« Les pratiques euthanasiques rendent moribonds les soins palliatifs »

25 Jan, 2024

Alors que le projet de loi sur la fin de vie sera bientôt présenté, Nicolas Tardy-Joubert, président de la Marche pour la vie, dénonce l’incompatibilité entre soins palliatifs et euthanasie.

Le projet de loi sera scindé en 2 parties, l’une sur les soins palliatifs, l’autre sur la fin de vie (cf. Fin de vie : Agnès Firmin Le Bodo précise les contours du projet de loi). Ce texte élude soigneusement les termes qui correspondent à la réalité des pratiques. Y sont bannis les mots de « suicide assisté » (suicide que l’on essaye de prévenir par ailleurs) ou d’« euthanasie », trop réalistes et dérangeants, pour les remplacer par «aide active à mourir », puis « aide à mourir» (cf. Euthanasie : la corruption des mots précèdera-t-elle la corruption des actes ?). Cerise sur le préprojet, on y parle en cas de raté, de « secourisme inversé », ce qui fait bondir tous les soignants, pour lesquels soigner ne peut jamais vouloir dire tuer (cf. Projet de loi sur la fin de vie : « le mépris affiché à l’égard de soignants désormais qualifiés de secouristes à l’envers »).

« Fausse compassion »

Ce projet a pour but, sous forme de fausse compassion, la « mise à mort programmée » d’un être humain (cf. Fin de vie : « à vouloir légiférer de façon (pseudo) compassionnelle », on permet une « épouvantable aberration »). Or, l’interdit de tuer est un fondement des sociétés dites « civilisées » (cf. « Nous refusons l’idée de remettre en cause l’interdit fondamental de toute société qu’est l’interdit de tuer »). Il constitue un principe intangible du droit international. Ce principe fut réaffirmé après que des médecins nazis eurent été condamnés à Nuremberg pour avoir euthanasié des personnes handicapées.

En fin de vie, la question de la souffrance est centrale et légitime. Chacun veut l’éviter à l’heure de la mort, pour soi ou ses proches. La médecine permet aujourd’hui de traiter la quasi-totalité des souffrances réfractaires, si l’on s’en donne les moyens, et pour les cas résiduels la législation actuelle permet d’accéder à la sédation profonde. Nous sommes aussi, heureusement, sortis du dilemme de l’obstination déraisonnable, dans une société parfois trop techniciste.

Le rôle d’un médecin est de soigner, et non de provoquer la mort. 800.000 soignants, 13 organisations de soins, s’opposent à ce projet de loi prévoyant la « mort sur commande » (cf. 800.000 soignants s’opposent à l’euthanasie). Accepter de légiférer sur l’euthanasie jettera un doute, créera une angoisse quand une personne vulnérable entrera à l’hôpital (cf. Fin de vie : attention au message envoyé aux personnes vulnérables ). Il doit y exister une relation de confiance entre le patient et son médecin (cf. Fin de vie : « c’est le soin qui doit d’abord s’exprimer »). Comment la maintenir si le patient s’interroge sur le possible comportement des soignants qui l’environnent : vont-ils programmer ma mort ?

L’expérience internationale, symbole de la « dé-civilisation » ?

Quelles leçons tirer de ce qui se passe à l’étranger ? En Belgique, 30 à 50 % des euthanasies ne sont pas déclarées, et le cadre initial a volé en éclats depuis longtemps (cf. L’euthanasie en Belgique, ou le véritable contre-modèle à proscrire). En Oregon, une personne sur deux demandant le suicide assisté n’est pas en fin de vie, mais y recourt pour ne plus être une charge pour ses proches. Au Canada, des personnes en situation précaire demandent une « aide active à mourir » (cf. Canada : une étude de Cambridge alerte sur l’aide médicale à mourir). Cela est considéré comme « normal » par 27 % des personnes sondées en cas de pauvreté, et par 50 % en cas de handicap. En Hollande, il est maintenant question de pouvoir accéder à l’euthanasie passé le cap des 75 ans. Est-ce de cette société dont nous rêvons ?  N’est-ce pas le symbole de la « dé-civilisation » dénoncée paradoxalement par le président de la République ?

L’expérience internationale met aussi en évidence l’incompatibilité totale entre les différentes pratiques euthanasiques et les soins palliatifs (cf. Fin de vie : « ne dévoyons pas les soins palliatifs »). Ces pratiques rendent moribonds les soins palliatifs. Il faut rétablir la vérité : face aux économies de soins ou de retraite générées par l’euthanasie, les soins palliatifs dépérissent partout (cf. « L’enjeu n’est même plus de développer les soins palliatifs. Il s’agit d’éviter leur écroulement »).

« Donnons aux soignants les moyens d’accomplir leur vocation de soins »

A la volonté de légaliser l’euthanasie et le suicide assisté, nous voulons répondre par la seule nécessité de développer des soins palliatifs, dont sont privés chaque année 70 % de nos concitoyens, soit 150 à 200.000 personnes en France, chiffre en croissance compte tenu du vieillissement de la population (cf. Soins palliatifs : la Cour des comptes présente son rapport).

Nous devons déployer les outils pour que les quatre piliers nécessaires à des soins palliatifs de qualité, déjà prévus dans la loi Leonetti de 2005, soient opérants. Ceux-ci sont l’accompagnement humain, la qualité des soins de confort, la proportionnalité des soins, la pluridisciplinarité de la prise en charge.

Dans le projet de loi à venir, les « maisons d’accompagnement non médicalisées », tendent vers une prise en charge uniquement sociale et compassionnelle. C’est, certes, un des piliers des soins palliatifs, mais comment accompagner si on ne peut pas soulager, et donner les traitements nécessaires pour permettre au patient d’être en confiance et le plus serein possible ? Le Dr Geneviève Bourgeois, porte-parole de la Marche pour la vie qui exerce en gériatrie, n’a jamais vu en 14 ans de carrière une demande d’euthanasie persister après une prise en charge pluridisciplinaire des souffrances morales et physiques. « Le rôle du médecin en soins palliatifs est de remettre sans arrêt en question sa prise en charge, de vérifier chaque symptôme quotidiennement et de réajuster les traitements en s’appuyant sur les regards différents de chaque membre de son équipe » explique-t-elle.

Donnons aux soignants les moyens d’accomplir leur vocation de soins, si bien résumée dans le serment initial d’Hippocrate. La Marche pour la vie appelle à une autre politique, solidaire avec les plus fragiles, et permettant de développer 100 % de soins palliatifs, sans aucune pratique euthanasique.

 

Cette tribune initialement publiée par Valeurs actuelles est reproduite ici avec l’accord de son auteur.

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