ABM : Marine Jeantet auditionnée par le Parlement

Publié le 11 Jan, 2023

Depuis le 12 août 2022, la direction de l’Agence de la biomédecine est vacante. Emmanuelle Cortot-Boucher n’a pas sollicité un renouvellement de son mandat. Candidate à sa succession, Marine Jeantet, médecin de formation, spécialisée en santé publique, était auditionnée par les Commissions des affaires sociales des deux chambres ce mercredi.

Un « cadre clair »

Pour Marine Jeantet, nous sommes à un point de départ. La dernière révision de la loi de bioéthique a été votée il y a peu, souligne-t-elle, « permettant de nombreuses avancées » et « beaucoup de clarifications ». « L’heure est vraiment à la mise en œuvre de cette loi », insiste la candidate (cf. [Infographie] : ce que contient la loi de bioéthique 2021).

Au début de l’année dernière, le ministère de la santé a annoncé la révision des trois plans ministériels qui concernent les activités de l’agence (cf. PMA : Un plan d’actions ministériel pour répondre à la demande). De plus, le nouveau « contrat objectifs et performances » est finalisé et sera bientôt signé par le ministre, annonce Marine Jeantet. « Le cadre opérationnel » et le « cadre stratégique » sont bien définis.

Le don d’organes, toujours une priorité de l’agence

En matière de greffe, un « gros travail » est à faire suite à la baisse importante observée pendant la crise du Covid-19, explique Marine Jeantet, arborant un ruban vert épinglé à la poitrine, signe de promotion du don d’organes. Le taux de refus avait beaucoup augmenté (cf. Dons d’organes en France : l’opposition augmente, les prélèvements Maastricht III aussi) et les chiffres n’ont pas retrouvé les niveaux de 2019.

Globalement, le précédent plan greffe n’avait pas atteint ses objectifs, fait remarquer le médecin, bien que certains aient été dépassés comme ceux relatifs aux prélèvements dans le cadre du protocole Maastricht III. Le nouveau plan est doté d’un financement. C’est la première fois. Ce qui va permettre de « revaloriser l’activité de prélèvement » se réjouit Marine Jeantet.

En 2022, la tendance est « positive ». La future directrice de l’ABM annonce une conférence de presse début février. Mais il nécessaire de développer la communication, estime-t-elle, notamment sur le don vivant et le don croisé en particulier, autorisé par la dernière loi de bioéthique (cf. Greffe : Un décret précise les modalités du don croisé d’organes). Un travail de « marketing social » à faire, insiste-t-elle, notamment auprès des jeunes. Elle évoque le rôle possible des réseaux sociaux et des « influenceurs ».

La « PMA pour toutes » concentre l’attention

La PMA est un « secteur sous très forte tension » suite au vote de la loi de bioéthique, avec sa « principale mesure », la « PMA pour toutes ». Aussi les parlementaires interrogent longuement Marine Jeantet sur le sujet.

Les délais se sont allongés, alors qu’ils devaient être réduits. Augmentation structurelle ou conjoncturelle avec une espèce d’« effet de rattrapage » ? La question est pour le moment sans réponse. L’objectif affiché est l’« autosuffisance » en matière de dons de gamètes. Objectif atteint pour les dons de spermatozoïdes, affirme Marine Jeantet. Le stock de paillettes peut « répondre à toutes les attentes ». « 60% demandes correspondent à ces nouveaux publics », en particulier des femmes seules, indique Marine Jeantet. Les donneurs sont deux fois plus nombreux qu’en 2019 : on en recense « plus de 600 ». Le délai moyen est de 14 mois pour une PMA avec don de spermatozoïdes. Il est de 22 mois en cas de don d’ovocyte. Des délais « stabilisés », affirme le médecin.

Interrogée sur les centres privés, interdits en France, Marine Jeantet indique que, « pour l’instant », aucun changement n’est prévu. Une dérogation a toutefois été autorisée par la loi, indique-t-elle.

En raison de ces délais, des femmes ont recours à la PMA à l’étranger. Une activité dont le « suivi précis » est effectué par la Caisse de Vannes. Car ces PMA sont aussi prises en charge par la sécurité sociale, si elles restent dans le cadre légal.

De façon plus inattendue, le sénateur Bernard Jomier, membre du Conseil d’orientation de l’ABM, fait part de remontées de médecins confrontés à des demandes émanant de femmes parfois « très jeunes ». Car la loi a fixé un âge maximal de recours à la PMA, pas d’âge minimal. Une « situation impossible pour les équipes », affirme-t-il. Marine Jeantet ajoute les interrogations des praticiens face au fait d’être confrontés à des personnes qui ne sont pas malades. « Un changement de paradigme assez fort par rapport à leur activité de soin », relève-t-elle. Elle envisage le lancement de groupes de travail pour éventuellement préparer des changements législatifs ou règlementaires à partir de données quantifiées.

De son côté, Didier Martin, député Renaissance et référent pour l’ABM, rappelle les risques de pression sur les femmes, pression pour « privilégier leur carrière », évoqués par certains parlementaires lors des débats de la loi de bioéthique. L’autoconservation des ovocytes sans motif médical a en effet été autorisée. Sans le confirmer explicitement, Marine Jeantet fait part de l’« explosion des demandes » en la matière. Les délais sont de 5 mois en moyenne, 13 mois en Ile de France.

Les autres thèmes délaissés

Les autres thèmes ne seront que brièvement évoqués.

Marine Jeantet se dit « très attentive à soutenir l’activité des consultations de génétique », afin de fournir une « information neutre et rigoureuse du public » sur les tests disponibles à la vente sur internet. La recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires « mobiliseront toute mon attention », ajoute-t-elle par ailleurs. Des activités sur lesquelles l’agence a une mission de « suivi et de vigilance ».

Interrogée quant à l’impact de la loi de bioéthique sur les « multiples contentieux » qui constituent un « frein » à la recherche, la prochaine directrice de l’agence indique seulement que l’activité continue. Des PHRC[1] font encore l’objet de contentieux (cf. DPI-A : le comité d’éthique de l’Inserm contourne le législateur), bien que le vote de la loi de bioéthique ait visé à les éviter.

Sur la recherche, l’ABM est un « fer de lance au niveau européen et international », affirme Marine Jeantet. Un travail est en cours pour que l’agence de la biomédecine devienne un « centre labellisé OMS », pour « valoriser son savoir-faire et former d’autres équipes à l’étranger ». Avec comme ambition d’« harmoniser » les pratiques, en dépit de « logiques éthiques très différentes ».

Marine Jeantet mentionnera également un rapport en cours de rédaction sur la « nouvelle compétence » de l’agence en matière de neuroscience.

Sans faux-semblant, les parlementaires lui souhaiteront beaucoup de succès dans ses nouvelles missions. Votre nomination est « quasi acquise », glisse Catherine Deroche présidente de la Commission des affaires sociales du Sénat.

Comme elle l’affirme elle-même Marine Jeantet s’inscrit dans la ligne des précédentes directrices de l’Agence.

 

[1] Programme hospitalier de recherche clinique

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