Maladie de Charcot : combiner « la technicité et l’humanité» au lieu de légaliser l’euthanasie

15 Déc, 2023

Pierre-François Pradat, neurologue à l’hôpital de la Salpêtrière, coprésident du comité scientifique de l’Association pour la Recherche sur la SLA (ARSla) et président de l’Institut pour la Recherche sur la Moelle Épinière et l’Encéphale (IRME), s’inquiète, dans une tribune publiée par le Figaro, du risque de voir l’euthanasie concerner les personnes atteintes de la maladie de Charcot alors qu’il existe des méthodes innovantes de prise en charge.

« Peut-on réduire une personne à sa pathologie ? »

Les personnes porteuses d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA), ou maladie de Charcot, sont souvent utilisées afin de « plaider » en faveur de l’« aide active à mourir » et de justifier sa légalisation. Pourtant, « peut-on réduire une personne à sa pathologie ? » s’insurge le neurologue.

« La représentation de la SLA comme une maladie synonyme d'”enfermement dans son corps” est réductrice, ignorant la variabilité de l’évolution de la maladie, singulière pour chaque patient » dénonce-t-il (cf. « Pleinement vivant » malgré un « corps qui me bloque »). « Cette perception, souvent associée à l’idée choquante de “perte de dignité”, est le syndrome d’une société obsédée par la performance immédiate, confondant celle-ci avec la dignité humaine » poursuit-il (cf. La dignité est « inconditionnelle »). « Elle ne tient pas compte non plus de la manière remarquable dont les personnes peuvent s’adapter à la perte de fonction motrice, pouvant même y trouver une inspiration » (cf. « A l’approche de la mort, on peut apprendre à vivre »).

Des technologies innovantes et déjà disponibles

Ces clichés occultent par ailleurs l’espoir légitime apporté par « les progrès réels des technologies médicales que nous, en tant que praticiens, expérimentons chaque jour » explique Pierre-François Pradat.

Les dispositifs de commande par les mouvements oculaires, les exosquelettes (cf. Un patient tétraplégique parvient à remarcher grâce à un exosquelette connecté à son cerveau ) ou encore les interfaces cerveau-machine (cf. Interface cerveau-machine : le haut du corps maintenant) ouvrent des perspectives prometteuses, et redéfinissent le handicap. Ces développements prometteurs devraient concentrer toute notre énergie pour pouvoir être accessibles à tous, estime le médecin.

« Légiférer maintenant reviendrait à fixer des normes basées sur une compréhension limitée de ce qui est médicalement et technologiquement possible » alerte le neurologue. De plus, « si l’euthanasie est légalisée, il n’existera pas assez de personnels formés et de structures pour informer les patients sur ces méthodes innovantes et déjà disponibles, si toutefois nous nous en donnons les moyens » prévient-il.

Une assistance matérielle difficile à obtenir

A l’heure actuelle, l’accompagnement technique de base des patients atteints de SLA est souvent défaillant. « Les maux s’accumulent et ne semblent pas être la priorité de notre système de santé » s’insurge le neurologue. Il est ainsi souvent très difficile d’obtenir des fauteuils roulants électriques ou même des dispositifs d’assistance à la parole (cf. Sans logement adapté, une femme handicapée demande l’« aide médicale à mourir »). Leurs coûts sont prohibitifs pour les patients et les délais « irréalistes vu l’état de santé des personnes ».

« Quelle serait la valeur du consentement prétendument éclairé d’un patient non informé de ces approches, et dans l’incapacité d’obtenir une assistance matérielle minimale ? » interpelle Pierre-François Pradat. « Serait-il normal d’obtenir une réponse plus rapide à une demande d’euthanasie qu’à une demande pour obtenir un fauteuil roulant électrique ? » poursuit-il. « Légaliser l’euthanasie maintenant, alors que l’égalité d’accès n’est pas garantie pour les besoins de base pourrait transformer cette option en une proposition influencée par des facteurs économiques et technologiques, ce qui serait inacceptable » alerte-t-il.

Ne pas se précipiter

« L’innovation doit s’intégrer dans une approche combinant la technicité et l’humanité » considère Pierre-François Pradat. Le « véritable progrès » résidera dans le développement des soins palliatifs (cf. Soins palliatifs : la promesse d’« une petite révolution », mais pas de moyens), parallèlement au développement et à la mise à disposition des avancées technologiques.

Les progrès de la médecine et de la technologie n’étant pas « linéaires », « notre responsabilité est de ne pas nous précipiter dans des décisions législatives qui pourraient être en contradiction avec les possibilités offertes par le présent et par l’avenir » explique-t-il. « La législation sur des questions aussi fondamentales que la vie et la mort doit être suffisamment flexible pour s’adapter à un avenir en constante évolution » ajoute-t-il.

 

Source : Le Figaro, Pierre-François Pradat (12/12/2023)

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