Adoption : le Sénat n’écarte pas les craintes concernant la GPA

Publié le 21 Oct, 2021

Dans la nuit du mercredi 20 au jeudi 21 octobre, la proposition de loi Limon visant à « faciliter et sécuriser l’adoption » a été adoptée par les sénateurs, après avoir été « sérieusement toilettée ».

La mesure phare de cette proposition de loi est l’ouverture de l’adoption aux couples non mariés : « les adoptants doivent être en mesure d’apporter la preuve d’une communauté de vie d’au moins un an ou être âgés l’un et l’autre de plus de vingt-six ans » (article 2 de la PPL). Un texte décevant pour Muriel Jourda, sénatrice du Morbihan, qui estime que « la vraie solution est ailleurs »[1].

Un cheval de Troie pour la GPA

Cette perspective est « un véritable cheval de Troie pour la GPA », avait dénoncé la Manif pour tous dans son communiqué[2], considérant que « l’adoption sans condition permettrait au conjoint ou à la conjointe du père biologique d’un enfant né de GPA à l’étranger d’être reconnu lui aussi comme le parent de l’enfant. Le législateur organiserait donc le détournement de l’adoption et, levant un frein majeur au recours à la GPA, faciliterait sa pratique, c’est-à-dire l’exploitation de femmes et le trafic d’enfants ».

Le mariage, la forme la plus stable pour l’enfant adopté

La députée Monique Limon à l’origine de la proposition de loi estime que le mariage « n’est pas une garantie de stabilité » pour les enfants mais propose in fine qu’un orphelin puisse être adopté par un couple qui n’a pris aucun engagement d’avenir commun. Pourtant, si le mariage n’est pas un gage certain de stabilité, les statistiques montrent que cette forme d’union est de loin la plus stable par rapport au PACS, lequel est plus stable que la situation de concubinage. En outre, au contraire du mariage, le contrat de PACS pas plus que le concubinage ne prévoient quoi que ce soit pour les enfants si le couple se sépare. Or le rôle du législateur est d’assurer la situation la plus sécurisante possible pour l’enfant adoptable.

Dans une précédente interview[3], Muriel Jourda rappelait que « l’adoption consiste à donner une famille à un enfant et non l’inverse ».

Des mesures écartées par le Sénat…

Contrairement à l’engagement pris par le gouvernement lors des discussions sur la loi de bioéthique, les sénateurs ont écarté une mesure transitoire qui devait permettre à la femme n’ayant pas accouché dans un couple de femmes ayant eu recours à une PMA à l’étranger et séparées depuis, d’adopter l’enfant malgré l’opposition de la mère.

La mesure visant à limiter l’activité des organismes autorisés pour l’adoption (OAA), des organismes privés qui servent d’intermédiaires pour l’adoption ou le placement en vue d’adoption de mineurs de moins quinze ans, a de même été levée. « L’expérience montre que tous les enfants confiés à des OAA ont un projet de vie puisque que les parents les confient à ces organismes seulement en vue de leur adoption, explique l’association Juristes pour l’enfance[4]. Tous trouvent une famille, y compris les enfants handicapés. La question d’une protection juridique durable en cas de non-adoption ne se pose donc jamais puisque 100% sont adoptés ».

Les changements de composition des conseils de famille[5], qui doivent se prononcer notamment sur le choix des adoptants, ont de même été rejetés.

Enfin, deux mesures, l’introduction d’un écart d’âge maximal de 50 ans entre l’adoptant et l’adopté et l’obligation pour les candidats à l’adoption de suivre une préparation préalable à la délivrance de l’agrément ont quant à elles été validées par les sénateurs. Les couples adoptants devront avoir deux ans de vie commune minimum pour adopter.

La menace d’un contournement de la loi interdisant la GPA pour une régulation en catimini n’a pas été écartée pour une loi à l’urgence discutable. Si 3248 pupilles de l’Etat sont adoptables, seules 706 l’ont été en 2019, auxquelles il faut ajouter « 421 enfants adoptés à l’étranger » alors que 10000 agréments sont en cours de validité.

 

[1] AFP, 21/10/2021.

[2] Proposition de loi Limon sur l’adoption : cheval de Troie pour la GPA

[3] Le Figaro, Agnès Leclair, GPA : la loi sur l’adoption soulève de nouvelles craintes, 12/10/2021.

[4] Réforme de l’adoption au Sénat : rétablissement des OAA! ; Proposition de loi sur l’adoption : vers « la suppression de garanties essentielles pour les enfants »

[5] Le conseil de famille est un organe chargé de la tutelle des pupilles de l’Etat avec le représentant de l’Etat dans le département qui possède seul la qualité de tuteur. Le conseil comprend en tout huit membres, soit : deux conseillers généraux désignés sur proposition du président du conseil général ; un membre de l’association d’entraide des pupilles et anciens pupilles du département ; deux membres d’associations familiales, dont une association de familles adoptives ; un membre d’une association d’assistantes maternelles ; deux personnalités qualifiées en matière de protection de l’enfance et de la famille.

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