Des secrets de famille seront mis à jour, des dons de gamètes restés secrets, des adultères, les noms des « sérial donneurs » vont être dévoilés… La démocratisation des tests ADN en France, malgré l’interdiction, va immanquablement provoquer des scandales, comme dans les autres pays, Etats-Unis, Angleterre, Pays-Bas… Dans une tribune parue dans le quotidien Libération, Stéphane Viville professeur à la faculté de médecine de Strasbourg et responsable de l’unité fonctionnelle « génétique de l’infertilité », remet en perspective les conséquences inévitables que va provoquer le recours aux kits génétiques en ligne : « Longtemps, des gynécologues, dans leur cabinet privé, pratiquaient l’insémination de sperme à l’aide, en principe, de paillettes délivrées par les Cecos[1]. Il ne peut être exclu que certains d’entre eux aient utilisé, pour ce faire, leur propre sperme et que leur nom finisse ainsi par apparaître ».
L’association PMAnonyme a déjà identifié 12 donneurs et 52 demi-frères et demi-sœurs en seulement un an[2]. « L’année 2019 devrait ainsi se terminer avec au minimum un doublement, voire un triplement de ces résultats ». L’entreprise MyHeritage, qui inonde les réseaux sociaux de publicités et sponsorise des évènements comme l’Eurovision, vante une base de donnée de trois millions de personnes, constituée en à peine trois ans. Un score remarquable, dans un pays où les tests génétiques sont encore interdits. Cercle vertueux pour certains, vicieux pour d’autres, « plus les bases de données sont pourvues, plus les renseignements sur les origines sont détaillés, plus les informations sont pertinentes, plus elles éveillent la curiosité et donc attirent d’autres clients. Plus les bases sont abondantes, plus il est aisé de retrouver une parenté, un donneur ». La popularité de ces kits, vendus autour de 50-60 € va crescendo. « Certains seront irrémédiablement confrontés, du fait des résultats de ces tests, à des révélations », c’est pourquoi « il est important d’anticiper (…) les scandales à venir », insiste Stéphane Viville. « Ces recherches de géniteurs vont inévitablement (…) permettre d’identifier des ‘serial’ donneurs » et cela « pourrait être à l’origine des plus gros scandales futurs ».
« Une [autre] source de scandales possibles, ajoute le professeur, est liée non plus au fait d’identifier le donneur, mais à l’intrusion dans sa vie privée et familiale, conséquence de la révélation de son don auprès de son entourage. » Et comment concilier le besoin des enfants d’avoir accès à leurs origines avec le respect de la vie privée auquel tous ces donneurs aspirent ?
Pour aller plus loin :
Déjà père de 38 enfants, il continue à distribuer ses échantillons de sperme
Un test ADN révèle à une jeune femme que son père biologique est le médecin qui a inséminé sa mère
[1] CECOS : centres d’études et de conservation des œufs et du sperme.
[2] Cf. Né d’un don de sperme, il retrouve son géniteur par généalogie génétique
Libération, Stéphane Viville (08/04/2019)