L’édition épigénétique, une technique moins risquée ?

Publié le 8 Nov, 2023

Dans une nouvelle étude publiée dans Stem Cell Reports [1], des chercheurs japonais ont cherché à examiner les questions éthiques et pratiques relatives à l’édition de l’épigénome.

Un risque de transmission à la descendance ?

L’édition de l’épigénome est une « technologie émergente » utilisée pour réguler la fonction des gènes en contrôlant les « états épigénétiques »[2] à des endroits spécifiques du génome. Cette méthode se distingue de l’édition génétique « traditionnelle », qui implique une modification permanente de la séquence d’ADN (cf. Editer le génome : des conséquences imprévisibles ?).

L’édition de l’épigénome fait intervenir divers mécanismes moléculaires, comme la méthylation de l’ADN, les modifications des histones, les ARN non codants, la structure de la chromatine et la liaison des facteurs de transcription. Des mécanismes dont les perturbations peuvent entraîner des troubles génétiques et des cancers.

En outre, bien que certains chercheurs affirment que cette technique présente moins de problèmes éthiques que l’édition du génome, notamment en ce qui concerne son impact sur la progéniture (cf. Des bébés génétiquement modifiés ? « Inacceptable à l’heure actuelle » pour les scientifiques), le risque de transmission transgénérationnelle a également été signalé pour les modifications épigénétiques, même si elle n’a pas été encore observée chez des mammifères [3].

La possibilité d’« effets hors cible »

Cette étude aborde deux catégories d’édition de l’épigénome : l’édition « sur site uniquement », qui a des effets temporaires « relativement faciles à arrêter », et l’édition « formant une mémoire », qui induit des changements épigénétiques persistants. Les seconds pouvant s’avérer irréversibles.

Des préoccupations existent aussi quant à de possibles « effets hors cible », qui pourraient avoir un impact durable (cf. CRISPR-Cas9 : des effets « off target » plus nombreux et difficiles à détecter). En outre, le résultat des effets épigénétiques peut être plus difficile à évaluer que les changements génétiques.

Ainsi, les auteurs de l’étude préconisent la mise en place de « réglementations strictes, similaires à celles qui régissent l’édition du génome et les thérapies géniques ».

Complément du 05/01/2024 : Alex Aravanis, ancien cadre d’Illumina et de Grail, s’est associé à Feng Zhang, scientifique du Broad Institute du MIT et de Harvard, pour fonder une nouvelle société de biotechnologie baptisée Moonwalk Biosciences. Elle a été lancée jeudi avec un financement de 57 millions de dollars.

Moonwalk rejoint plusieurs autres startups visant à modifier l’épigénome en mettant en œuvre l’édition génétique [4]. « Je considère l’épigénome comme un logiciel du génome », a déclaré Alex Aravanis, comparant « sa capacité à contrôler l’expression des gènes » aux techniques de codage des sites web et des programmes informatiques.

Pour le PDG, il existe de « nombreuses opportunités d’édition épigénétique pour le cancer, les maladies neurodégénératives, les maladies métaboliques et bien plus encore ». Co-auteur d’un article récent dans Nature [5] proposant « un atlas de la méthylation de l’ADN des cellules humaines », Alex Aravanis affirme que Moonwalk entend également étudier l’effet du vieillissement sur l’épigénome. « En convertissant les protocoles d’expression des facteurs de transcription en programmes épigénétiques plus précis, il pourrait être possible de bénéficier des avantages de la programmation ou de la reprogrammation partielle, mais avec un contrôle plus spécifique sur l’état cellulaire », affirme le scientifique (cf. Altos Labs : l’entreprise qui promet la jeunesse éternelle et attire les milliardaires ; Une start-up affirme avoir prolongé la vie de souris par reprogrammation).

[1] Mitsuru Sasaki-Honda et al, Is epigenome editing non-inheritable? Implications for ethics and the regulation of human applications, Stem Cell Reports (2023). DOI: 10.1016/j.stemcr.2023.10.003

[2] modifications chimiques du génome qui régulent l’expression des gènes

[3] L’héritage épigénétique transgénérationnel a été observé dans des organismes tels que la levure, les plantes et les nématodes

[4] Chroma Medicine ou encore Tune Therapeutics

[5] Loyfer, N., Magenheim, J., Peretz, A. et al. A DNA methylation atlas of normal human cell types. Nature 613, 355–364 (2023). https://doi.org/10.1038/s41586-022-05580-6

Sources : Medical Xpress, Kyoto university (07/11/2023) ; Biopharma Dive, Gwendolyn Wu (04/01/2024), GEN, Thomas Uduak (04/01/2024) ; Longevity technology, Danny Sullivan (04/01/2024) – Photo : iStock

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