Des chercheurs chinois ont mis au point un algorithme capable de déterminer l’origine des métastases de 5 classes de cancers (estomac, sein, ovaires, poumon, sang) alors que la tumeur d’origine était inconnue. Les résultats ont été publiés dans Nature Medicine [1].
Les chercheurs ont montré à l’algorithme 30 000 images de cellules métastasiques issues du liquide abdominal ou pleural de 21 000 patients dont l’origine de la tumeur était connue afin de l’« entraîner ». L’algorithme a appris à associer les caractéristiques morphologiques des cellules cancéreuses selon leur origine hématologique, gynécologique, digestive ou pulmonaire. Les chercheurs ont ensuite demandé à l’intelligence artificielle (IA) de trouver seule l’origine des métastases à partir de 27 000 nouvelles images. Dans 80 % des cas l’algorithme a réussi à identifier l’organe initialement touché.
Amélioration des délais de survie
Pour déterminer le bénéfice clinique de l’IA, les chercheurs ont évalué rétrospectivement l’impact sur la survie du traitement qui aurait été donné, en fonction de l’origine du cancer prédite par l’algorithme pour 391 patients traités durant les quatre années précédant l’étude. La moitié des patients dont le protocole de traitement initial était conforme avec l’origine des métastases prédite par l’IA était en vie vingt-sept mois après, contre dix-sept mois pour ceux qui avaient reçu un traitement discordant.
« Le choix d’un traitement contre le cancer (..) est normalement guidé par les caractéristiques de la tumeur initiale. Or les patients dont on ne connaît pas l’origine des métastases sont généralement traités à l’aide de chimiothérapies “à large spectre” qui ne sont pas spécifiques de leur maladie » explique le Pr Arnaud Scherpereel, pneumo-oncologue au CHU de Lille. Le bénéfice de ces chimiothérapies est inférieur à 20 %, et la survie globale des patients est en moyenne de moins d’un an lors de l’annonce du diagnostic. « A l’avenir, l’IA pourrait permettre à plus de patients de connaître le site initial du cancer et donc d’appliquer directement le traitement le plus adapté » indique Sarah Watson, chercheuse à l’Institut Curie.
Un algorithme basé sur des données cytologiques
« La nouveauté de cet algorithme est qu’il se base sur des données cytologiques, donc des prélèvements liquides de tissus malins, alors que les autres IA ont été entraînées sur des biopsies ou encore sur les données moléculaires issues du séquençage des tumeurs » souligne en outre Sarah Watson.
L’IA ne permet en revanche pas de distinguer les sous-types de tumeurs. « Les prédictions de l’IA permettent déjà d’éliminer des traitements inefficaces, par exemple en rejetant l’idée d’utiliser un traitement contre le cancer du sein alors que les métastases sont d’origines pulmonaires » note le Pr Arnaud Scherpereel. « Mais des doutes persistent sur les traitements possibles parmi les différents cancers respiratoires plus ou moins sensibles à la chimiothérapie, aux thérapies ciblées ou à l’immunothérapie » précise-t-il.
Les cancers de primitif inconnu (CPI) concernent chaque année 7 000 patients en France.
[1] Tian, F., Liu, D., Wei, N. et al. Prédiction de l’origine tumorale dans les cancers d’origine primaire inconnue grâce à l’apprentissage profond basé sur la cytologie. Nat Med (2024). https://doi.org/10.1038/s41591-024-02915-w
Source : Le Figaro, Elisa Doré (22/04/2034)