PMA : Un plan d’actions ministériel pour répondre à la demande

Publié le 18 Mar, 2022

Le 16 mars, l’Agence de la biomédecine a publié avec le Ministère des solidarités et de la santé un « Plan ministériel pour la Procréation l’embryologie et la génétique humaines » (PGEh) pour la période 2022-2026.

Ce troisième plan ministériel a été élaboré « à partir des éléments recueillis dans le cadre d’une large concertation organisée, les 7 et 8 juillet 2021, par l’Agence de la biomédecine, avec l’ensemble des parties prenantes (professionnels de santé, représentants des usagers, partenaires institutionnels) ». Le résultat : cinq axes [1] déclinés en objectifs et actions, avec comme objet de « garantir, dans ce domaine, un accès équitable à une offre de soins de qualité, à l’aune des mutations médicales, scientifiques et sociétales ». L’« offre de soins » devra en effet répondre désormais à des demandes en dehors de toute indication médicale.

La priorité : répondre à la demande

Alors que la demande est bien supérieure à ce qu’avait anticipé l’exécutif en légitimant les candidatures à la procréation médicalement assistée (PMA) émanant de deux femmes ou de femmes seules (cf. L’ABM publie les chiffres de la « PMA pour toutes » pour 2021), le plan ministériel se dit particulièrement soucieux concernant « l’offre de soins ».

De nouveaux « parcours de soins » doivent être mis en place suite à la loi de bioéthique de 2021. Egalement en ce qui concerne l’autoconservation des gamètes sans indication médicale.

Le plan indique une « vigilance particulière », afin de « réduire les délais d’attente d’accès aux parcours de soins de qualité en AMP [2]», « rendre opérationnel le registre permettant l’accès aux origines dans le cadre de l’AMP avec tiers donneur », « tendre vers l’autosuffisance nationale des dons de gamètes ». Face à la demande, déjà, des voix commencent à s’élever pour réclamer l’ouverture du dispositif aux centres privés lucratifs. Le marché est prêt.

Un nouveau régime à mettre en place

Car l’offre pourrait bien être affectée par le nouveau régime relatif aux donneurs de gamètes. Ceux-ci devront nécessairement accepter de divulguer des informations les concernant. Informations qui seront transmises à la personne née de ce don de gamètes, si elle le demande.

En conséquence, les « stocks » déjà constitués devront être détruits. Le plan prévoit parmi ses actions d’« assurer le suivi des stocks de gamètes et proposer une date pour la fin de la conservation des gamètes et des embryons donnés sous l’empire de l’ancien régime juridique, en application du C du VI de l’article 5 de la loi du 2 août 2021 ». Une gestion logistique appliquée à des vies en suspens (cf. Une vie suspendue).

Pour éviter la « pénurie », une des actions est de « promouvoir l’activité de don de gamètes et d’embryons en renforçant les conditions d’accueil des donneurs et des donneuses, en vue de garantir l’autosuffisance nationale ». Mais le plan ne dit pas ce qui se passera si l’offre ne suffit pas. Se tournera-t-on vers les banques étrangères (cf. Une étude estime le marché mondial du sperme humain à près de 5 milliards de dollars) ?

Indicateurs de suivi et « bonnes pratiques »

Le deuxième axe du plan est dédié au développement de « la qualité des soins et de la sécurité sanitaire dans les domaines de la PEGh ».

Parmi les indicateurs à suivre et les « bonnes pratiques » à définir, dépistage prénatal et diagnostic préimplantatoire figurent en bonne place (cf. Dépistage prénatal ? Toujours plus). « Bonnes pratiques » ou garantie du produit fini ? Les « délais d’attente » devront être évalués « pour proposer des adaptations de l’offre en matière de diagnostic préimplantatoire ». Par ailleurs, une action vise à « proposer des recommandations de bonnes pratiques en matière d’information et de recueil du consentement de la femme enceinte dans le champ du diagnostic prénatal utilisant l’ADN fœtal libre circulant [3] » (cf. Dépistage prénatal non-invasif : un consentement réel des femmes ?).

Des « bonnes pratiques » qui se veulent à la pointe. En effet, « dans le champ des diagnostics et de la génétique, l’offre de soins prendra en compte les évolutions technologiques avec le séquençage génomique à très haut débit », peut-on lire dans le plan (cf. Le mosaïcisme dévoile les failles du diagnostic préimplantatoire). L’objectif n°13 est de « suivre le développement des nouvelles techniques, de leur réglementation et anticiper les questions éthiques et économiques qu’elles posent ».

Une politique en matière de risques qui interroge

Passage obligé ? Le plan ministériel évoque le suivi des risques. « Certains risques en AMP nécessitent de définir les outils d’évaluation avec les indicateurs appropriés permettant de réaliser et répéter dans le temps les évaluations. » Des risques qui concernent les donneuses d’ovocytes, les femmes ayant recours à la PMA et les enfants qui sont conçus par ce moyen. Des risques bien identifiés dans la littérature scientifique (cf. PMA : risque médical et technique), bien peu présents dans la communication de l’ABM (cf. PMA : l’ABM en campagne).

Autre « risque » que l’Agence a pour ambition de réduire : « la survenue des erreurs d’attribution et des incidents relatifs à la cryoconservation des gamètes, embryons et tissus germinaux ». Un risque qui pourrait comprendre un volet juridique (cf. Californie : Un couple porte plainte après un échange d’embryons issus d’une PMA).

Enfin, le plan ministériel envisage de « mettre en place des outils permettant une gestion plus aisée des alertes sanitaires en développant une carte interactive du monde permettant de localiser les pays à risque et les pathogènes concernés ». Considérerait-on le recours à des donneurs étrangers ?

Le plan rappelle qu’« en 2021, le processus de révision de la directive européenne sur les tissus et les cellules (2004/33) a été enclenché. Une proposition d’un nouveau texte de la directive est envisagée fin 2021 pour une discussion en 2022, sous la présidence française de l’Union Européenne ». Il veut y contribuer.

Des ambitions en matière de communication

Pour répondre à la demande, il faut recruter et convaincre. Le plan ministériel dédie un axe complet à la communication. Il y est question notamment de « susciter le recrutement d’un très grand nombre de candidats/candidates au don de gamètes », de « poursuivre l’accompagnement des professionnels de santé pour en faire des leaders d’opinion auprès du public, des médias et de leurs pairs », ou encore d’« accompagner les journalistes dans la préparation de leurs reportages TV/radio et/ou articles (données chiffrées, interviews d’experts) et solliciter les media pour relayer et décrypter les nouvelles évolutions de la loi de bioéthique en matière d’AMP ainsi que les dispositions légales et médicales liées à la génétique et aux diagnostics ».

Amandine, le premier « bébé-éprouvette », est née il y a 40 ans. « C’était un événement, car c’est tout de même une transgression par rapport à ce que le monde avait connu, reconnaît René Frydman, l’un des « pères scientifiques » d’Amandine avec le biologiste Jacques Testart. Un enfant, un embryon était conçu à l’extérieur du corps de la femme. Cet embryon jusqu’à là invisible et intouchable, est devenu visible et manipulable »[4]. Et « force est de constater que ce qui n’était qu’un bricolage de laboratoire a vite ouvert des champs infinis aux nouveaux biologistes dits “moléculaires” et que la société s’est démontrée incapable de contenir la puissance prométhéenne des chercheurs autant que les ambitions mercantiles des industriels ou les exigences de certaines minorités », déplore Jacques Testart (cf. 40 ans du 1er bébé éprouvette : entre “puissance prométhéenne des chercheurs”,”ambitions mercantiles des industriels” et “exigences de certaines minorités”).

 

[1] • Axe 1 Promouvoir une offre de soins équitable dans les domaines de la PEGh
• Axe 2 : Développer la qualité des soins et la sécurité sanitaire dans les domaines de la PEGh
• Axe 3 : Suivre les activités et les résultats et développer les actions d’évaluation
• Axe 4 : Assurer la veille médicale et scientifique afin d’anticiper et participer aux transitions
technologiques
• Axe 5 : Communiquer sur l’offre de soins dans les domaines de la PEGh

[2] Assistance médicale à la procréation

[3] Egalement appelé dépistage prénatal non-invasif (DPNI), il vise à dépister en particulier une éventuelle trisomie chez l’embryon

[4] France Info, “Amandine c’est l’enfant qui est venue après la 25e ou 26e tentative”, témoigne le professeur Frydman (24/02/2022)

Photo : iStock

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