Espace européen des données de santé : les instances européennes signent un accord provisoire

Publié le 18 Mar, 2024

Le 15 mars, un accord provisoire concernant la création de l’espace européen des données de santé (EHDS) a été conclu entre le Parlement européen et le Conseil. Il a pour but de favoriser l’accès aux données de santé et leur échange. Selon l’eurodéputé conservateur et co-rapporteur de l’accord, Tomislav Sokol, « il s’agit de la législation la plus importante en matière de santé adoptée au cours de ce mandat »[1].

« L’usage secondaire » des données autorisé

L’accord permettra aux patients d’accéder de façon numérique à leurs données de santé, comme les ordonnances, les imageries et les résultats de laboratoire, dans les différents pays européens. Les professionnels de la santé auront également accès aux données de leurs patients, mais cet accès sera limité aux informations nécessaires au traitement.

Un « format européen » permettant l’échange des dossiers médicaux électroniques sera créé pour cela. Des règles relatives à la qualité des données, à la sécurité et à l’interopérabilité des systèmes de dossiers médicaux électroniques seront en outre établies. Elles feront l’objet d’un suivi par les autorités nationales qui pourront infliger des amendes en cas de violation. En revanche, la localisation et le stockage stricts des données au sein de l’UE ne font pas partie des points retenus par l’accord (cf. La CNIL autorise le stockage de données de santé chez Microsoft)

Les données de santé agrégées et anonymisées, ou pseudonymisées, pourront par ailleurs être également utilisées pour un « usage secondaire » à « des fins d’intérêt général », comme « la recherche, l’innovation, l’élaboration des politiques, l’éducation et la sécurité des patients ». Le partage de ces données sera en revanche interdit pour la publicité ou les évaluations réalisées par les assurances, comme pour les décisions relatives à l’emploi, à l’obtention de prêt ou à d’autres types de profilage.

Possibilité de s’opposer à l’utilisation des données

Les patients pourront contrôler la façon dont leurs données seront utilisées et rendues accessibles. Ils devront être informés à chaque consultation de leurs données, auront le droit de les consulter, et de les corriger si elles sont erronées. Les patients pourront également refuser que les professionnels de santé accèdent à leurs données, excepté si elles sont nécessaires pour protéger des « intérêts vitaux ».

Les eurodéputés ont en outre obtenu que les patients puissent refuser à tout moment « l’usage secondaire » de leurs données, sauf si les consultations ont lieu à « des fins d’intérêt général », comme l’élaboration de politiques ou de statistiques notamment. Une « ligne rouge » à ne pas franchir, mais qui n’avait été prévue ni par la Commission (cf. Un cadre pour un espace européen des données de santé), ni par le Conseil. Mais en est-ce vraiment une ?

L’accord autorise par ailleurs les Etats à mettre en place des mesures plus strictes concernant l’accès à certains types de données sensibles, comme les données génétiques, à des fins de recherche (cf. CNIL : « contrairement à un mot de passe, il n’est pas possible de changer son ADN »).

« Un espace européen des données de santé, mais pas à n’importe quel prix »

« Les patients et les citoyens attendent un espace européen des données de santé, mais pas à n’importe quel prix » souligne la députée luxembourgeoise Tilly Metz, rapporteur sur le dossier pour les Verts [2]. « Il est vraiment dommage que les institutions européennes n’aient pas accordé plus d’attention aux souhaits des patients de garder le contrôle de leurs données » regrette quant à elle Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC). Cela « aura un impact sérieux sur leur confiance dans le système EHDS » prévient-elle. L’organisation reconnait cependant que l’accord constitue « un pas en avant pour améliorer les soins de santé ».

Le président du Comité permanent des médecins européens (CPME), Christiaan Keijzer, insiste lui pour que le respect de la protection des données des patients et du secret professionnel « soient pris au sérieux pendant la finalisation du texte » (cf. Ethique et données de santé : l’inquiétude des médecins européens). « Nous espérons que l’EHDS ne surchargera pas les professionnels de la santé de tâches administratives, en particulier pour l’utilisation secondaire, et nous restons préoccupés par la manière dont cela fonctionnera dans la pratique » ajoute Chrsitiaan Keijzer (cf. Données de santé : la mise à l’épreuve du secret professionnel).

L’accord provisoire devra désormais être approuvé par le Conseil et le Parlement avant de pouvoir entrer en vigueur. Le sera-t-il avant les élections européennes ?

Complément du 25/04/2024 : Mercredi 24 avril, le Parlement européen a adopté, par 445 voix pour et 142 contre, le règlement sur l’Espace européen des données de santé (EHDS). Pour entrer en vigueur, l’accord provisoire doit encore être formellement approuvé par le Conseil de l’UE. Sa promulgation devrait avoir lieu à l’automne prochain. (Source : Euractiv, Catherine Feore (24/04/2024) ; APM news (25/04/2024))

 

[1] Digital health data compromise hailed as « most important health legislation » in this mandate, Euractiv, Amalie Holmgaard Mersh (15/03/2024)

[2] Deal on landmark health data space clinched in the eleventh hour, Euronews, Gerardo Fortuna (15/03/2024)

 

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