Sonia Bélanger, indiquant qu’elle « ne leur donne[rait] pas beaucoup de temps ».

Complément du 09/02/2024 : Jeudi, l’Association du Barreau canadien a voté en faveur du maintien de son soutien à l’élargissement de l’admissibilité à l’« aide médicale à mourir » aux personnes dont le seul problème de santé est une maladie mentale. Un projet de résolution demandait le retrait de cette position.

Complément du 14/03/2024 : Le 12 mars, Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec, Catherine Claveau, Bâtonnière du Québec et Luc Mathieu, président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec ont exhorté le gouvernement fédéral à modifier « sans plus attendre » le Code criminel canadien pour que les « demandes anticipées » d’« aide médicale à mourir » soient autorisées au Québec.

 

[1] « La Commission sur les soins de fin de vie est une commission interdisciplinaire indépendante instituée par l’Assemblée nationale qui a le mandat d’examiner toute question relative aux soins de fin de vie et de surveiller l’application des exigences particulières relatives à l’aide médicale à mourir. Depuis 2015, la Commission a analysé plus de 20 000 aides médicales à mourir administrés et est en mesure de suivre l’évolution et de déceler les tendances dans le recours à l’aide médicale à mourir au Québec. »

Sources : Le Devoir, François Carabin (07/02/2024) ; Le Journal de Québec, Gabriel Côté (07/02/2024) ; Newswire (07/02/2024) ; L’actualité, Stéphanie Taylor (08/02/2024) ; La Presse Mauril Gaudreault, Catherine Claveau, et Luc Mathieu (12/03/2024) – Photo : iStock

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