Un premier implant Neuralink chez l’homme, le « spectre d’un nouvel esclavage » ?

Publié le 30 Jan, 2024

Hier, Elon Musk a annoncé que l’implant cérébral développé par la société Neuralink a été posé sur un premier patient dimanche. L’entreprise avait obtenu le feu vert de la FDA au mois de mai (cf. Neuralink : feu vert de la FDA pour des essais sur l’homme). « Les premiers résultats montrent une activité neuronale prometteuse », assure l’entrepreneur sur X.

Des ambitions affichées

D’autres entreprises ont déjà implanté de tels implants chez l’homme (cf. Implants cérébraux : l’intérêt, et les craintes, de l’Académie de médecine). Ainsi, Onward a indiqué en septembre dernier tester « le couplage d’un implant cérébral à un autre stimulant la moelle épinière, dans le but de permettre à un patient tétraplégique de retrouver de la mobilité » (cf. Interface cerveau-machine : le haut du corps maintenant). De leur côté, les chercheurs de Clinatec, un institut de Grenoble, avaient présenté en 2019 « un implant permettant, une fois posé, à une personne tétraplégique d’animer un exosquelette et de remuer les bras ou de se déplacer ».

L’entreprise californienne a levé 323 millions de dollars pour faire face à ses ambitions : « faire remarcher les patients paralysés, mais aussi rendre la vue aux aveugles et même guérir des maladies psychiatriques comme la dépression » (cf. Patrick Hetzel : « Les neurotechnologies doivent, d’abord et avant tout, servir à guérir et à réparer »). Pour Elon Musk, son implant est destiné à tous, « afin de permettre de mieux communiquer avec les ordinateurs et de contenir le “risque pour notre civilisation” que fait peser l’intelligence artificielle » (cf. Intelligence artificielle : « Des risques majeurs pour l’humanité »).

« Comment rester pleinement humain ? »

A l’occasion de la 58e Journée mondiale des communications sociales, le Pape François interroge : « quel sera l’avenir de cette espèce que nous appelons homo sapiens à l’ère des intelligences artificielles ? Comment rester pleinement humain et orienter dans le bon sens la mutation culturelle en cours ? » Rejetant « des lectures catastrophistes et leurs effets paralysants », il estime que « dans cette époque qui risque d’être riche en technique et pauvre en humanité, notre réflexion ne peut partir que du cœur de l’homme ».

« L’utilisation même du mot “intelligence” est trompeuse », souligne le Saint Père. Car « les machines possèdent certes une capacité incommensurablement plus grande que l’homme à mémoriser les données et à les relier entre elles, mais c’est à l’homme et à lui seul qu’il revient d’en décrypter le sens. Il ne s’agit donc pas d’exiger que les machines semblent humaines, pointe-t-il. Il s’agit plutôt de réveiller l’homme de l’hypnose dans laquelle il tombe du fait de son délire de toute-puissance, se croyant un sujet totalement autonome et autoréférentiel » (cf. François-Xavier Bellamy : « Le transhumanisme est d’abord une détestation de l’humain »).

Le risque de réduire « les personnes à des données, la pensée à un schéma »

« En réalité, l’homme a toujours fait l’expérience qu’il ne se suffit pas à lui-même et il tente de surmonter sa vulnérabilité par tous les moyens », analyse le Pape François, renouvelant son appel à ce que « la Communauté des nations travaill[e] ensemble afin d’adopter un traité international contraignant qui réglemente le développement et l’utilisation de l’intelligence artificielle sous ses multiples formes » (cf. IA : le Pape appelle à orienter les nouvelles technologies vers « la recherche du bien commun »). « Cependant, comme dans tous les domaines humains, la réglementation ne suffit pas », prévient le Souverain pontife.

« De grandes possibilités de bien s’accompagnent du risque que tout se transforme en un calcul abstrait, réduisant les personnes à des données, la pensée à un schéma, l’expérience à un cas, le bien au profit, et surtout que nous finissions par nier l’unicité de chaque personne et de son histoire, en dissolvant le caractère concret de la réalité dans une série de données statistiques », alerte-t-il.

« Le spectre d’un nouvel esclavage »

L’intelligence artificielle finira-t-elle « par créer de nouvelles castes basées sur la maîtrise de l’information, créant de nouvelles formes d’exploitation et d’inégalité », ou, au contraire, apportera-t-elle « plus d’égalité, en promouvant une information correcte et une plus grande conscience du changement d’époque que nous vivons, en favorisant l’écoute des besoins multiples des personnes et des peuples, dans un système d’information articulé et pluraliste » ? « D’un côté se profile le spectre d’un nouvel esclavage, de l’autre une conquête de liberté ; d’un côté la possibilité que quelques-uns conditionnent la pensée de tous, de l’autre la possibilité que tous participent à l’élaboration de la pensée », insiste le Pape.

« La réponse n’est pas écrite, elle dépend de nous », interpelle-t-il. « C’est à l’homme de décider s’il veut devenir la nourriture des algorithmes ou nourrir son cœur de liberté, sans laquelle on ne grandit pas en sagesse ».

Complément du 09/02/2024 : Le manque d’informations détaillées suscite des « frustrations » chez les scientifiques. En dehors du tweet d’Elon Musk, il n’y a eu aucune confirmation du début de l’essai. La principale source d’information publique sur l’essai est une brochure invitant les gens à y participer. Mais « cette brochure manque de détails », comme le lieu des implantations et les résultats exacts que l’essai évaluera, explique Tim Denison, neuroingénieur à l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni.

En outre, l’essai n’est pas enregistré sur ClinicalTrials.gov, une base de données en ligne gérée par les National Institutes of Health des Etats-Unis.

La brochure de l’étude Neuralink indique que les volontaires seront suivis pendant cinq ans. Elle précise également que l’essai évaluera la fonctionnalité du dispositif, les volontaires devant l’utiliser au moins deux fois par semaine pour contrôler un ordinateur et donner leur avis sur l’expérience.

 

Sources : Le Figaro avec AFP (30/01/2024) ; Vatican (24/01/2024) ; Nature, Liam Drew (02/02/2024) – Photo : iStock

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