Altos Labs : l’entreprise qui promet la jeunesse éternelle et attire les milliardaires

Publié le 9 Sep, 2021

Au début de cette année, la société Altos Labs a été créée par un milliardaire d’origine russe : Yuri Milner. Son objectif : la lutte contre le vieillissement. La société s’intéresse à la reprogrammation cellulaire, « un moyen de rajeunir les cellules en laboratoire ». Selon certains scientifiques, cette technique pourrait être appliquée à « la revitalisation de corps animaux entiers, ce qui permettrait de prolonger la vie humaine ». Des instituts aux États-Unis, au Royaume-Uni ou encore au Japon sont prévus.

La société a déjà levé « au moins 270 millions de dollars ». Le milliardaire, qui doit notamment sa fortune à Facebook, n’est pas seul à avoir investi dans cette entreprise. Jeff Bezos, l’ancien PDG d’Amazon qui a quitté ses fonctions en juillet dernier, serait également de l’aventure. « Personne la plus riche du monde », sa fortune est estimée à 200 milliards de dollars.

Des ponts d’or pour des scientifiques de haut rang

Pour attirer les scientifiques, la société leur offre des salaires « dignes de stars du sport », « d’un million de dollars par an ou plus, plus des fonds propres », et leur promet qu’ils pourront poursuivre leurs recherches « sans entraves ».

Parmi les scientifiques qui auraient répondu à l’appel d’Altos Labs, on trouve Juan Carlos Izpisúa Belmonte qui a travaillé sur les chimères singes-hommes (cf. Débats éthiques autour d’embryons chimériques singe-homme), Manuel Serrano, de l’Institut de recherche en biomédecine de Barcelone, « qui a été parmi les premiers scientifiques à modifier génétiquement des souris pour produire des facteurs de Yamanaka[1] » (cf. Les premières cellules iPS in vivo aux super-pouvoirs), ou encore Steve Horvath, professeur à l’UCLA et concepteur d’une “horloge biologique” « capable de mesurer avec précision le vieillissement de l’être humain » en se basant sur les marques “épigénétiques” (cf. [TRIBUNE] Edith Heard ; L’épigénétique: le fonctionnement de nos cellules n’est pas que déterminisme). La société est dirigée par Richard Klausner, ancien directeur du National Cancer Institute.

Shinya Yamanaka, prix Nobel en 2012 pour ses recherches sur les cellules souches pluripotentes induites (cf. La découverte du professeur Yamanaka rend caduque la recherche sur l’embryon humain), présidera le conseil consultatif scientifique de la société sans être rémunéré[2].

Un long chemin avant d’espérer des résultats

En effet, Shinya Yamanaka avait montré « qu’avec l’ajout de seulement quatre protéines, maintenant connues sous le nom de facteurs de Yamanaka, les cellules peuvent être instruites pour revenir à un état primitif possédant les propriétés des cellules souches embryonnaires ». Après avoir appliqué ces facteurs à des souris vivantes en 2016 dans le but d’inverser leur vieillissement, le laboratoire d’Izpisúa Belmonte avait observé « des signes de rajeunissement » chez certaines souris. Mais d’autres ont ensuite développé des tumeurs appelées tératomes.

« Pour moi, les facteurs de Yamanaka ne sont pas réalistes pour une utilisation en clinique », précise Manuel Serrano. « Ils impliquent l’introduction de gènes, dont certains sont oncogènes. Il est difficile de faire passer cela par le filtre des organismes de réglementation. » Une technique « risquée », selon Alejandro Ocampo, qui travaillait dans le laboratoire d’Izpisúa Belmonte. « On est loin d’une thérapie humaine. »

Plusieurs entreprises sur les rangs

Altos n’est pas la première entreprise qui affiche des ambitions dans le domaine de la lutte contre le vieillissement. Larry Page, co-fondateur de Google, avait déjà annoncé le lancement de Calico Labs en 2013. Et d’autres start-ups s’intéressent à la reprogrammation cellulaire : Life Biosciences, Turn Biotechnologies, AgeX Therapeutics et Shift Bioscience. Sans résultat jusqu’à présent.

Complément du 24/01/2022 : Le lancement officiel de la société a été annoncé mercredi 19 janvier 2022.

 

[1] Des facteurs permettant de reprogrammer les cellules à leur état pluripotent.

[2] Jennifer Doudna, prix Nobel en 2020 pour les ciseaux génétiques CRISPR (cf. CRISPR : Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna récompensées par le prix Nobel de chimie), a de son côté participé à l’évaluation des projets de la Milky Way Research Foundation, la fondation qui a précédé la création d’Altos Labs.

Source : MIT Technology review, Antonio Regalado (04/09/2021) ; Trust my Science, Morgane Olès (21/01/2022) – Photo : iStock

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