Adoption internationale : un rapport pointe les « importantes dérives »

Publié le 14 Mar, 2024

Un rapport, rendu public le 13 mars et remis à Sarah El Haïry, ministre chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles, ainsi qu’à Franck Riester, ministre délégué chargé de la francophonie et des Français de l’étranger, reconnaît les « importantes dérives » qui ont accompagné l’essor de l’adoption internationale. Il recommande aux pouvoirs publics d’accompagner les personnes adoptées dans des conditions parfois illégales (cf. Adoption internationale : une enquête indépendante demandée).

Créée le 7 novembre 2022 à la demande du ministère des affaires étrangères, de la justice et des affaires sociales, la mission d’inspection interministérielle relative aux pratiques illicites dans l’adoption internationale appelle la France à « reconnaître officiellement l’existence des pratiques illicites ayant pu accompagner des adoptions internationales, les manquements qui les ont permises et les conséquences qu’elles ont eues pour les personnes adoptées ».

De nombreuses dérives

« L’adoption est devenue un marché potentiellement très lucratif, suscitant l’émergence de nombreux intermédiaires. Le versement d’importantes sommes d’argent pour faciliter les opérations, ou le recueil d’un consentement parental en réalité très peu éclairé, semblent avoir été des pratiques courantes », dénoncent les auteurs du rapport (cf. Adoption : le Sénat n’écarte pas les craintes concernant la GPA). « L’adoption a aussi donné lieu à de véritables trafics fondés sur la falsification de pièces pour rendre un enfant adoptable » ajoutent-ils. Depuis des années, ces pratiques étaient « connues, ou pour le moins suspectées par de nombreux acteurs de l’adoption internationale » comme « les ministères de l’Europe et des Affaires étrangères, les ministères en charge des adoptions et de la Justice, les organismes agréés pour l’adoption, les associations de famille adoptives et des candidats à l’adoption eux-mêmes » relève le rapport.

Les lacunes du rapport

Toutefois, il « ne circonstancie pas de faits précis et ne nomme pas non plus les responsables » regrette Marie-Christine Le Boursicot, magistrate honoraire, ajoutant que « les dysfonctionnements n’ont pas été précisément analysés ». « Malheureusement, il manque aussi un ordre de grandeur du phénomène. On a l’impression que 120.000 personnes adoptées ont été victimes, ce qui n’est pas le cas » déplore-t-elle.

De son côté, Emmanuelle Hébert, du collectif des treize organisations de personnes adoptées [1], indique que la reconnaissance est une « étape nécessaire pour [la] reconstruction » des personnes concernées, mais elle reproche l’absence d’excuses, et souhaite que les adoptions illégales soient reconnues comme un crime. « Nous avons le sentiment que la France n’a pas encore pris la mesure de l’importance de ces histoires de vies brisées » poursuit-elle. « Nous sommes démunis, isolés et sans soutien pour les recherches que nous menons dans notre pays de naissance. Seuls face aux trous de notre histoire » témoigne-t-elle, alors qu’elle a elle-même été adoptée en Inde dans les années 1970.

Un « défi majeur des années à venir »

Selon le rapport le « défi majeur des années à venir » sera d’aider ces personnes adoptées dans leurs démarches de recherche de leurs origines. Il recommande de confier cette tâche au Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP). De plus, alors que le recours au tests ADN prend « une ampleur inédite » (cf. Donneurs de sperme et tests ADN en France : scandales en perspective ?), les associations de personnes adoptées demandent une dérogation spécifique pour réaliser légalement ces tests en France. Un souhait entendu par les auteurs du rapport qui recommandent une réflexion sur cette autorisation. Enfin, le collectif des treize associations de personnes adoptées plaide pour que la France légifère « afin que les victimes puissent porter plainte, sans être exposées au délai de prescription ».

Même si aujourd’hui, des « zones à risques » existent toujours, le dispositif français de l’adoption internationale serait « solide et bien tenu » (cf. Ined : « l’adoption internationale n’est presque plus une option). En 2023, 176 enfants ont été adoptés. Ils étaient 232 en 2022 et autour de 4 000 au début des années 2000 (cf. Réforme de l’adoption : deux nouveaux décrets).

 

[1] Association Adoptecoute ; Association Des racines Naissent des Ailes ; Association Illégale Adoption Monde ; Association Racines Coréennes ; Association Racines russes ; Associations RAIF – Réseau adopté.es à l’international en France ; Association Voix d’adoptés ; Black Adoptees Identities ; Collectif des adoptés d’Haïti en France – Wozonou ; Collectif des adoptés du Rwanda ; Collectif des adoptés du Sri Lanka – Aide à la recherche des origines – Info Fraude ; Collectif des adoptés français du Mali (Collectif AFM) ; Collectif à l’intersection de l’adoption

Sources : Le Figaro, Agnès Leclair (13/03/2024) ; La Croix, Youna Rivallain (13/03/2024) – Photo : iStock

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